Partie 1 - 10 : Camp

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Me revoilà ! Dans ce chapitre, nous retrouvons Anna qui, seule au fond de son canyon, doit apprendre à maîtriser ses pouvoirs pour s'en sortir...

Point de vue d’Anna

Au bout d’un temps qui me semblait être une éternité, je me résolus à agir. Je m’étais déjà téléportée pour arriver sur la plage, je pouvais le faire à nouveau. Je me concentrai, me remémorai la vue que j’avais admirée depuis la falaise. Avec surprise, je sentis la sensation caractéristique au nombril. Je gardais les yeux fermés, et soudain je ne sentis plus rien. Puis je repris possession de mon corps, et ouvrit les yeux. J’étais au bon endroit. Nivôse se tenait assise tranquillement à quelques centimètres du sol. J’étais par terre face à elle.

– Tu as mis beaucoup de temps, observa-t-elle.

Hébétée, je n’arrivais pas à comprendre. Pourquoi agissait-elle si calmement ? Elle venait d’essayer de me tuer !

– V-Vous m’avez poussée dans l-le canyon ! balbutiai-je.

– Oui. Je voulais déclencher ton pouvoir de lévitation. Il te sera utile.

– M-Mais… Et si… ?

– Je t’aurais rattrapée. Bien, maintenant que tu es là, je te propose de poursuivre notre chemin…

À l’aide. Les Rooks nous ont attaqués.

J’écarquillai les yeux et reculai vivement. Que venait-il de se passer ? Était-ce Nivôse qui venait de parler ? En un instant, le visage de Lise s’était superposé à celui de l’ange et avait prononcé ces paroles. Les Rooks les avaient attaqués ? Ils étaient en danger ?

– Qu'est-ce qui t’arrives ? demanda Nivôse en fronçant les sourcils face à ma réaction.

– J-Je… C’était Lise ! Elle me disait que les Rooks les avaient attaqués… Il faut que j'aille les aider !

– Calme-toi. Tu ne peux rien faire, toi seule face à plusieurs Rooks. Y aller serait suicidaire. Et, si elle a vraiment été capturée, ta sœur doit sûrement déjà être morte.

La nonchalance qu'elle avait utilisée pour parler de la mort de ma sœur me choqua. Je ne pouvais y croire, bien que ça paraisse probable. Lise, morte ?

– E-Et si vous veniez avec moi ? proposai-je.
Avec une ange expérimentée à mes côtés, les Rooks relâcheraient rapidement Lise !

– Jamais je n’accepterais de me mettre autant en danger, surtout pour une cause aussi perdue.

J’écarquillai à nouveau les yeux. La vie de Lise ne comptait pas pour elle ?

Je lui lâchai un « Égoïste ! » puis me levai, m’éloignai d’elle et m'assis sur un rocher.

Je pouvais le faire. Je pouvais téléporter Lise ici. C'était possible. Je me calmai, et essayai de visualiser ma sœur assise à côté de moi. Mais je n'y arrivai pas. Pas moyen de bien la visualiser. Mon incapacité m’énerva soudainement, et je me levai brusquement, avant de donner un violent coup de pied dans un caillou. Mais je le ratai et tombai sur les fesses. Je me remis à larmoyer. Puis, j’essayai de ne penser à rien pour ne pas songer à des choses qui me faisaient pleurer. Ensuite, je m'imaginai être à côté de Lise.

Aussi bizarre que cela puisse paraître, je savais où elle était. Enfin, je ne voyais pas le lieu, mais je savais dans quelle direction était Lise par rapport à moi, et je connaissais à peu-près la distance qui me séparait d’elle. Je savais aussi qu'elle n’allait pas bien, mais qu'elle n'était pas morte.

Je n’arrivai pas non plus à me téléporter auprès de Lise. Désespérée, je pris ma tête entre mes mains et me remis à pleurer.

– Comment peux-tu penser arriver à te téléporter dans cet état ? Tu es trop impliquée sentimentalement.

Nivôse se tenait à côté de moi, l'air condescendant. J'essayai de sécher mes larmes, fierté oblige. Mais pas moyen. D'horribles images venaient s'imprimer dans mon esprit : ma sœur morte, ainsi que nos deux pères, des hommes-ours – ma représentation des Rooks – les encerclant, armés de lances, prêts à les manger.

Soudain, je sentis quelque chose au niveau du nombril. Surprise, je regardai Nivôse, avant de fermer précipitamment les yeux, soulagée qu’elle ait changé d’avis et décidé de m'aider.

Nivôse nous téléporta à la lisière de la forêt N'gahere. Cachées par les arbres, nous observâmes discrètement l'endroit où se trouvait Lise. Il s'agissait d’une espèce de camp rempli de Rooks. Ceux-ci ne ressemblaient pas du tout à l'image que je me faisais d'eux – c'est-à-dire des hommes-ours. Leur peau très pâle, cireuse, leur donnait un air malade et une bosse dans leur dos rendait leur démarche pataude. La silhouette trapue et forte, ils possédaient des yeux petits et méchants, noirs, semblables à des billes d'onyx. Quelque chose s'agitait sur leur tête, je mis du temps à me rendre compte qu'il s'agissait de cheveux. Mais des cheveux très peu nombreux, noirs, d'une épaisseur digne d'une corde, ou du moins d'une cordelette. Leur mâchoire inférieure semblait être avancée par rapport à leur mâchoire supérieure, et mettait en avant leurs dents longues et pointues ressortant de leur bouche.

Certains Rooks n'adoptaient pas totalement cette description. Certains avaient des cheveux plus fins et plus nombreux, voire plus clairs, une peau plus foncée, une carrure moins trapue, une taille différente… J'en vis même un qui n’avait pour seule ressemblance avec les Rooks sa mâchoire décrochée. Même ses dents étaient normales ! Par contre, leurs robes possédaient toutes des manches, et se ressemblaient toutes, à part pour la couleur. Néanmoins, la plupart paraissaient d’un marron clair parfaitement moche. D'ailleurs, tous les Rooks étaient hideux.

Le camp en lui-même était composé d’espèces de tentes dressées un peu partout, de toutes tailles et de toutes couleurs. Des Rooks allaient et discutaient avec entrain à travers le camp. Certains se trouvaient à une dizaine de mètres de nous ! J'étais à moitié terrifiée, et à moitié impressionnée par le nombre important de Rooks présents.

– Tu vois le bâtiment en bois, au centre ? me demanda Nivôse.

– Oui, répondis-je dans un souffle, effrayée par l'idée de me faire repérer.

En effet, nous distinguions, au milieu du camp, une espèce de grande boîte en bois d'un rouge foncé. De notre côté, nous ne voyions pas de porte, ni aucun moyen d'y pénétrer.

– C'est là que se trouve Lise, fit Nivôse.

–  Comment faire pour traverser le camp sans se faire repérer ? chuchotai-je.

– Je pense qu'il va falloir user de ma magie, répondit l'ange. Regarde-moi.

Je m'exécutai et me tournai vers Nivôse. Soudain, j'écarquillai les yeux. La première sensation de froid ressentie à Ilia  me fit frissonner. Tout à coup, je me rendis compte que j’étais plus grande, un peu voûtée, la mâchoire en avant. De l'air se faisait sentir sur mon crâne. Mes bras se couvrirent de tissu, tandis que je portai une robe. Oh non ! Je venais de me transformer en Rook ! Horrifiée, je regardai Nivôse, qui elle semblait satisfaite. Elle ressemblait également aux créatures qui arpentaient le camp. Tout ce qui nous différenciait des autres était la couleur de nos robes : un violet foncé qu'aucun autre Rook ne portait.

Finalement, je souris. C'était une bonne idée, en fin de compte. C'était juste perturbant de ressembler à un Rook. Mais grâce à ce déguisement, il sera aisé de sauver Lise.

Soudain, je demandai à Nivôse :

– Comment avez-vous su que Lise se trouvait là ?

Ce fut le regard fixé sur le camp que Nivôse répondit :

– Je connaissais cet endroit.

Je me contentai de cette réponse.

Soudain, Nivôse se leva et s’avança jusqu'au camp. Je fis de même.

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