Chapitre n°8

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Feliciano était assis contre le chêne, sous un ciel noirci par l'orage. Un vent rapide et glacé agitait les feuilles et les branches au-dessus de sa tête et d'énormes éclats de tonnerre roulaient de façon menaçante entre les montagnes. Feliciano resserra les pans de sa veste et lança un regard inquiet vers le champ pour ce qui lui semblait être la centième fois. Il avait à peine dormi, la nuit précédente, trop de pensées, de souvenirs et de peurs assaillaient son esprit. Il refusait d'admettre la vérité - qu'il ne s'attendait pas à ce que Ludwig vienne, ce jour-là. Qu'il n'avait aucun moyen de l'atteindre. Cette pensée le terrifia mais il prit vite une décision : si Ludwig ne se montrait pas, Feliciano trouverait la base aérienne et irait le chercher. Elle ne pouvait pas être loin, Ludwig en venait et y retournait tous les jours. Il y avait des Allemands qui entraient et sortaient en permanence du village. Il pouvait la trouver s'il le fallait. Parce qu'il devait revoir Ludwig, même si c'était la dernière fois. Feliciano prit cette décision et s'endormit promptement.
Feliciano fut réveillé par une main froide contre sa joue. Il ouvrit les yeux pour voir Ludwig en face de lui : ces yeux bleus et brillants et ses cheveux dorés et son visage fort, gentil et magnifique avec les nuages noirs en arrière-plan. La poitrine de Feliciano s'emplit d'une joie intense et lumineuse qui lui coupa le souffle. Il sourit doucement, encore endormi et heureux. « Je rêve. »
Les lèvres de Ludwig s'élevèrent en un petit sourire. « Est-ce que c'est un beau rêve? »
Feliciano acquiesça, rêveusement perdu dans les yeux séduisants de Ludwig, un frisson chaud courant le long de sa colonne vertébrale. « Oui. Tu es dedans. » Un éclair apparut brièvement au-dessus de leurs têtes ; la mémoire lui revint. En un clin d'œil, Feliciano sortit du brouillard, sa joie s'évanouit et il se laissa tomber en avant contre Ludwig, tomber dans une étreinte forte, sécurisante et déchirante. « Dis-moi que je ne rêve pas, Ludwig. » murmura-t-il brutalement. Il se demanda combien de temps il avait dormi. Le ciel était si sombre pour un matin. « Dis-moi que tu es là.
- Je suis là, Feliciano. Je suis là, avec toi. » Ludwig l'embrassa gentiment et Feliciano se sentit fondre, les lèvres et le souffle de Ludwig étaient si chauds comparés au vent glacial. Feliciano frissonna en sentant les doigts de Ludwig courir doucement dans ses cheveux. « Je ne t'ai pas surpris? » murmura Ludwig contre ses lèvres. « Tu m'as dit une fois de te réveiller doucement si je te trouvais en train de dormir ici. Tu te souviens? »
La gorge serrée par l'émotion, Feliciano ne put qu'hocher la tête. Ses mains parcoururent les bras de Ludwig, ses doigts, ses épaules ; il sentit sa veste, le sentit, le serra contre lui, inspira. « Je suis si heureux que tu sois venu. » Il eut un rire tremblant. « Je ne pensais pas que je te reverrais. Hier, tu m'as fait si peur... Je ne pensais pas que tu reviendrais!
- Rien ne peut m'empêcher de venir, tu te souviens? » Ludwig sourit et embrassa sa chevelure. Feliciano soupira, presque avec bonheur. « Je suis désolé de t'avoir effrayé. Ce n'était pas ce que je pensais. Les Américains n'étaient pas en train d'attaquer. »
Feliciano recula. La mention des Américains était comme une douche froide. « Alors, ils n'ont pas débarqué? » Il essaya de donner l'impression qu'il ne le savait pas déjà.
- Non. Ce n'était qu'une mission de repérage. »
La poitrine de Feliciano se gonfla d'espoir. Ludwig savait que c'était une mission de repérage. Peut-être qu'il savait déjà au sujet du débarquement. « Alors, ils n'ont pas encore atterri, mais... » Feliciano hésita, il savait qu'il parlait dangereusement. Mais il devait savoir combien Ludwig en savait.
- C'était une tactique de diversion, » dit Ludwig. Feliciano se sentit un peu soulagé. Il savait que c'était une diversion... Les Allemands avaient deviné... Ils devaient savoir pour le débarquement... « Les Américains sont trop occupés en France pour lancer une attaque ici en ce moment. Ils essaient de nous embrouiller. » Ludwig pressa la main de Feliciano pour le rassurer mais le cœur de Feliciano se glaça et une agonie déchirante s'empara de sa poitrine. Ludwig ne savait pas, après tout. Les Allemands ne seraient pas préparés. Tout allait se produire exactement de la façon dont l'avait prédit Papy Roma, exactement de la façon prévue, exactement selon le plan que Feliciano avait aidé à mettre en œuvre. Les Américains allaient débarquer. Ils allaient attaquer. Ils frapperaient la base aérienne allemande et détruiraient l'endroit, détruiraient Ludwig, détruiraient Feliciano. Et Feliciano ne pouvait rien faire pour les en empêcher, ne pouvait même pas prévenir Ludwig - pas sans commettre de trahison.
Feliciano sentait qu'il se brisait. Alors voilà... C'était la dernière fois. Il laissa les larmes venir et cacha son visage dans le cou de Ludwig. Il commença à se demander s'il avait pris la bonne décision en venant ce matin. C'était une torture plus horrible que tout ce que la Gestapo pourrait bien lui faire. Ludwig ramena gentiment sa main en haut du dos de Feliciano, lissa les cheveux à la base de son cou. Il prit une inspiration tremblante contre l'oreille de Feliciano.
- Je ne peux pas rester, aujourd'hui. »
Feliciano hoqueta, la douleur dans sa poitrine se changeant en panique. Il se redressa, tendu sous le choc. « Quoi? Non! »
Les yeux de Ludwig étaient peinés. « Je suis désolé. Je ne devrais même pas être ici. Je n'ai que quelques instants... » Il regarda le sol, rougissant un peu. « Seulement quelques instants mais je devais les passer avec toi. Mais je dois être à la base, aujourd'hui. »
Feliciano était sans voix. Il cligna des yeux, refusant d'y croire. C'était le dernier jour qu'il leur restait et Ludwig partait immédiatement. C'était trop cruel.
- Je suis désolé. » Ludwig toucha les larmes de Feliciano avec des doigts froids et doux. Il fronça les sourcils. « Tu es différent aujourd'hui, Feliciano. Est-ce que tout va bien? »
Feliciano cligna des yeux pour faire partir le choc et hocha la tête. Il mentait encore. Pourquoi est-ce qu'il devait toujours mentir? « C'est juste que je ne veux pas que tu partes.
- Je sais. » Ludwig glissa sa main le long de la joue de Feliciano, essuyant ses larmes. Feliciano ferma les yeux, pour se concentrer sur cette sensation.
- Demain, Ludwig. Viens me voir demain, tôt.
- Je ne peux pas, demain.
- Non, c'est vrai. » Feliciano entendit sa voix venir d'ailleurs. « Demain tu as une réunion. » Ludwig s'immobilisa brièvement, une expression de surprise traversant son visage. « Ce n'est pas ça? » poursuivit rapidement Feliciano. « C'était juste une supposition.
- Oui, demain j'ai une réunion.
- Oh. » Feliciano se sentait étourdi. Comme si rien n'était réel. Comme s'il regardait tout cela de loin.
- Mais peut-être le jour suivant.
- Oui. Oui, peut-être. » Feliciano sourit, même s'il se sentait mourir. « C'est vraiment injuste, pas vrai? »
Ludwig hocha légèrement la tête. « C'est injuste. »
Feliciano s'agrippa fermement aux mains de Ludwig, regarda intensément dans ses yeux bleus. Aujourd'hui, ils étaient plus sombres, comme le ciel. « Reste avec moi, Ludwig. Reste avec moi aujourd'hui, et ce soir, et demain. Cette réunion n'est sûrement pas si importante que ça. Reste ici, avec moi, comme ça, toute la nuit. » Reste avec moi pour toujours...
Ludwig leva un sourcil et sourit légèrement. « Par ce temps? L'orage est sur le point d'éclater.
- Je m'en fiche. »
Ludwig soupira, son sourire s'évanouit. « Je suis vraiment désolé. J'aurais voulu que ce ne soit pas le cas mais je dois y aller. Et tu devrais rentrer. »
Le sang de Feliciano était comme de la glace dans ses veines. Il ne pouvait pas l'arrêter. Que pouvait-il dire? Il ravala le chagrin qui lui serrait la gorge et essaya de sourire. « Alors... Alors küss mich, Ludwig. »
Feliciano n'arrivait pas à croire qu'un baiser puisse être aussi différent. La veille, lors de son premier baiser, il ne s'était jamais sentit aussi heureux ou à sa place de toute sa vie. Et maintenant venait le dernier et il avait l'impression de mourir. Comme s'il perdait la seule chose qui ait jamais eut du sens à ses yeux. Ludwig allait partir et Feliciano se briserait et rien ne pourrait jamais, au grand jamais réussir à le recoller. Alors que ses lèvres s'appuyaient contre celles de Ludwig, leurs mains fermement entrelacées, Feliciano essaya de tout consigner dans sa mémoire. La façon qu'avait Ludwig de sentir l'herbe et le cuir et toujours une ombre d'autre chose qu'il n'arrivait pas à décrire ; la façon qu'avait sa peau d'être si chaude, tellement plus douce qu'on pouvait s'y attendre ; la façon qu'il avait de tenir Feliciano si fermement mais jamais assez pour lui faire mal. Feliciano le serrait comme si cela pouvait l'empêcher de partir, comme si, s'il ne le lâchait pas, ils pouvaient rester comme ça pour toujours. Mais ensuite ce fut fini et Feliciano se demanda comment ces vagues souvenirs pourraient durer toute une vie. Lorsque le baiser se brisa, le cœur de Feliciano se brisa en même temps. Ludwig se leva et mit Feliciano sur ses pieds.
- Ce ne sera pas long, Feliciano. Tu as dit que tu pourrais m'attendre pour toujours. Tu peux sûrement m'attendre un jour de plus. » Ludwig sourit et ce fut comme un poignard en plein cœur.
- Oui. » Un jour de plus. Pour toujours. Où était la différence? Feliciano sentit les doigts de Ludwig glisser d'entre les siens et faillit tomber. « Auf wiedersehen, sweetheart.
- Ciao, mein bello Feliciano. »
C'est à ce moment, en entendant cet étrange mélange de mots, en voyant ce petit sourire qui faisait s'arrêter son cœur, que Feliciano sut. Au-delà de tout doute qui aurait jamais pu exister. Il n'aimerait jamais personne de la même magnifique, douloureuse et bouleversante façon qu'il aimait Ludwig.
Puis Ludwig se retourna et commença à partir. L'air devint irrespirable. Feliciano se courba vers l'avant, hoquetant, le corps déchiré par une douleur physique, sa vie entière et tout ce qu'elle contenait tombant en morceaux autour de lui. Il était écrasé, détruit. Le monde tournoyait autour de sa tête et il ne pouvait pas l'arrêter, il ne pouvait pas arrêter Ludwig, il ne pouvait pas trahir la résistance, il ne pouvait pas respirer, il ne pouvait pas... Oh, bon sang. Il ne pouvait pas le laisser partir.
- STOP! »
Le monde cessa de tourner. Le vent cessa de souffler. Le soleil ne bougeait plus dans le ciel. Ludwig se retourna lentement.
- N'y va pas. » Feliciano l'avait murmuré, les yeux au sol, effrayé par les mots qui sortaient de sa bouche.
- Ne fais pas ça, s'il-te-plaît. » Ludwig avait l'air fâché, presque frustré. « C'est dur pour moi aussi, mais tu sais que je n'ai pas le choix. »
Feliciano essaya de trouver quelque chose. N'importe quoi. Il ne pouvait pas laisser Ludwig retourner à sa base. Que pouvait-il faire... Que pouvait-il dire... Que voulait-il... Feliciano leva lentement les yeux. « Fuyons.
- Je... Quoi? »
Feliciano s'obligea à bouger. Il courut vers Ludwig, s'accrocha à ses bras, essaya de lui faire comprendre. « Je t'en prie. Partons, tout simplement, maintenant. On pourrait, tu sais. On n'aurait pas à le dire à qui que ce soit, on pourrait juste... » Feliciano savait à peine ce qu'il disait et Ludwig le trouvait probablement ridicule mais il continua, parce qu'il n'avait pas le choix, parce que c'était leur seule chance, parce que, par-dessus tout, il le pensait... « Il doit y avoir un endroit... » Il s'interrompit et regarda vers les montagnes.
Ludwig posa une main apaisante sur sa joue. « Feliciano...
- La Suisse, Ludwig. » Feliciano ravala un sanglot et se courba vers l'avant jusqu'à ce que son front touche la poitrine de Ludwig. « S'il te plaît, je t'en prie, allons en Suisse et laissons tout ça derrière nous, et puis nous pourrons être ensemble, et on n'aura pas à s'inquiéter des Américains ou de la Luftwaffe ou... ou... ou de qui que ce soit, ou de quoi que ce soit... » Feliciano s'accrochait à Ludwig comme s'il était la seule chose au monde qui importait. A cet instant, il l'était. « On pourrait le faire, Ludwig, maintenant, rien que toi et moi! »
Ludwig regarda vers les montagnes, s'arrêta un instant et ferma les yeux avec regret. « Et qu'est-ce que l'on ferait, là-bas? Est-ce que tu as seulement déjà quitté le village, Feliciano? »
Feliciano ne pouvait pas le supporter. Ludwig devait l'écouter. Il devait empêcher Ludwig de partir. « Non. Mais je le ferais. Je le ferais pour toi. Il doit y avoir un endroit, quelque part où l'on peut être ailleurs, un endroit où ce sera juste toi et moi...
- Un tel endroit n'existe pas. Il n'y a pas de place pour nous. » Ludwig leva les yeux vers le chêne. « Seulement ici. » Il posa doucement une main sur la poitrine de Feliciano. « Seulement ici. »
C'était si douloureux parce que Feliciano savait que c'était la vérité. Il secoua néanmoins la tête. « Ne dis pas ça, Ludwig, s'il-te-plaît. Il doit y avoir... »
Ludwig embrassa doucement sa joue et Feliciano s'appuya contre lui. « Je te verrai après-demain, et on reparlera de ça, d'accord? » Puis il se dégagea de l'étreinte de Feliciano et fit un pas en arrière. Feliciano attrapa immédiatement son bras, pris de panique.
- Tu ne peux pas retourner à ta base! » cria-t-il, la voix au bord de la terreur. Ludwig s'immobilisa, et son comportement changea immédiatement. Ses épaules se tendirent et ses yeux se plissèrent. Il fut tout de suite sur ses gardes.
- Ma base? Qu'est-ce que tu veux dire par là? »
Feliciano s'immobilisa. Voilà. C'était sa décision. C'était le moment où il allait trahir tout ce qu'il défendait, tout ce pour quoi il s'était battu, tout ce en quoi il croyait. Feliciano ferma brièvement les yeux. Rien d'autre ne fonctionnerait. Il devait le dire à Ludwig. Feliciano pensait à Papy Roma, à Lovino, à l'Italie. Et il prit sa décision. « Les Américains débarquent demain matin. » dit-il doucement, lentement. C'était comme si sa voix n'était pas la sienne. « Ils préparent une attaque surprise sur votre aérodrome au moment de la réunion. Ils prévoient d'éliminer les pilotes avant qu'ils ne puissent atteindre leurs avions et détruire autant d'appareils que possible. Leur objectif est d'éliminer la présence allemande dans cette zone. » Feliciano s'arrêta et prit une profonde inspiration. « C'est pour ça que tu ne peux pas retourner à ta base, Ludwig. »
Le silence dura bien trop longtemps. Finalement, Ludwig demanda doucement. « C'est la vérité? »
Feliciano hocha la tête d'un air misérable. « Oui. Oui, je te le jure, je dis la vérité. Mais tu ne dois le dire à personne, s'il te plait. »
Le choc de Ludwig était évident mais il se recomposa bien vite. « Je dois partir immédiatement. »
Dès que Ludwig parla, Feliciano réalisa son erreur. Bien sûr que Ludwig allait devoir prévenir son unité à la base. Bien sûr qu'il n'allait pas rester derrière et les laisser se faire attaquer sans rien savoir. Mais Feliciano tint encore désespérément le bras de Ludwig. « Non! Je t'en prie!
- Tu ne peux pas t'attendre à ce que je garde cette information pour moi, tu ne comprends pas, ce serait de la trahison!
- Oh mon Dieu, je ne pensais pas... je ne savais pas... »
Ludwig se figea soudainement. Il fronça les sourcils dans un silence réfléchi avant que son regard ne revienne lentement, avec appréhension, sur Feliciano qui sentit sa peau geler. « Comment est-ce que tu sais ça? »
Feliciano regarda Ludwig avec des yeux paniqués. « Ne me demande pas ça. »
Les yeux de Ludwig se plissèrent avec suspicion, l'air perplexe et vigilent. Il tira son bras hors de l'étreinte de Feliciano. « Et tu savais pour la réunion. Comment est-ce que tu as pu savoir pour la réunion de demain matin? Comment est-ce que tu as pu avoir ces informations? » La respiration de Feliciano s'accéléra. Il essaya frénétiquement de trouver une échappatoire à cette situation. Il n'y parvint pas. « J'ai dit, comment est-ce que tu as reçu ces informations? » La voix de Ludwig se faisait plus forte et Feliciano ravala sa frayeur montante.
- Je... je ne peux pas te le dire... » répondit Feliciano d'une toute petite voix.
- Tu dois me le dire, Feliciano. » Ludwig semblait inquiet, presque effrayé.
- Je t'en prie! Ne m'oblige pas à le dire! Je ne te l'ai dit que parce que je ne veux pas qu'on te fasse du mal, mais s'ils savaient que je te l'ai dit, si tu le disais à qui que ce soit, ça gâcherait toute la mission... » Feliciano s'interrompit, horrifié, après avoir entendu ces mots comme si quelqu'un d'autre les avait dit. Il ravala un hoquet et recula.
- Ta mission? Mais que... » Ludwig se figea un instant. Quelque chose semblait avoir frappé son esprit. Il pâlit, l'air horrifié et refusant de le croire. « Tu... Tu dois être... Tu es de la Resistenza! »
Feliciano souffla doucement. Il ne servait à rien de mentir. Il ne voulait pas mentir. Il hocha la tête piteusement.
- Bien sûr. L'autre jour, ta réaction à ces hommes sur la place... » Les yeux de Ludwig étincelèrent alors qu'il semblait fouiller sa mémoire. « Et c'est pour ça que tu étais au café allemand. Et ton appareil photo, ton drapeau blanc. » Ludwig avait une expression abasourdie, stupéfiée. « Tu fais partie de la résistance.
- Oui. » Feliciano pouvait sentir tomber les premières gouttes de pluie. Il ferma les yeux, la poitrine douloureusement serrée.
- Tout ce temps. Tout cela... Tu n'en as jamais pensé un mot. » La voix de Ludwig était froide et amer.
Les yeux de Feliciano s'ouvrirent d'un coup. Un choc glacé courut le long de sa colonne vertébrale. « Quoi? Ludwig, non...
- Comment ai-je pu être aussi stupide. C'est donc ça que tu faisais. Tout est clair, maintenant. Toutes ces questions que tu me posais... Mein gott, toutes les choses que je t'ai dites! Tu te rapprochais de moi, tu gagnais ma confiance... »
Ce n'était pas en train d'arriver. Ca ne pouvait pas se passer comme ça. « Non! Tu dois me croire...
- Tout ce temps, tu récoltais des informations...
- Non! Je le jure... je t'en prie, ça n'a jamais été pour ça! » De lourdes gouttes de pluie tombaient sur les joues de Feliciano, se mêlant aux larmes qu'il n'arrivait plus à retenir.
- Tout ça pour me trahir! » Ludwig cria presque ces mots. Feliciano recula.
- Mais, mais non! Tu ne vois pas Ludwig, j'essaie de te prévenir, s'il-te-plaît écoute...
- Me prévenir? Tu essaies de me tromper! Je sais comment marche ta résistance, l'Italien! » la façon dont Ludwig cracha ces mots fut comme un poignard en plein cœur. Feliciano faillit en tomber vers l'arrière. « Vous feriez n'importe quoi pour nous duper! » Ludwig hoqueta presque pour reprendre son souffle alors son visage se tordait de douleur. « N'importe quoi. »
L'esprit de Feliciano se paralysa sous l'incrédulité. Rien n'était réel. C'était sa plus grande peur devenue réalité : Ludwig pensait qu'il était un ennemi. Pensait qu'il avait travaillé contre lui. Et si Ludwig ne le croyait pas au sujet de l'attaque... « Ludwig, écoute-moi, il va y avoir une attaque demain matin, je te supplie de me croire...
- Pourquoi est-ce que je devrais te croire? Tu m'as menti tout ce temps. Même ça... Bien sûr... Tu me donnes de fausses informations en essayant de me persuader. »
Feliciano se reprit rapidement, serra les poings et s'obligea à parler calmement. « Ludwig, écoute-moi, s'il-te-plaît. Hais-moi, ne viens plus jamais me voir, parle ou non de cette attaque à tes supérieurs, je m'en moque. Mais je t'en prie, Ludwig. Je t'en supplie. Ne sois surtout pas à la base demain matin! »
Ludwig essuya rageusement la pluie de ses yeux, leva une main vers sa tête, presque désorienté. Son visage était tordu dans une expression de fureur pleine de souffrance. Il faillit trébucher vers l'arrière lorsqu'il cracha les prochains mots. « Arrête de mentir, l'Italien! Je pourrais te faire exécuter, tu comprends ça? »
Feliciano hoqueta sous la douleur et agrippa sa poitrine, étourdi plus que de raison à ces mots. Il ne put que murmurer sa réponse. « Pourquoi est-ce que tu dis ça? »
Ludwig n'écoutait pas. Ses yeux déliraient de rage et de douleur. « Toi, et ton frère, et ton grand-père... Je pourrais tous vous faire emmener à la place et vous faire fusiller pour trahison! »
Feliciano sentit son souffle se couper, une vague de pure terreur le maintenant immobile. « Ne fais pas de mal à Lovino et Papy. » Feliciano essayait d'avoir l'air menaçant mais sa voix tremblante avait seulement l'air terrifiée. Et plus que tout il était dévasté que Ludwig puisse dire de telles choses.
Les yeux de Ludwig s'adoucirent. Ils parurent soudain vides. Il fit un pas en arrière, son regard absent tomba sur le sol. « J'aurais dû deviner. J'aurais dû savoir. Pour quelle autre raison aurais-tu passé tes journées avec moi? Pour quelle autre raison un Italien aurait-il perdu son temps avec un Allemand? »
Feliciano avait envie de hurler que c'était parce qu'il aimait Ludwig. Parce qu'il n'avait jamais aimé personne de cette façon auparavant, parce que son seul désir à partir de l'instant où il avait vu Ludwig se tenir dans la lumière du soleil et le regarder avec ses yeux bleus perçants avec été de le serrer dans ses bras, d'être avec lui et de ne jamais le laisser partir. Mais Feliciano ne pouvait pas répondre à cette question. Il n'arrivait pas à former les mots. Il arrivait à peine à respirer à travers ses larmes. Non. C'est tout ce qu'il pouvait penser, encore et encore, trop affolé pour avoir honte de ses hoquets affligeants. Non. Non, ne pense pas cela... Non, ne me quitte pas... Non, non, non... Il réussit enfin à le murmurer. « Non. »
L'incertitude traversa le regard de Ludwig. L'espace d'un instant, il parut incertain, divisé. Mais alors il ferma les yeux et tourna la tête. Toute trace de colère avait quitté son visage. Il avait seulement l'air dévasté. Il fit un nouveau pas en arrière. « Va-t'en, l'Italien. Maintenant. Tu es un traitre et un ennemi. Ne m'approche plus jamais. » Puis il se retourna.
Feliciano était malade de douleur. Il n'arrivait pas à mettre assez d'air dans ses poumons, n'arrivait pas à penser derrière la terreur qui envahissait son esprit, n'arrivait pas à entendre derrière le sang qui affluait à ses oreilles. Et Ludwig se contentait de continuer de s'éloigner.
Feliciano se sentit tomber en morceaux. Il secouait la tête, hoquetait pour respirer, ne savait pas quoi faire. La peur menaçait de l'engloutir. La panique commença à s'installer. Pas comme ça, continuait à crier son esprit. Pas comme ça. Il tendit désespérément la main vers Ludwig, s'obligea à parler. « Ludwig, s'il-te-plaît ! » hurla-t-il. « S'IL-TE-PLAÎT! »
Mais cette fois, Ludwig ne se retourna pas. La douleur dans sa poitrine mit Feliciano à terre.
Le tonnerre éclata au-dessus de sa tête. La pluie versa ses torrents d'eau alors que les nuages noirs se perçaient enfin.
Feliciano n'y fit pas attention.

auf Wiedersehen sweetheart (français)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant