Simplement ineffable - Receuil os

La chute

Aux premiers temps de la création, quand aucun ange n'avait encore chut, le paradis était un endroit splendide. Chacun y était libre de faire ce qui lui plaisait, et chaque ange avait ainsi développé sa propre passion. Raphaël, lui, avait choisi les étoiles. Il pouvait passer des heures à leur donner la teinte qu'il fallait, à dessiner de sublimes nébuleuses, des constellations mystérieuses et des étoiles lumineuses.

Le reste de son temps était occupé à la contemplation d'un ange bouquiniste, un certain Aziraphale.

Il ne savait pas ce que cet ange avait de particulier, peut être des yeux encore plus bleus que ceux de ses semblables, ou un sourire plus chaleureux. Un sourire qui faisait naître des sentiments étranges en Raphaël : une chaleur au creux du ventre, un coeur qui battait plus vite, plus fort, des joues qu'il sentait rougir. Il ne comprenait pas vraiment ses sensations, mais pourtant sentait confusément qu'il ne devait pas en parler, que ce n'était pas bien. Pourtant ce sourire était si délicieux, et ces lèvres roses si tentantes...

Petit à petit, Raphaël commença à s'isoler de plus en plus. Quand il était occupé à créer, le sourire désarmant d'Aziraphale lui parraisait plus lointain et il lui était plus facile d'y résister. Ce fut en ce temps là qu'il créa les trous noirs, dans lesquels il tenta de faire disparaître ses émotions, hélas sans succès. Mais, même si il s'efforçait de ne pas y penser, cette solitude lui pesait tout de même : quelque chose lui manquait, creusant comme un trou dans sa poitrine.

Pendant ce temps des tensions commençaient à naître entre les anges. Peut être à cause d'une curiosité malvenue, ou simplement de l'ennui que finissait par causer cette vie monotone, certains commencèrent à se poser des questions sur ce dieu qui les avait créés, qui gouvernait leurs existences, mais qu'ils n'avaient jamais vu.

Depuis le paradis, ils pouvaient apercevoir la terre encore vierge et l'univers à peine né.
Ils voulaient connaître les plans divins et comprendre la destinée que Dieu leur réservait, à eux et à ce monde nouveau. Bien sûr la moitié criait au blasphème, demandait de faire confiance en celui qui avait tout créé, mais les autres, rassemblés autour de Lucifer, le porteur de lumière, cherchaient désespérément des réponses et un sens à leurs vies.

Au milieu de ses création brillantes,
Raphaël était bien loin de tout cela. Mais le trou dans sa poitrine grandissait, et il avait beau imaginer de nouveaux dessins célestes, et peaufiner sans cesse sa voûte étoilé, à laquelle il ne se lassait pas de faire milles et une petites retouches, il commençait à ne plus pouvoir le supporter. De plus l'ennui commençait à le ronger, lentement, comme un poison à action lente, dont les effets sont comme une bombe à retardement. Alors un jour, après plusieurs années passées au milieu de ses étoiles, il partit à la recherche de son ange. Il voulait juste un sourire, dont il pourrait garder le souvenir pour ses prochaines années d'isolement.

Ce jour-là, Lucifer et ses adeptes s'étaient réunis pour une de leur conférence habituelle. L'ange, debout devant son public clamait :
"- Cela ne peut plus durer ! Dieu nous ignore, et refuse de répondre à nos questions. Il nous a créé, mais refuse de nous dire pourquoi. Sommes-nous supposé passer notre éternité ici, à jouer de la harpe ou cultiver des fleurs, alors que le monde est si vaste ? Dieu a t-il au moins réellement un plan ? Si Il en a un, pourquoi ne pas nous en faire part ? Pourquoi nous laisser dans l'obscurité ? Pour ma part, je suis d'avis que Dieu n'a pas de plan. D'ailleurs aucun de nous ne L'a jamais vu, comment pouvons nous être sûr de son existence ? Nous n'avons pas besoin de Lui ! Les réponse à nos questions sont peut être là, dehors, dans ce monde que Sa prétendu voix nous a interdit de visiter. Mais personne ne va nous les donner. C'est à nous d'aller les chercher !"

Les anges alentour éclatèrent en applaudissements et clameurs, Lucifer leur avait brillamment communiqué sa soif de connaissance et de liberté : ils voulaient tous sortir de ce Paradis si parfait et si parfaitement étouffant.