Blanche Neige contre les Vampires - 1

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C'était une froide journée d'hiver. À son balcon, malgré les moins quinze degrés qui ne l'affectaient guère, la Reine de Molybdène cousait. La nuit tombait délicatement, recouvrant la blancheur immaculée du paysage enneigé. Un oiseau cria quelques pieds plus haut, la distrayant un instant. Elle se piqua le doigt, et un sang rouge éclatant tomba de la plaie.

Derrière elle apparut son royal époux, lui prenant délicatement la main, une étincelle dans le regard.

— Ah, ma douce ! Si seulement notre enfant était blanc comme la neige, rouge comme le sang et noir comme l'ébène !

La Reine hocha la tête, posant une main sur son ventre déjà gonflé. Le Roi, de son côté, continuait de presser délicatement la petite plaie.

Bientôt vint au monde une délicieuse enfant, aux cheveux blancs comme neige, à la peau noire tel l'ébène et aux lèvres rouges comme le sang. Le Roi, fou de joie, la nomma Blanche-Neige. Et aussitôt que le nourrisson eut vu le jour, la Reine perdit la vie lors d'une attaque de vampires qui ébranla le château.

*

Quelques années plus tard, la guerre entre humains et vampires, nouvelle race venue d'un pays lointain, éclata au grand jour. Alors que les royaumes voisins étaient assiégés, celui de Molybdène était miraculeusement épargné. Mais le Roi ne souhaitait pas voir cette chance disparaître. Il épousa Aeria, grande sorcière, pour protéger son royaume. Cette dernière, débarquant à la cour avec ses mystérieux miroirs et son laboratoire, emmena également le Chasseur, son jumeau adoré.

Malgré cette période de trouble, la jeune Blanche-Neige eut une enfance douce et naïve. Son père, un roi bon et débonnaire, dont la bedaine déborda rapidement de son habit autrefois ajusté, la gâtait et la couvrait de présents. Sa belle-mère, pourtant froide et hautaine, lui montrait parfois quelques signes d'affection, tandis que son jumeau l'avait prise sous son aile et lui enseignait en secret l'art de lancer le couteau. Il lui fit promettre toutefois de ne jamais parler de cette activité à quiconque.

La princesse grandissait, s'embellissait, mais devenait de plus en plus distraite : ses serviteurs devaient constamment lui rappeler quantité de souvenirs qui disparaissaient subitement.

De nombreux princes héritiers voisins commencèrent à la demander en mariage, la nouvelle de sa beauté enivrante dépassant les frontières. Mais, le roi se refusait à lui choisir un époux avant ses dix-huit ans, la jugeant toujours trop jeune.

Notre histoire commence un mois avant cet anniversaire, par une douce journée où pointait un air printanier.

*

Blanche, comme à son habitude, était dans les jardins. Son nouveau jeu préféré consistait à disparaître subitement du regard de ses gardes du corps, pour ensuite réapparaitre quelques heures plus tard. Ce temps lui était précieux, lui permettant de continuer à s'exercer seule au lancer de couteaux. Son grand ami, le Chasseur, se trouvait depuis quelques années continuellement envoyé en mission aux frontières du pays pour prévenir toute intrusion vampire sur le territoire de Molybdène. Et lors de ses rares retours, il tentait d'enseigner de nouvelles techniques à la princesse.

Un serviteur arriva en hurlant, tirant Blanche de sa rêverie. Elle rangea le petit couteau dans sa manche bouffante comme toujours.

— Princesse ! Le Roi votre père vous demande dans la Grande Salle !

La jeune fille, surprise, se figea. Son royal paternel ne la convoquait en ce lieu que lors des grandes occasions. La dernière fois remontait à son seizième anniversaire, lorsqu'il lui offrit les clés du royaume, qu'elle l'aidait depuis à gouverner. Et son dix-huitième printemps n'était que le mois prochain...

Six contes pour faire rêver un monstre - Tome 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant