Six contes pour faire rêver un monstre - Tome 2

Apocalyptic - 1

Cybèle hurle. Les bras tendus devant elle, elle observe sa dernière trouvaille : un antique paquet de cigarettes, encore dans son emballage plastique d'origine. Glissant son trésor dans sa bandoulière bleue qui part en lambeaux, elle vérifie que son éclat de joie n'a attiré personne. Heureusement, les ruines du bureau de tabac sont toujours désertes mis à part un petit rat qui grignote un reste de chose non-identifiable. Celui-ci vient d'ailleurs se frotter à ses jambes, quémandant quelques caresses. La jeune fille le câline pour le remercier de l'avoir aidée à découvrir ce lieu caché puis sort, retrouvant une rue encombrée de déchets.

Une violente odeur de putréfaction la frappe de plein fouet. Elle grimace tout en enfilant son masque à gaz et ses lunettes rondes de protection. Il doit encore il y avoir un cadavre d'écumeuse débutante à proximité. Certaines se lancent dans la profession sans avoir conscience du danger : on peut facilement mourir empoisonnée après avoir mangé des anciens produits trop pollués, ou tout simplement se faire attaquer par des bandes de bannies des grandes cités.

Ou bien cela peut être une carcasse de simili-animal, au choix. Elle soupire mais se reprend vite. Alors que le soleil commence à baisser dans le ciel, elle arrive à la station essence où elle a caché sa moto un peu plus tôt. Seul les panneaux solaires, nécessaires à son fonctionnement, sont visibles par un œil aguerri. La jeune femme louvoie entre les déchets divers et variés puis dégage ceux qui se sont accumulés sur sa bécane. Cette dernière apparait alors : magnifique spécimen de Harley à propulsion solaire, couvrant sans problème un millier de kilomètres avec une seule recharge. L'écumeuse possède la nouvelle version, capable de voler sur l'eau ou la neige en plus de la terre ferme.

Elle l'enfourche joyeusement puis branche son vieux casque sur le tableau de bord. Alors que la moto démarre et que son champ de protection se déploie, la radio se lance.

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Cybèle sourit. La chevauchée des Walkyries, son morceau préféré, se déverse dans ses oreilles. Celui-ci est une reprise hard-rock, genre qui à le vent en poupe depuis la destruction des derniers synthés électroniques et la découverte massive d'un stock de guitares et batteries dans le Vieux-Lyon. Le reste de la France s'est ensuite battu pour s'arracher quelques précieux instruments.

Sifflotant l'air, elle s'élève à quelques mètres au-dessus du sol et part à une vitesse folle. Les entassements d'immondices se font de plus en plus lointains au fur et à mesure qu'elle avance sur le semblant de chemin. La plupart du temps en terre, parfois avec des vestiges de pavés et de béton, les routes ont bien souffert. La seule que Cybèle a vue en bon état c'est la corniche d'or qui relie les antiques villes de Saint-Raphaël et Cannes, toutes deux dirigées par une élite plus riche qui laissent donc peu de monde l'emprunter.

La jeune femme rit en voyant un simili-corbeau tenter de voler à côté d'elle et regarde son navigateur de bord. Batterie chargée au maximum, arrivée en ville d'ici une dizaine de minutes. En cette fin de lundi, jour chômé par la population, il y a peu de circulation. En approchant de la cité, elle se retrouve sur des chemins de terre en meilleur état au milieu de la nature. Elle file, toujours plus vite, puis ralenti à la hauteur du panneau du Puy de dôme.

Après l'apocalypse, les clermontois et clermontoises ont déménagé leur ville au bas de leur montagne, fuyant la décharge puante qu'est devenue la plaine. Plus on monte, plus il y a de la nature et l'air pur. Et évidemment, plus les places coutent cher.

Quelques kilomètres plus loin, Cybèle ralenti au maximum. A ses côtés, quelques véhicules, mais également des simili-chevaux qui font la queue. Elle patiente, se fait contrôler par les gardiennes, puis dépasse enfin le panneau de bois signalant l'entrée de la ville.