Chapitre n°14

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- Feli ! Mio Dio, Feli… cosa faccio… non so cosa fare ! »
- Leader Schwarz, il y en a un autre qui vous talonne, à six heures, terminé. »
- Ecoute-moi, Lovino. Je ne comprends pas ce que tu dis. Il faut que tu arrêtes de paniquer. Il respire encore. »
- Je m'en occupe. » Ludwig fit faire un plongeon brutal à son avion, le retourna de façon abrupte et tira. Le Mustang n'eut aucune chance. Il explosa en un enfer éblouissant dans le ciel bleu et clair. Ludwig survola l'épave qui sombrait et se concentra immédiatement, avec détermination, sur l'appareil ennemi suivant.
- Il faut que tu le réchauffes pendant le trajet, et continue d'appuyer sur la blessure. N'arrête surtout pas d'appuyer, Lovino, c'est compris ? »
- Leader Schwarz, votre vol est trop erratique. J'ai du mal à vous suivre… »
- Je suis vraiment désolé, monsieur, je n'avais pas compris… C-c'était j-juste… Juste une erreur… Je le jure, monsieur, si j'avais su… »
Ludwig grogna presque dans son masque. « Vous allez me suivre, Schwarz Deux. Vous allez faire votre putain de devoir et vous allez les repousser ! » Un autre Mustang tomba, tournoyant vers le sol dans une traînée de fumée ardente. Ludwig ressentit un léger pincement de satisfaction avant de scruter rapidement le ciel à la recherche de sa prochaine cible.
- Je ne peux pas… On ne peut pas partir avec eux ! Ma è una pazzia ! Et s'ils… »
- Ils sont trop nombreux, Leader Schwarz ! Lieutenant, vous foncez droit dans – Beilschmidt, mais qu'est-ce que vous foutez ? »
- Lovino, ils vont emmener Feliciano chez le médecin le plus proche, puis ils s'en iront tout de suite. Ce ne sont que des soldats, pas des SS. Ils ne savent pas que vous faites partie de la Resistenza. »
Ludwig ne pouvait pas s'arrêter. Les avions ennemis l'encerclaient, surpassaient son escadron en nombre. Mais il ne pouvait pas s'arrêter ; il n'arrivait pas à s'y forcer. Ce chaos familier, rassurant, était la seule chose qui noyait presque ses souvenirs, qui noyait presque ses peurs. Presque. Ludwig cria dans son masque. « Je suis le commandant de cet escadron, alors vous allez suivre mes ordres, Schwarz Deux. Attaquez les avions ennemis ! »
- Ils viennent de lui tirer dessus ! Comment est-ce qu'on peut leur faire confiance ? Pourquoi est-ce que je devrais te faire confiance ? »
Tourner, tirer, plonger, monter. En descendre un, passer au suivant. Garder l'escadron uni. Se concentrer, respirer. « Ici Leader Schwarz à Escadron Schwarz. Nous ne fuirons pas ce combat. Forcez-les à la retraite. C'est un ordre. »
- Parce que tu n'as pas le choix. Je mourrais pour lui, Lovino, si je le pouvais. Mais c'est tout ce que je peux faire. Maintenant, vas-y ! »
Ce n'est que lorsque le ciel s'éclaircit autour de lui que Ludwig sentit enfin son cœur battre dans sa poitrine, ses poumons se remplir d'air. Ce n'est que lorsqu'il ne resta plus de combattants ennemis à attaquer qu'il se permit de penser. Une voix furieuse cracha dans ses haut-parleurs et noya le rugissement du sang dans ses oreilles. « Tour de contrôle à Leader Schwarz. Ramenez votre escadron à la base immédiatement ! »
Une fois posé dans la sûreté de la base, Ludwig sauta de son avion, le sang chaud et la tête étourdie de fureur. Il jeta avec colère son casque sur le sol et courut rapidement vers son co-équipier qui descendait de son propre avion. Les pieds de l'homme avaient à peine touché le sol lorsque Ludwig l'attrapa par le col et plaqua le pilote choqué sur contre le côté de sa machine. « Ne m'interroge jamais plus au milieu d'un combat, compris ? JAMAIS ! »
Le co-équipier parut sur le point de répondre sur un ton désagréable, mais Ludwig sentit ses yeux lancer des éclairs et l'homme se contenta de laisser tomber et de regarder ailleurs. « Oui, monsieur. »
Ludwig le repoussa brutalement avant de se retourner et de traverser l'aérodrome, sentant le regard de son escadron sur lui alors qu'il partait. Il se dirigea directement vers la tente de commandement pour expliquer, encore une fois, son comportement.
Lorsque Ludwig était revenu, les militaires n'avaient pas posé trop de questions. Tant mieux pour lui. Ils avaient accepté son histoire inventée de toute pièce au sujet de sa fuite, l'avaient envoyé à la prochaine base et presque avant de s'en rendre compte, Ludwig volait à nouveau, faisait à nouveau ce qu'il faisait le mieux. Revenait au même horaire journalier, au même quotidien, au bon vieux noir et blanc. Et pourtant, quelque chose était différent, maintenant. C'était si facile, avant. Lorsqu'il volait pour faire son devoir et que son pays était tout ce qui comptait. Lorsqu'il était un jeune héro montant de la Luftwaffe, qui ne savait rien du véritable amour, ou du véritable effroi, ou des immenses yeux d'ambre qui scintillaient dans le soleil du matin et dans le feu du soir. Maintenant, lorsque Ludwig volait, tout ce qu'il voulait c'était le feu et sa fureur. La chaleur et la colère et le sang qui filait dans ses veines. Maintenant, tout ce qu'il voulait, c'était emmener son esprit ailleurs, et il n'était jamais vraiment sûr de savoir s'il voulait se souvenir ou oublier.
Mais maintenant, chaque souvenir de Feliciano était taché. Chaque image de son sourire à la lumière du soleil était teintée de l'image de sa chute et de son sang et de sa pâleur. L'expression de joie et d'innocence sur son visage était remplacée par une expression de terreur déchirante et d'agonie sans nom. Le bruit de son rire clair et de son chant était noyé par ses hoquets désespérés à la recherche d'air à inspirer. Ce tourbillon constant dans l'esprit de Ludwig, cette répétition inlassable, incontournable des événements, cette avalanche sans fin de souvenirs amers dont il n'y avait aucun échappatoire. Le son de ce coup de feu, l'expression tordue de douleur sur le magnifique visage de Feliciano, la façon dont il avait essayé tant qu'il pouvait d'y résister et de garder ses yeux ouverts, la façon dont il avait levé les yeux sur Ludwig comme s'il le suppliait silencieusement de l'aider.
Et Ludwig ne pouvait rien faire. Rien, à part s'accrocher à Feliciano avec des mains désespérées, lui donner des ordres, supplier avec lui. Rien, alors que le monde de Ludwig s'effondrait devant lui, qu'une terreur froide, écœurante, qui ne ressemblait à rien qu'il n'ait jamais connu, s'emparait de son esprit et de son corps. Rien, alors qu'il hurlait, déconcerté, sur les soldats de patrouille allemands, alors qu'ils s'excusaient pour leur erreur stupide, insensée, qui détruisait son monde. Alors que Lovino paniquait à côté de lui, alors que Ludwig l'obligeait à prendre Feliciano et à partir vers l'hôpital avec les soldats. Alors que Ludwig regardait Feliciano partir avec un effroi plus grand que tout ce qu'il avait imaginé, une douleur plus grande que tout ce qu'il avait cru possible, un espoir semblable à rien qu'il ait jamais osé s'autoriser à croire.
Chaque fois que le cycle des souvenirs se répétait, l'esprit de Ludwig lui disait la même chose. Personne ne pouvait survivre à cela. Il savait que personne ne pouvait survivre à cela. Alors pourquoi refusait-il d'y croire ? Peut-être parce qu'une part de lui savait que s'il y croyait, il ne lui resterait plus rien. Et il ne pourrait pas vivre comme ça. Il en était ainsi, Ludwig ne vivait que pour une chose – pour savoir si Feliciano était en vie. Et pourtant il n'avait aucun moyen de le savoir, et aucun moyen pour le découvrir. Et cela le tuait. Alors chaque jour, Ludwig faisait la seule chose qu'il pouvait faire. Il se levait, il faisait son devoir, et il essayait de se souvenir ; essayait d'oublier.
 
 
Ludwig remontait lentement la route de ciment : les bâtiments de commandement et le large hangar d'acier d'un côté, l'immense aérodrome ouvert de l'autre. Cette nouvelle base à laquelle Ludwig avait été assigné était bien plus au nord que le village de Feliciano, plus près de la frontière autrichienne. Les Allemands avaient perdu trop de terrain en Italie, perdu trop de bases dans la zone nord. Sans aucun endroit pour s'installer, une petite section de la base aérienne servait de base temporaire à un petit groupe d'officiers SS, et même parfois à des membres de la Gestapo. Cette seule idée donnait la nausée à Ludwig, mal à l'aise à proximité de ce genre d'individus. Aucun des pilotes n'aimait l'arrangement ; mais, comme Ludwig le réalisait rapidement, ce qu'ils pensaient n'avait, de toute façon, aucune importance. Ludwig pensait autrefois qu'ils faisaient une différence. Maintenant, il savait qu'ils n'étaient que des marionnettes.
Ludwig tira rageusement sur ses gants, ignorant les regards et murmures occasionnels qu'il recevait des autres pilotes et du personnel tandis qu'il passait. Il avait l'habitude que tout le monde le regarde et parle de lui, ici. Il était le brillant jeune lieutenant qui non seulement avait survécu à la destruction de son avion par les Américains, mais avait aussi réussi à leur échapper. Il était le meneur aérien qui avait un jour été strict, fiable, collet-monté même, et qui menait maintenant son escadron dans des situations dangereuse, impossible, et réussissait encore à s'en sortir avec succès. Il était craint, respecté, incompris – et Ludwig se moquait bien de tout cela.
Ludwig continuait à se préparer mentalement pour le prochain vol, à se mettre dans le bon état d'esprit, à vouloir le bruit blanc et la fureur rouge du combat. A essayer de ne pas réfléchir, à ne penser à rien ; mais toujours avec cette photo dans sa veste et cette fleur dans sa poche. Il faillit ne pas remarquer le groupe de pilotes dans lequel il faillit rentrer au croisement de la route. Ils se tenaient tous en silence, en regardant l'endroit tout proche où était garée une voiture, avec plusieurs membres des SS en uniforme gris grouillant autour. Ludwig s'arrêta immédiatement. « Qu'est-ce qu'il se passe, ici ? » aboya-t-il à l'assemblée de pilotes. « Vous n'avez rien de mieux à faire qu'espionner la Police Secrète ? »
Les pilotes le regardèrent d'un air coupable mais l'un d'entre eux, un autre lieutenant, se fit entendre. « Ils ont amené un prisonnier. Un pilote. »
Ludwig plissa les yeux. « Un pilote ? Mais pourquoi… » Il s'interrompit lorsque la porte de la voiture s'ouvrit et qu'un homme en uniforme de pilote de chasse américain fut tiré de la banquette arrière. Il était à peine capable de marcher, soutenu sous chaque bras par un officier SS. Le devant de sa veste était marqué d'une brûlure noire, ses cheveux semblaient emmêlés par le sang. Il n'avait pas la force de résister à la poigne violente qui retenait ses bras. Ludwig se souvint de la façon presque courtoise dont on l'avait amené à la base américaine, et faillit s'étouffer sous une vague de colère et de dégoût. La voix du lieutenant aux côtés de Ludwig le tira de son brouillard de colère.
- C'est le Magicien qu'ils amènent. » Le petit groupe de pilotes fixaient la scène en silence, dans un désarroi et un respect ébahis. « On dirait qu'il n'a pas réussi à disparaître, cette fois. »
Le pilote américain leva légèrement la tête et Ludwig ravala un hoquet de surprise. L'homme à côté de lui avait raison – c'était le Magicien. Le pilote américain qui avait descendu l'avion de Ludwig, celui qui avait gaiement discuté avec lui ; qui l'avait traité avec une sorte d'étrange et condescendante courtoisie, qui avait mis la photo de Feliciano dans la poche de Ludwig. Lieutenant Alfred Jones. Il avait l'air presque mort. Ludwig secoua la tête à cette ironie amère, à cet horrible détour du destin. « Quand a-t-il été capturé ? » demanda Ludwig. « Pourquoi est-ce qu'on n'en a rien su ?
- Un escadron plus au nord, apparemment, juste sur la frontière. Les SS disent qu'il a tué sept d'entre eux. »
Ludwig jeta un regard incrédule et ahuri à cet homme. Il ne pouvait pas avoir entendu correctement. C'était impossible… « Sept ? »
Le lieutenant hocha la tête. « J'imagine que c'est pour ça qu'on en a pas entendu parler. Les SS l'ont interrogé. Cela n'a rien donné. Alors maintenant, c'est au tour de la Gestapo d'essayer. »
Ludwig se sentit malade et confus. « Pourquoi, pour l'amour du ciel, ce n'est qu'un pilote américain… On en descend tous les jours !
- Vous n'êtes pas au courant ? On dit qu'il a collaboré avec la résistance italienne. » Le lieutenant secoua la tête et cracha parterre. « Qui sait comment ces bâtards trouvent leurs informations. »
Ludwig sentit son sang et ses muscles se figer sous le choc. Son esprit répéta brièvement les mots de Feliciano… Quelqu'un m'a donné l'information mais ce n'est pas important… Dans la précipitation frénétique de cette fuite au cœur de la nuit, dans le bonheur incroyable, époustouflant, de tout simplement être avec Feliciano à nouveau, dans la panique et la terreur de ces moments insoutenables sur la route, Ludwig avait à peine eut le temps de se demander comment Feliciano avait réussi à savoir où il était. Mais maintenant, Ludwig savait. C'était Jones. C'était forcément lui. Ludwig serra les poings à la vue du lieutenant américain brûlé, ensanglanté et brisé. Ses ongles mordirent sa chaire. « Ce n'est pas juste.
- C'n'est pas à nous d'en décider, si ? »
Les officiers traînèrent Jones hors de la route jusqu'à un long bâtiment gis qui avait été attribué à leur usage. Lorsqu'ils passèrent, le regard de Ludwig rencontra brièvement celui de Jones, mais il se demanda si ces yeux désespérés voyaient quoi que ce soit. C'était l'homme qui avait dit à Feliciano où Ludwig se trouvait. Cet homme était la raison pour laquelle Ludwig était libre et se tenait là, à le regarder se faire traîner vers l'interrogation et la torture. La colère, la peine et le désespoir le plus total tombèrent tous à la fois sur Ludwig, le mirent plus bas que terre, firent tomber en ruines tout ce qu'il pensait savoir de l'honneur et du devoir et de la loyauté.
- Allez, viens, » dit le lieutenant à ses côtés tandis que les pilotes s'écartaient peu à peu, les yeux baissés. « On a un rapport de mission. »
Ludwig s'éloigna à contrecœur.
 
 
Un nouveau vol, une nouvelle chance d'oublier. Mais il n'y eut pas d'appareils ennemis ce jour-là, et aucune bataille aérienne dans laquelle se perdre. Sans aucun moyen de libérer sa colère et sa frustration, Ludwig restait étendu, à contempler le plafond sombre de sa minuscule chambre à la base, incapable de dormir. Il y avait trop d'émotions noires qui s'ébattaient sous sa peau, trop de pensées tortueuses qui parcouraient sa tête. Ludwig ne pensait jamais ainsi, ne se sentait jamais ainsi auparavant. Mais les frontières semblaient si troubles depuis qu'il avait rencontré Feliciano, et rien n'était plus comme il fallait. En plus des pensées, des peurs et des images omniprésentes de Feliciano, Ludwig ne pouvait maintenant plus s'empêcher de penser au lieutenant Jones. A ses yeux écarquillés, paniqués, aveugles, à son corps meurtri traîné vers le bâtiment des interrogations. Ludwig n'aimait pas y penser, mais il savait ce qu'il se passait dans ce bâtiment. Il savait que la Gestapo ne représentait pas l'âme de sa nation ; il savait aussi ce qu'elle faisait en son nom. Et Alfred Jones était un homme bon. Il ne méritait pas ce qui lui arrivait. Ludwig se retourna dans son lit étroit, perturbé par les pensées qui encombraient son esprit, et essaya de se dire qu'il y avait des millions d'hommes bons qui ne méritaient pas ce qui leur arrivait chaque jour pendant cette guerre. C'était cela, une guerre. Ludwig essaya de le justifier, mais il ne pouvait pas. Parce que c'était une situation à laquelle il pouvait remédier. Et si Feliciano pouvait être aussi courageux pour lui, alors Ludwig pouvait faire quelque chose de courageux et de juste à son tour. Toute trace de fatigue et de sommeil s'envola, et Ludwig se leva du lit, réveillé, déterminé et plein d'énergie. Et il prit une décision.
Ces bâtiments n'étaient pas conçus pour la Gestapo. Il n'y avait pas d'impossible assemblage de serrures sur les portes, pas de salles cachées derrière des murs d'apparence innocente. Il n'y avait qu'un long corridor fortement éclairé, des portes qui menaient à des pièces avec des fenêtres, un personnel indifférent dont les yeux glissaient sur le blond grand et fort en veste de fonction grise qui traversait le hall presque vide. Ludwig regardait droit devant lui, les épaules droites. S'il y avait une chose qu'il avait apprise de ces années dans l'armée, c'était que si vous aviez l'air à votre place quelque part, peu de gens poseraient des questions. Son pouls était régulier, sa concentration aiguisée et inébranlable. Il se sentait comme en plein combat – prêt, déterminé, et entraîné. La peur n'entrait pas dans l'équation.
Ludwig tourna à l'angle d'un nouveau couloir, et son estomac tressaillit. Les lampes s'arrêtaient à la moitié du corridor, couvrant d'ombre le bout du couloir. Il était complètement vide, complètement silencieux. Ludwig prit une profonde inspiration pour se calmer et marcha rapidement jusqu'au bout du corridor. Son esprit pouvait à peine reconnaître ce qu'il était en train de faire. Les pilotes n'étaient pas admis dans cette partie de la base. Il n'avait aucune idée de comment s'expliquer s'il était surpris. Il n'avait aucune idée de comment se l'expliquer à lui-même. Qu'est-ce qui lui prenait d'essayer de trouver ce pilote américain ? Que pensait-il pouvoir faire au final ? Et pourquoi était-ce soudain si important ?
Ludwig atteignit la dernière porte sur la droite, la seule avec un dossier attachée au panneau et une petite serrure de fortune au-dessus de la poignée. Ludwig se retourna et scruta à nouveau le couloir, les yeux examinant chaque ombre et l'oreille attentive au moindre écho. Il n'y avait rien. Il leva un sourcil, étrangement décontenancé par le manque de sécurité de son armée. Oui, c'était les petites heures du matin, mais cela n'aurait pas dû être aussi facile de se rendre sans être vu dans la cellule d'un prisonnier important. Ludwig se retourna et étudia la porte de près dans la faible lumière qui lui parvenait du couloir. Puisque les pièces n'avaient jamais été conçues pour être des cellules, on n'avait pas installé de serrure correcte. Et ce boulon sur la porte semblait bien trop lâche pour être efficace. Ludwig n'eut qu'à prendre la poignée, tirer pour la maintenir en place, et abattre son bras sur le loquet. Il se décrocha de la porte et Ludwig le laissa tomber au sol avec dédain avant d'entrer dans la pièce.
Il faisait froid dans la petite salle blanche. Une odeur glacée, stérile, imprégnait l'air, mêlée à un léger parfum de sang. Une unique fenêtre en haut du mur offrait une petite quantité de lumière à la pièce, ne révélant rien d'autre qu'une table en son centre et un lit en métal contre le mur opposé. Et là, si immobile que cela en était perturbant et blanchi par la lumière de la lune, le Lieutenant Alfred Jones était allongé. Ludwig courut auprès de lui, les tripes retournées par un mélange de soulagement et d'horreur. Les yeux de Jones étaient fermés, sa respiration lente et faible. Ludwig ne savait pas s'il dormait.
- Lieutenant Jones. »
Jones n'ouvrit pas les yeux. Il répondit par un lent, brisé et monotone « Nom, Alfred Jones. Rang, Lieutenant. Numéro de série, 501/7. » Sa voix était faible et rauque.
Bien sûr… les trois seules choses qu'il était obligatoire de dire selon la loi militaire. Ludwig avait utilisé la même tactique lorsqu'il avait été capturé. Les Américains avaient essayé de le faire parler davantage, l'avaient gardé éveillé pendant des heures avec leurs questions. Mais ils n'avaient jamais essayé quelque chose comme ça. « Jones, j'ai besoin que vous me disiez quelque chose. »
La respiration de Jones s'accéléra et ses poings se serrèrent. « Nom, Alfred Jones. Rang, Lieutenant. Numéro de série, 501/7. » Il croyait visiblement être toujours en pleine interrogation.
- Non, écoutez, je… »
La voix de Jones se fit plus forte. « Nom, Alfred Jones. Rang…
- Bordel, écoutez-moi, je ne suis pas l'interrogateur. Je suis le Lieutenant Beilschmidt. » Jones ne répondit pas. « Ludwig, » expliqua-t-il. « Ludwig Beilschmidt. »
Les yeux de Jones s'ouvrirent brusquement. Ils étaient d'un rouge écœurant et s'agitèrent frénétiquement avant de se poser sur Ludwig. « Ludwig… le pilote allemand… Feliciano… »
Ludwig hocha la tête avec soulagement. Ainsi, il avait vu juste. Jones avait parlé avec Feliciano. « Oui.
- Qu'est-ce que tu fais là ? Tu t'es enfui ? Comment ? » Jones parlait lentement, en mâchant ses mots.
- J'espérais que tu puisses me le dire. Es-tu celui qui a dit à Feliciano où j'étais détenu ? Car, si c'est le cas, je suis ici grâce à toi. »
Jones eut un hoquet rauque qui aurait pu passer pour un rire. « Je vois. Pardon de ne pas fêter ta libération. » Jones semblait avoir de plus en plus de mal pour former ses mots. « Mon estime pour les militaires allemands a été quelque peu endommagée, ces derniers temps. » Il hoqueta soudainement et porta la main à son épaule, le visage tordu de douleur. Il semblait terriblement mal en point, cela dit, aussi meurtri qu'il eût l'air, il semblait que la Gestapo n'ait encore rien tiré de lui. Si cela avait été le cas, il serait dans un état bien pire. Tous les gestes de Jones étaient lents et groggy. Ludwig avait entendu parler des drogues que les SS utilisaient pour soutirer des informations à leurs prisonniers, et se demanda ce que Jones retiendrait de cette conversation.
- Je suis désolé, » dit Ludwig, doucement, sincèrement. « J'aimerai juste que tu saches que… que…
- Oui ? »
Que quoi ? Qu'est-ce que Ludwig pouvait faire, maintenant ? A la vue d'Alfred Jones, allongé, drogué et agonisant aux mains de la propre armée de Ludwig, il sut immédiatement. Il ne pouvait pas laisser cet homme ici plus longtemps. « Je vais rembourser la dette que je te dois. »
Jones lui lança un regard agacé de ses yeux rougis par le sang. « On verra… ça. » Il fut pris d'une quinte de toux et se détourna. Ludwig hocha la tête et sortit, croisant un membre des SS d'un grade inférieur dans le couloir. Il se mit bruyamment en colère contre cet homme.
- La dernière porte à droite. Réparez cette putain de serrure. »
 
 
Une fois sa décision prise, s'y tenir devint étonnamment facile. Pour la première fois de sa vie, Ludwig faisait quelque chose parce qu'il croyait que c'était la bonne chose à faire, et non pas parce qu'on lui avait dit de le faire. Pour la première fois, il ignorait son devoir et brisait les règles. Qu'elles aillent au diable. Qu'ils aillent tous au diable. Ses supérieurs, ses dirigeants… Que leur devait-il ? Lequel d'entre eux avait-il fait plus pour lui que cet américain inconnu ? Ludwig se souvint de la question que Feliciano lui avait posé si simplement, si innocemment, en ce lointain après-midi d'hiver où ils avaient marché ensemble jusqu'au marché du village. C'est pour ça que tu le fais ? Parce que c'est ton devoir ? Lorsque Ludwig était si certain que ce n'était pas son rôle de douter des raisons de son pays ; lorsque Feliciano lui avait répondu si facilement que ça l'était.
Ludwig était assis à la terrasse d'un café dans le petit village de frontière, attendant le contact qu'on lui avait assigné. Pour trahir son pays ou pour sa propre rédemption, il ne savait pas. Cela lui avait demandé deux jours et des conversations suspectes, tordues et sans fin avec les villageois pour repérer quelqu'un qui en savait un peu sur la Resistenza, et un jour de plus pour le convaincre de permettre à Ludwig de rencontrer l'un d'entre eux. Ludwig était sans armes, et en tenue civile. Pour la foule occupée des italiens qui passaient sur le trottoir ensoleillé, il aurait pu être n'importe qui. En les regardant passer, Ludwig, à nouveau, ne put arrêter les souvenirs de Feliciano qui inondaient son cœur et son esprit. Son air d'une innocence charmante, assis à la terrasse du café tandis que l'équipe d'exécution SS se rapprochait de la place ; son air effrayé et horrifié lorsqu'il avait réalisé ce qu'il se passait. Le souhait désespéré de Ludwig de l'éloigner de tout cela, de le protéger en lui évitant d'avoir à voir quelque chose comme cela. La façon adorable qu'avait eue son visage de s'éclairer lorsque Ludwig avait mentionné leur leçon de langue, avait essayé de détourner son esprit des événements hideux qui venaient de se produire. Ludwig mit brièvement sa tête entre ses mains, balayé par ce manque familier, désespéré, insupportable, de Feliciano. Feliciano, qui était trop innocent, trop pur, trop gentil et honnête et magnifique pour tout cela. Feliciano n'avait jamais rien mérité de tout cela.
Frottant son visage avec ses mains, Ludwig leva les yeux pour voir un homme massif aux cheveux sombres traverser la foule grouillante du café, les yeux fixés sur Ludwig. Le corps entier de ce dernier se raidit dans un sursaut. Ses yeux se figèrent, écarquillés et incapables de cligner ; ses poumons eux-mêmes semblaient voler son souffle pour le refroidir. Il ne pouvait pas ôter sa main de son visage, ne pouvait pas s'amener à se lever, ne pouvait pas faire autre chose que regarder l'homme traverser la foule qui s'ouvrait devant lui pour venir se pencher sur lui. L'homme le regarda de haut avec des yeux durs, sombres. Pour la première fois depuis des semaines, Ludwig eut un frisson de peur. Il sut immédiatement de qui il s'agissait. Les mêmes cheveux, les mêmes yeux. Une version plus grande, plus vieille, plus sérieuse de Feliciano. Il s'agissait du grand-père de Feliciano. Ludwig déglutit lourdement et se força à se lever, quand bien même il ne sentait pas ses jambes. Lorsqu'il réussit enfin à parler, il trébucha sur les mots. « Signore Vargas.
- Lieutenant Beilschmidt. »
Ils se regardèrent, en silence, sans qu'aucun d'eux ne fasse mine de se retirer ou de détourner le regard. Dans le silence lourd, Ludwig comprit – cet homme savait qui il était. Savait qui il était pour Feliciano. Cet homme savait tout. Enfin, Vargas brisa le silence, en anglais. « Tu prends un très grand risque en venant ici, l'Allemand.
- Tout comme vous. »
Vargas ne releva pas. « On m'a informé que tu as des informations pour…
- S'il-vous plaît, » l'interrompit Ludwig, incapable d'attendre plus longtemps, incapable de le supporter. C'était plus que ce qu'il avait osé espérer. C'était la chance pour laquelle il avait prié, supplié. C'était enfin l'occasion, après d'infernales semaines d'ignorance, de savoir la seule chose qu'il ait jamais vraiment besoin de savoir. « Feliciano. S'il-vous-plaît, dîtes-moi s'il est en vie. »
Vargas leva un sourcil menaçant. « Si ce n'est que pour cela que je suis ici, l'Allemand, si tu as menti en disant avoir quelque chose d'une importance vitale pour nous seulement pour pouvoir demander…
- Je n'ai pas menti. » Ludwig ne remarqua pas, ou en tout cas ne se préoccupa pas du fait qu'il venait de l'interrompre. Il n'avait jamais, dans sa vie, eut autant besoin de quoi que ce soit que de savoir, à cet instant, s'il avait encore une raison de vivre. « Je le jure, j'ai votre information. Je ne vous demande qu'une petite chose en retour. J'ai besoin… » Ludwig s'interrompit en tremblant et passa une main dans ses cheveux, tâchant de calmer ses nerfs à vif. « Je vous en prie, signore, j'ai besoin de savoir. »
Vargas prit une profonde inspiration, considérant la requête. « Peut-être devrions-nous nous asseoir pour en discuter, Lieutenant.
Ludwig hocha la tête et s'assit si précipitamment qu'il faillit renverser sa chaise. Il grinça des dents et s'ordonna de se calmer. Vargas s'assit avec précaution sur le siège opposé, sans quitter Ludwig des yeux une seule seconde.
- Vous avez posé des questions en ville, Lieutenant. Des questions qu'un officier de la Luftwaffe ne devrait pas poser. Vous êtes vraiment très chanceux que cette information me parvienne à moi et pas à d'autres qui auraient de dangereux soupçons de l'intérêt qu'un officier allemand aurait à poser des questions sur la résistance italienne. » La voix de Vargas était comme celle de Feliciano, mais plus profonde. Ses yeux étaient ceux de Feliciano, mais un peu plus sombres. Et il savait. Il savait si Feliciano était en vie. Mais c'était un homme de guerre, et il allait obliger Ludwig à se battre pour cette information. Ludwig se redressa dans sa chaise, carra ses épaules et leva le menton. Il allait montrer à cet italien comment il pouvait se battre.
- Et vous donnez votre nom, vous montrez votre visage à un officier allemand très proche de la Police Secrète. Je crois que nous pourrions tous deux être dans une situation dangereuse, signore. » Ludwig lui lança un long regard mauvais.
Les yeux de Vargas étincelèrent, mais les coins de sa bouche se relevèrent légèrement. « Bien dit, l'Allemand. Quoique je me doute bien que vous ne vous êtes pas donné tout ce mal uniquement pour mettre un vieil homme entre les mains des SS.
- Pas n'importe quel vieil homme. D'après ce que l'on m'a dit, Roma Vargas, vous êtes un ennemi à craindre. » Ludwig sut immédiatement qu'il avait bien répondu. Vargas parut plutôt content.
- Très bien, l'Allemand. Donnez-moi votre information, et nous verrons ce que nous pourrons faire. »
Ludwig hocha la tête et se pencha légèrement en avant. « Il y a un pilote américain dans notre base. Il est en train d'être interrogé. »
Vargas fronça les sourcils. « Interrogé dans une base aérienne ?
- Suite à certaines circonstances, nous sommes obligés de partager notre base avec ceux dont nous préférerions nous éloigner. Lorsque je dis que je suis proche de la Police Secrète, signore, je veux dire que je le suis littéralement. »
Les traits de Vargas se tordirent de dégoût. « Je vois. Donc, les SS interrogent les pilotes américains qu'ils ont descendus, maintenant ?
- Celui-ci est différent. Ils pensent qu'il détient des informations au sujet de la Resistenza. »
Vargas parut confus à nouveau. « Comment pourrait-il… »
Ludwig l'interrompit rapidement. « C'est le Lieutenant Alfred Jones. »
Vargas s'interrompit et se recula sans un mot dans sa chaise. Il s'agita nerveusement, frotta une main sur son menton. Il sembla réfléchir, puis secoua la tête, l'expression divisée. « Lieutenant Jones… Oui, je m'en souviens. Mais non, il n'y a rien que nous ayons dit… Non, c'est ridicule, nous avons seulement bu avec lui. Qu'est-ce qu'ils pourraient croire qu'il sait ?
- Cela ne suffit-il pas qu'il sache où se trouve votre faction de la résistance ? »
Ludwig put voir que Vargas comprenait. L'homme devient presque blanc, puis secoua encore la tête d'un air têtu. « Mais notre village n'est plus occupé par les Allemands. Ils n'ont aucun moyen de nous atteindre.
- Signore, c'est maintenant le but principal, à la fois des SS et de la Gestapo, de déraciner les factions de la Resistenza dans ce pays. Croire qu'ils ne pourront pas vous atteindre parce que votre village est proche d'une base américaine serait d'une ignorance délibérée. »
Vargas passa une main sur son front, détourna puis baissa le regard, expira lourdement. « C'est un homme honorable. Il ne…
- Parlera pas ? Signore, honorable ou pas, après plusieurs jours avec la Gestapo, il hurlera plus que ce qu'ils demandent. Les SS le détiennent depuis déjà quelques jours, et je crois qu'il n'a rien dit. Mais il est grièvement blessé suite à sa chute. Lorsque la Gestapo aura obtenu ce qu'elle veut… » Ludwig s'interrompit. « Je l'ai vu. Il ne tiendra pas beaucoup plus longtemps avant de craquer. Je sais ce que la Resistenza fait. Je sais que vous pouvez faire sortir des combattants alliés du pays. Vous pourriez l'envoyer à Londres, dans un hôpital. »
Vargas se recula dans sa chaise et regarda Ludwig attentivement. Ce dernier commença à se sentir mal à l'aise, le silence entre eux était comblé par les bavardages bruyants et insouciants de la foule autour d'eux. « Je sais que tu veux savoir pour mon petit-fils, l'Allemand, » dit enfin Vargas, ses mots frappant les nerfs et les veines de Ludwig. « Mais ce n'est pas tout, si ? Après tout, tu n'avais aucun moyen de savoir que je serais celui que tu allais rencontrer aujourd'hui. Alors dis-moi. Pourquoi me dis-tu cela ? Pourquoi en venir à de telles extrémités pour essayer de nous remettre cet américain ? »
Ludwig rendit à Vargas son regard intense. C'était comme si l'Italien essayait de faire craquer Ludwig avec ses yeux. Cela ne marcherait pas. « J'ai pour principe de rembourser mes dettes, » dit calmement Ludwig. « J'en ai une envers cet homme.
- Que pourrais-tu bien devoir à un pilote américain ? » A peine ces mots avaient-ils quitté sa bouche que les yeux de Vargas brillèrent et que ses lèvres se tordirent. Un soudain éclair de clairvoyance illumina son visage. « C'est lui qui a dit à Feliciano où tu étais détenu. » Ludwig se contenta de hocher la tête. « Oui. L'après-midi où il venu à la cantina, il a parlé avec Feliciano… Il devait savoir, d'une manière ou d'une autre…
- C'est lui qui m'a descendu, » expliqua Ludwig. Cela ne servait à rien de cacher quoi que ce soit de cette incroyable histoire, à présent. « Le Lieutenant Jones m'a descendu, m'a capturé, et a vu une photo de Feliciano que je possédais. C'est ainsi qu'il a su que nous… » Ludwig s'interrompit et se demanda comment formuler cela. « … qu'il a su que nous nous connaissions, Feliciano et moi. Et c'est ainsi qu'il a su où j'étais détenu.
- Alors il est aussi responsable pour ce qui est arrivé. » Ludwig pouvait voir la colère s'emparer de Vargas. « Alors pourquoi devrais-je…
- Signore, il faut que vous compreniez. Il sait qui vous êtes. Il connaît vos noms. Le vôtre, celui de Lovino. Celui de Feliciano. » Ludwig haussa les épaules et leva les mains. « Il sait où vous vivez. Et je ne sais pas de quoi vous avez parlé d'autre avec lui, mais… »
Vargas ferma les yeux, son front se plissa douloureusement. « Il ne peut pas rester entre les mains de la Gestapo. »
Ludwig faillit soupirer de soulagement. « Non. »
Vargas ouvrit les yeux et fixa son regard perçant sur Ludwig. Il parla simplement et calmement. « Je déteste les traîtres. » L'estomac de Ludwig se retourna à ces mots. S'il y avait une chose sur laquelle il avait toujours pu compter, une chose pour laquelle il pouvait vivre et mourir, c'était sa loyauté envers son pays. Être considéré comme un traître était pire que la mort. Et pourtant –
- Je voyais tout en noir et blanc, moi aussi. » Ludwig sentit un minuscule sourire sur ses lèvres, sans qu'il puisse l'empêcher. « Puis, j'ai rencontré Feliciano. »
Vargas posa ses mains sur la table. Le bruit du monde autour d'eux s'assourdit, la lumière du soleil parut s'assombrir, et Vargas pencha très légèrement la tête tandis que ses yeux sombres qui ressemblaient tant à ceux de Feliciano plongeaient dans l'âme de Ludwig. « Tu aimes mon petit-fils, n'est-ce pas, l'Allemand. »
Ludwig répondit avec la moindre once de certitude à sa disposition. « Signore. Je vivais et respirais pour mon pays. Maintenant, je le fais pour lui. »
Vargas le fixa encore un moment avant de se lever. Ludwig l'imita, un peu surpris par cette conclusion soudaine. Vargas plongea la main dans sa veste et tendit une enveloppe à Ludwig. « Nous vous verrons à ces coordonnées, demain soir, à 0200 heures précises. Amène ce pilote américain. Et prie pour qu'il n'ait pas encore parlé. » Vargas se retourna pour partir. Il partait ; partait, et n'avait rien dit à Ludwig ; partait et Ludwig ne savait toujours pas…
- Non, attendez ! » s'écria Ludwig avant même de penser à lever la voix. « Je vous en prie, Signore. »
Vargas s'arrêta, les poings serrés, les épaules rigides. Il ne se retourna pas. « Il est en vie. » Le monde vira brièvement au noir lorsque le sang de Ludwig fila dans sa tête. Il sentit ses genoux trembler et dut s'accrocher au dossier d'une chaise pour rester debout. « Il a été inconscient pendant plusieurs jours. Il appelait ton nom pendant tout ce temps. Mais il est en vie, il va bien, et il devrait pouvoir guérir complètement. »
Ludwig sentit sa poitrine s'alléger, décoller, et croyez-le ou non mais il rit légèrement, presque incapable de supporter cette exaltante sensation de soulagement. Feliciano était en vie. La vie avait à nouveau un sens ; le monde avait un but. Maintenant, tout irait bien. Ludwig porta sa main à sa bouche, tâcha de se retenir de pleurer, de tomber ou de se mettre à crier comme un hystérique. Il se contenta de souffler calmement et de hocher la tête, les yeux fermement fixés sur le sol pour contrôler ses larmes qui menaçaient de couler. « Merci. »
- Ludwig. » Ludwig cligna des yeux surpris en entendant son nom et leva la tête pour voir que Vargas le fixait, l'expression neutre et pourtant avec des yeux tristes. « Même lorsque cette guerre se terminera, tu t'en rend bien compte. Il n'y a aucun moyen pour que toi et Feliciano soyez ensembles. »
Ludwig laissa retomber sa main et serra l'enveloppe entre ses doigts, puis se redressa de toute sa hauteur et se détourna. Il refusa ne serait-ce que d'admettre les mots de Vargas. « Demain soir, Signore Vargas. »
 
 
Cette fois, Ludwig amena avec lui deux vestes de SS qu'il avait volées. Il descendit à nouveau le couloir central du bâtiment des SS, tourna à l'angle du corridor et se dirigea vers la même pièce dans laquelle il était entré par effraction quelques nuits plus tôt. Il ne s'arrêta pas, ne réfléchit pas. Le bâtiment était, encore une fois, presque vide dans le silence de minuit. Lorsqu'il atteignit la porte, Ludwig abattit la nouvelle serrure, la brisant facilement encore une fois, et ouvrit la porte à la volée. L'odeur de sang le frappa violemment. « Jones. » Ludwig se précipita vers le lit, et eut immédiatement un mouvement de recul et de désarrois écœuré.
Jones n'allait pas bien – pas bien du tout. La lumière pâle de la lune illuminait depuis la fenêtre les draps tâchés de rouge, le visage de Jones d'une blancheur de papier, à part pour les blessures noires et profondes sous ses yeux et les gouttes de sang qui bordaient la naissance de ses cheveux. Son torse nu était couvert de cicatrices encore fraîches, de peau rouge, gonflée et sanglante là où elle avait visiblement été arrachée récemment. Elle se soulevait à peine à chacune de ses inspirations faibles et irrégulières.
- Jones » murmura à nouveau Ludwig, doucement, tâchant de garder une voix calme. Il n'y eut pas de réponse. « Lieutenant. Alfred.
- Je vous l'ai dit, » répondit enfin Jones, murmurant les mots dans sa barbe. « Je ne… l'ai dit… ne sais pas ce que vous voulez… » Ludwig ferma brièvement les yeux et soupira. Il n'avait pas été assez rapide. Jones devait avoir déjà subi l'interrogation de la Gestapo. La main qui reposait sur son ventre avait perdu deux doigts et était couverte d'un bandage sanguinolent. L'estomac de Ludwig se retourna. Il avait entendu des histoires, comme quoi la Gestapo gardait les doigts comme trophées. Il n'avait jamais voulu y croire. Ludwig tendit la main et toucha l'épaule de Jones avec hésitation.
- Jones… » Il fut interrompu lorsque Jones s'agita et hurla soudainement.
- JE NE SAIS PAS ! » Ludwig sursauta, puis agrippa les épaules de Jones pour le retenir, mais cela n'eut pour seul effet que de faire sortir un nouveau cri des lèvres de Jones. Ludwig ramena immédiatement ses mains. Bien sûr, c'était là où la veste de Jones était brûlée… Il devait avoir conservé des brûlures après sa chute. La peau était complètement calcinée, en sang de ses épaules jusqu'en travers de son torse. Ludwig se demanda comment il avait survécu aussi longtemps avec une pareille blessure et sans traitement approprié.
- Je suis désolé, mais je t'en prie, tu dois être silencieux. Tu viens avec moi. »
Les yeux de Jones étaient farouches et rouges de sang, ils s'agitaient frénétiquement. Visiblement, il y voyait à peine. « Nom, Alfred Jones. Rang… Je veux dire… nom, Alfred… »
Ludwig jeta un regard anxieux à la porte, se doutant que le cri brutal d'Alfred aurait probablement pu être entendu depuis le couloir. « Non, chut, Alfred, c'est moi. Lieutenant Beil – Ludwig. L'ami de Feliciano. Je vais vous sortir de là. »
Jones commença à se calmer, la respiration encore rapide et saccadée. Sa sueur se mêlait au sang dans ses cheveux et gouttait en petits ruisseaux rouges le long de son visage pâle. « Ludwig. » A sa voix, il semblait à moitié inconscient.
- Oui, » dit Ludwig. Il prit le bras de Jones et le tira de façon à ce qu'il se redresse sur le lit. « Ecoutez. Je sais que vous souffrez. Mais vous devez rester silencieux. Je vais vous mettre cette veste. Je suis désolé, mais ça va vous faire mal. » Ludwg jeta la veste de SS sur les épaules de Jones et ce dernier vacilla et réprima un sifflement de douleur. Ludwig ne s'arrêta pas, il se contenta de mettre Jones sur ses pieds et de le tirer avec insistance vers la porte. Jones s'effondra immédiatement dans ses bras. « Je suis désolé, » dit encore Ludwig en obligeant Jones à se relever. « Lorsque nous serons sortis de la base, je vous porterai. Mais vous devez vous forcer à marcher hors de ce bâtiment. » Jones hocha la tête, et Ludwig constata qu'il était stupéfait. Mais ils n'avaient pas le temps pour des explications, pas le temps de discuter. Ils devaient seulement sortir. Ludwig savait que la veste de SS ne servirait probablement à rien qu'ils étaient vus, et il savait qu'il n'avait aucun plan pour ce qu'il était en train de faire. Debout devant la porte qui menait au couloir, Ludwig prit une profonde inspiration et se sentit glisser dans l'état d'esprit déterminé et résigné qu'il connaissait si bien après tant d'heures de combat aérien. « Êtes-vous croyant, Jones ? » demanda-t-il impulsivement.
- Je ne sais plus, » grommela Jones. Ludwig hocha la tête.
- Eh bien, dans ce cas, je vais prier pour nous deux. Continuez de marcher. »
Ludwig n'avait aucune raison de croire qu'ils ne se feraient pas prendre. Mais tout ce qu'il pouvait faire, c'était tenter sa chance, laisser le contrôle lui échapper, et semi-porter, semi-traîner Jones hors du bâtiment des SS. Ils ne croisèrent personne dans le couloir. Ludwig donna un coup de pied pour ouvrir la porte arrière qui était fermée et traîna Jones hors du bâtiment avec insistance, dans les ombres sombres et silencieuses de la base endormie, entre les camions vides et les barrières à peine surveillées. Appuyé sur Ludwig, Jones avait la respiration lourde, il hoquetait parfois, ou bien sifflait de douleur. Ludwig essayait de le garder aussi droit que possible. Il évita l'entrée principale, et à la place conduisit Jones du côté est de la base, en coupant par une autre barrière inoffensive pour déboucher sur la large route de campagne.
Une fois sorti de la base, Ludwig mit Jones sur son dos, prenant soin de faire reposer son poids sur son côté qui n'était pas brûlé, et se mit immédiatement en marche sur la longue route. « Bon travail, Jones, » dit-il d'une voix essoufflée en essuyant la sueur qui lui coulait sur le front et en sentant son sang battre vivement sous sa peau, un frisson parcourant sa colonne vertébrale.
- Base allemande… pas géniale la sécurité… On se demande pourquoi on est en train de gagner la guerre. »
Ludwig n'était pas sûr d'avoir bien entendu, quoiqu'il se sentît fortement rassuré de l'entendre. « Je pourrais dire la même chose au sujet des vôtres, vous savez. » Ludwig ne prit pas le temps de s'extasier sur le fait qu'ils soient sortis sans problèmes. A cet instant, il se contentait de prendre les choses comme elles venaient, et il n'avait rien à craindre, rien à redouter, car la seule chose qu'il pouvait contrôler était la distance qu'il parcourrait avec cet homme sur le dos. La marche durerait peut-être deux heures, en fonction de la vitesse à laquelle Ludwig parviendrait à se maintenir. La tête de Jones reposait sur l'épaule de Ludwig, ses bras liés par les mains de ce dernier. Ludwig prenait soin de ne pas mettre trop de pression à proximité des plaies ouvertes sur les doigts mutilés de Jones. « On y est presque, Jones. Je vous emmène voir la résistance italienne. Ils vous sortiront de là. Vous allez rentrer chez vous.
- Chez moi, » murmura Jones. « Arthur… » Il soupira doucement, l'air de s'égarer. Ludwig savait qu'il devait garder l'Américain éveillé jusqu'à ce qu'il puisse recevoir des soins médicaux appropriés. S'il s'évanouissait avec de telles blessures, il y avait trop de risques qu'il ne se réveille jamais.
- Qui est Arthur ?
- Arthur est tout. »
Ludwig leva un sourcil. Qui l'eut cru ? Il avait bien quelque chose en commun avec cet Américain, après tout. « Parlez-moi d'Arthur.
- Il ne sait pas jouer au baseball. Et il jure trop. Et il boit trop. Mais il est parfait… Et il ne le sait pas… » Jones commença à s'égarer à nouveau, sa parole ralentissait et s'affaiblissait.
- Et ? » l'incita Ludwig. « Jones ? A quoi ressemble Arthur ? »
Jones toussa faiblement. Il tremblait et sa peau était très chaude au toucher de Ludwig. « Ses yeux sont verts. Comme… Comme quelque chose de vert.
- Comme de l'herbe fraiche, » proposa Ludwig. « Ou les champs en hiver. Ou les feuilles d'un chêne.
- Ou des saphirs.
- Les saphirs sont bleus.
- Oh.
- Mais les émeraudes sont vertes. Verts comme des émeraudes.
- Oui, » dit enfin Jones, la voix faiblissant à nouveau. « Des émeraudes avec des putains de gros sourcils. »
Ludwig le secoua légèrement. « Et quoi d'autre ? »
Jones soupira encore. « Et je l'aime.
- Alors restez réveillé, Jones, et vous le reverrez bientôt. » La nuit était chaude autour d'eux, le climat passait rapidement à celui de l'été. La lune lumineuse au-dessus de leurs têtes éclairait d'une lumière douce les arbres tout proches de chaque côté de la route déserte, et Ludwig se sentit étrangement calme et en paix, à marcher le long de cette route de campagne italienne, toute tranquille, avec un ennemi sur le dos.
- Ludwig.
- Oui ?
- Tu es un homme bon.
- Toi aussi, Alfred. » Silence. « Alfred, reste avec moi. Dis-moi… » Ludwig se sentit un peu pris au dépourvu, tout à coup. Comment parlait-on avec un Américain ? « Parle-moi d'une chose que tu aimes.
- J'aime Arthur.
- Oui, j'avais compris. Rien d'autre ?
- J'aime les grenouilles. »
Ludwig s'interrompit un instant. De tout ce qu'il aurait pu dire… « Les grenouilles. Vraiment. » Jones était probablement à moitié délirant.
- Oui.
- Hum. » Très bien, les grenouilles, Ludwig pouvait parler de grenouilles s'il y était bien obligé. « Savais-tu qu'il existe une espèce de grenouille africaine qui peut atteindre trente centimètres de long et peser plus de quatre kilogrammes ?
- Putain, c'est gros comment, ça ? »
Ludwig réprima un rire. Les Américains et leurs systèmes de mesure archaïques. « Quinze pouces, neuf livres. » Il y eut un autre silence et Ludwig commença à craindre que Jones ait perdu connaissance. « Alfred ?
- C'est une putain de grosse grenouille. »
Ludwig faillit rire. « Et savais-tu qu'il existe une petite grenouille, en Amérique du sud, je crois, dont la peau est recouverte de suffisamment de poison pour tuer deux mille personnes, tu imagines… » Ludwig s'interrompit brutalement. Oh seigneur, il commençait à parler comme Feliciano.
- Huh. Eh, au lieu des bombes, on pourrait remplir nos B-17 avec ces grenouilles et les faire tomber sur Berlin. » Jones réprima un rire. « Merde, désolé. »
Bon, il était temps de changer de sujet. De quoi d'autre les Américains parlaient-ils… De sport, sûrement. « Alors, Arthur ne sait pas jouer au baseball. Tu es un fan de baseball ?
- Ça a plus de sens que le cricket. Tu as déjà joué au cricket ?
- Non. J'ai toujours préféré le football.
- Le football, hein. Le football, c'est juste du baseball sans batte. »
Cette fois-ci, Ludwig rit bel et bien, à sa grande surprise. « Bizarrement, je ne crois pas. »
Ludwig continua d'essayer de garder Jones éveillé. Il y eut de courts instants de silence, mais alors Ludwig craignait que Jones se soit endormi et recommençait à le harceler de questions. Ludwig n'avait pas parlé autant depuis Feliciano. Jones souffrait visiblement d'une douleur incroyable, doublée d'une forte fièvre, pourtant Ludwig était impressionné par son sang-froid et sa cohérence dans une telle situation. Il se prit à se demander vaguement s'ils auraient pu être amis dans d'autres circonstances, meilleures que celles-ci. Les heures passèrent paisiblement, et juste au moment où ils approchaient du point de contact, Ludwig ne put s'empêcher de poser la question.
- Jones. » Silence. « Alfred.
- Hmm ?
- Tu as parlé avec Feliciano.
- Ouais. »
Le ciel sombre était illuminé par un millier d'étoiles, la petite route de campagne était silencieuse dans les petites heures calmes du matin – tout comme lors de cette dernière nuit avec Feliciano. Mais maintenant, Ludwig savait que Feliciano était en vie. Quoiqu'il arrive à Ludwig lui-même, il pouvait l'accepter, parce que Feliciano allait bien. « Et… Et de quoi as-tu parlé ? Avec Feliciano ? »
Alfred eut un rire bref, faible, à peine un souffle. « Très joyeux, très amical. Il m'a donné une pomme. » Alfred s'égarait encore, Ludwig l'entendait bien. « Un drôle de gamin, vraiment. Sauf que c'est pas un gamin. Il a mon âge. J'étais surpris…
- C'est ce dont il a l'air au premier abord. Mais il est tellement plus malin que tu le penses. Il est juste honnête, et simple, ce qui n'est pas la même chose que stupide. Il ne se fait pas prendre dans ces idées idiotes, dans la politique d'un monde où la haine contrôle tant de vies… » Ludwig s'interrompit, tâcha de trouver un moyen de décrire la magnifique façon qu'avait Feliciano de voir les choses. Puis il se souvint de quelque chose et rit soudainement, un irrésistible éclat de lumière dans l'obscurité. « Alfred, ce ne serait pas merveilleux si, au lieu de se battre, on pouvait simplement jouer au football ?
- Ouais, » acquiesça faiblement Alfred. « Ou au baseball. Mais…
- Mais pas au cricket, » termina Ludwig.
Une flaque de lumière apparut tout près et Ludwig se hâta vers elle, la sueur ruisselant sur son front, son dos et ses jambes commençant à ressentir les effets d'avoir porté un homme adulte sur son dos pendant des heures. La lumière venait d'un camion sombre, et lorsque Ludwig s'approcha, il put voir des hommes debout tout près. « On y est presque, Alfred, » dit-il avec fermeté. « On y est presque. »
Lovino lança un regard noir à Ludwig lorsqu'ils s'approchèrent, mais ensuite, hocha légèrement la tête et aida à descendre Alfred de son dos. Il mena l'Américain à moitié conscient jusqu'à l'arrière du camion tandis que Signor Vargas se tenait devant Ludwig avec une expression aussi surprise qu'impressionnée. « Merci, Lieutenant. Vous avez fait une bonne action, ce soir. »
Ludwig hocha la tête, à bout de souffle, toute la folie de la soirée prenant enfin sens autour de lui. Il n'était pas vraiment sûr de ce qu'il avait fait, ou de quelles en seraient les conséquences. Mais il n'avait qu'une seule question à poser. « Feliciano. Dites-moi, s'il-vous-plaît. Comment va Feliciano ? »
A peine avait-il prononcé ces mots, à peine Vargas avait-il ouvert la bouche pour répondre, que le rugissement profond d'un moteur de voiture leur parvint depuis la route derrière eux. Le visage de Vargas devint blanc dans la lumière des phares du camion et une réaction soudaine, impulsive, traversa les veines de Ludwig comme un plomb de fusil. « Partez ! » cria-t-il en reculant tandis que les yeux de Vargas passaient entre lui et les lointains phares qui se rapprochaient. « Pour l'amour du ciel, partez ! »
Vargas regarda Ludwig encore une seconde, les yeux plissés, presque comme s'il l'évaluait, le menton relevé dans un étrange geste approbateur. Puis la voix de Lovino cria depuis le camion – « Nonno ! » - et Vargas fut tiré de sa seconde de rêverie. Il courut au siège conducteur en criant.
- Feliciano va bien, l'Allemand. T'as intérêt à survivre pour lui. Sinon, je te tue. »
Ludwig n'eut pas le temps de s'interroger sur ces mots étranges, il se contenta de regarder le camion partir le long de la route, tandis que la voiture noire et brillante s'approchait. Elle crissa en s'arrêtant derrière lui, des officiers en costume gris en sautèrent immédiatement, les menottes déjà en main. Et cela le frappa – ce qu'il venait de faire. Ludwig avait trahi son pays. Il sentit le monde se ralentir et se troubler autour de lui, regarda les officiers SS courir vers lui au ralenti, regarda ses cils bouger lorsqu'il cligna des yeux. Il n'avait pas peur, car la peur s'était depuis longtemps mutée en émotions bien plus douloureuses. Il n'était pas en colère, car sa colère limité s'était écoulée. Il n'y avait que de la résignation, car à cet instant il n'y avait rien qu'il pût faire, et il n'avait aucun moyen de contrôler cela. Le métal froid encercla ses poignets et Ludwig sentit sa propre respiration remplir ses oreilles, regarda ses cils lents cligner devant ses yeux. Il leva la tête et regarda les étoiles claires et infinies dans le ciel au-dessus de lui. Il voulait seulement faire son devoir. Voulait seulement se battre pour son pays. Comment en était-il arrivé là ? Et comment se faisait-il qu'il n'arrivât pas à le regretter ?
- Lieutenant Ludwig Beilschmidt. Vous êtes en état d'arrestation pour trahison. »

auf Wiedersehen sweetheart (français)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant