I. The Beginning.

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1.

U L T I A

J'ouvre les yeux, partagée entre le « enfin » et le « déjà » j'essaye de distinguer correctement l'endroit où je me trouve. Inopinément, mes yeux entrent en contact avec une forme noire d'abord floue puis bien distincte, un homme.

Il est assis, coude sur les genoux, tête encrée dans ses épaules, regard dans le vide et mains sur la tête. Il paraît dévasté, comme si on lui avait retiré quelque chose de cher dans sa vie. J'aimerais savoir qui c'est parce que son visage ne m'dit rien, enfin plutôt sa carrure, lui quoi.

C'est quel genre d'infiltration de chambre ça hein ?

Ma gorge me gratte de fou et j'aimerais avoir de l'eau au-delà du fait que j'ai les yeux qui me brûlent, c'est dû au contact de mes yeux avec la lumière du soleil qui éclaire cette chambre. D'ailleurs, cette chambre me semble être une de ces angoissantes chambres d'hôpital qu'on voit dans les films, et la vitre qui se trouve à ma gauche me donne vue sur un couloir bleu, un bleu moche et déprimant qui sent la mort. Jiih, faites vite que je sorte de là.

Le mec qui se trouve là n'a toujours pas bougé et je ne sais pas comment l'alarmer parce que je ne peux ni parler ni bouger, mon état post-comateux ne me le permet pas. Alors, malheureusement pour ma dignité je me mets à faire des bruits similaires à un chat qui s'étouffe, la honte wesh.

En moins d'une seconde le jeune homme lève la tête et je vais pas mentir mais sa beauté m'a frappée net. Malgré l'air dévasté, choqué et fatigué qu'il arbore je peux vous dire que je lui mets un vingt sur dix, c'est trop mon style d'homme. Ses yeux grands ouverts et sa bouche me montrent que c'est bien mon réveil qu'il attendait.

Eh, en fait ça fait combien de temps que je suis là moi ?

Il se lève à toute vitesse mais à reculons quand même, une de ses mains se trouve sur sa tête tandis que l'autre est plaquée sur sa bouche. Mdr, il est mignon comme ça, on dirait un petit garçon. Mais c'est quand je prête vraie attention à sa carrure que je me rends compte qu'il n'a rien d'un garçon, au contraire. Il porte un bonnet noir en dessous duquel je peux apercevoir des bouclettes, ses épaules carrées imposantes me laissent voir ses gros bras là. Et puis, sa grande taille va parfaitement avec sa dégaine. Jogging, pull noir qui assombrissent son teint mat et basané. J'hésite entre origines pakistanaises et maghrébines.

Bref. Il est à mon chevet et je vous jure qu'il a attrapé mes joues avec ses grandes mains en me regardant de tous les côtés.

J'ai frissonné dès que j'ai entendu sa voix cassée et rauque résonner dans mes oreilles.

INCONNU: Ul... Ultia wesh j'avais perdu espoir zebi !

Je le regarde perdue et je pense qu'il l'a remarqué.

- A... aïe !

Il ouvre grand les yeux, sa bague me fait mal là alors j'essaye de lui faire comprendre en essayant de retirer mon visage de ses grandes mains de maçon. Il les retire et me regarde de haut en bas toujours avec choc.

INCONNU : J'arrive pas à croire que t'es revenue putain, ils vont pas y croire.

Je fronce les sourcils parce que je commence à me rendre compte que ce mec semble me connaître alors que moi pas du tout. C'est qui ? Aucune idée oh.

INCONNU : J'vais chercher une infirmière et de l'eau, j'arrive omri.

Cette fois, ce sont mes yeux qui s'ouvrent en grand quand j'entends le mot doux qu'il vient de me lâcher, les battements de mon cœur s'accélèrent. J'ai l'impression de comprendre petit à petit et ça me fait peur, ma tête commence à me faire mal d'un coup lorsque l'idée d'avoir perdu la mémoire me vient en tête.

Ma réflexion est perturbée par l'entrée d'une infirmière un peu âgée et de l'arabe qui ne cesse maintenant de sourire discrètement mais assez pour que je puisse le voir et que mon ventre se torde. Je les regarde avec suspicion, l'arabe me fixe avec joie mais j'arrive à voir qu'il a capté que quelque chose cloche dans mes yeux.

INFIRMIÈRE: Alors Madame Mansouri comment vous sentez-vous après ce sommeil de princesse ? Votre mari vous a attendu avec une patience de roi ! De plus, dormir pendant une année ce n'est pas rien ! Je suis si contente que vous puissiez enfin vous retrouver ! Dit-elle en tapant dans ses mains.

Douche froide, glacée même.

Je suis mariée.

L'arabe est mon mari.

J'ai perdu ma putain de mémoire.

Les deux se mettent à froncer les sourcils en ne me voyant pas réagir, puis d'un coup mes larmes se sont misent à couler. L'infirmière a pris ça pour un bon signe alors que le rebeu a commencé à se rendre compte que vraiment quelque chose ne va pas. Il s'est approché d'un pas précipité vers moi et m'a regardé dans le fond de mes yeux en essuyant mes larmes d'un geste doux mais à la fois froid. C'est comme s'il s'attendait déjà au pire.

INCONNU : Comment tu t'appelles ?

L'infirmière me donne mon verre d'eau que je bois difficilement en essayant de m'arrêter de pleurer et de gratter ma gorge.

- Ul... Ultia.

INCONNU : Ton... ton nom de famille ?

L'infirmière nous regarde, perdue. Enfin elle a fermé sa bouche plè plè. (Qui parle trop)

- Ultia Bosso.

J'ai pu voir dans ses yeux quelque chose se casser, sa main qui essuyait mes larmes s'est retirée immédiatement. L'infirmière s'est rapprochée, le regard concerné.

INFIRMIÈRE : Euh... lai... laissez-moi voir quelque chose.

Toujours les yeux plantés dans les miens, il s'est reculé en apportant son poing à sa bouche, il est passé de la joie à une émotion tellement contraire et marquée par l'anxiété.

INFIRMIÈRE : Quel âge avez-vous et d'où venez-vous ? Me demande-t-elle en sortant une feuille du tiroir près de nous.

Je réponds du tic au tac : « Vingt ans et je viens d'un quartier d'Evry »

Elle tourne furtivement la tête vers l'arabe qui ne la calcule pas du tout, toujours occupé à me fixer. J'ai l'impression d'entendre son cœur et son pouls battre à la chamade.

INFIRMIÈRE : Est-ce que vous vous souvenez de la raison pour laquelle vous êtes là et les conséquences de cet accident ?

J'essaye de réfléchir mais au même moment une douleur de baisé me prend à l'intérieur de mon crâne, et avec je ne sais quelle force je me tiens les tempes. Je creuse mais rien, rien du tout. Mes larmes montent à nouveau, et mes yeux se dirigent encore dans ceux de l'arabe qui me regarde avec peine et colère en même temps.

- Non.. non j'sais p... pas.

Elle me regarde avec incompréhension.

INFIRMIÈRE : L'homme qui est près de moi qui est-ce ?

Le regard dur de l'homme m'a encore plus transpercée et avec peine pour lui comme pour moi j'ai chuchoté ces mots : « Je... je n'sais pas, j'suis désolée ».

C'est ici que le calvaire a commencé pour moi et mon entourage qui à cet instant ne me disait rien du tout.

U L T I A. [I]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant