Six contes pour faire rêver un monstre - Tome 2

Apocalyptic - 2

— Il est HORS DE QUESTION que ma fille unique parte là-bas !

— Maman...

Cybèle se frotte les yeux. Après son entrevue avec l'Archiduchesse, elle a préféré rentrer chez elle, déprimer toute la nuit dans son lit avant de préparer ses affaires et affronter ses parents avant son départ en mission suicide. Sa mère, dont la peau noire se teinte de rouge à cause de la colère, s'égosille dans tout le petit appartement. Son père ne dit rien. Il contourne sa femme puis pose ses mains sur les épaules de sa fille. Leurs yeux se rencontrent, et Cybèle y lit toute sa peine et sa honte. Car après tout, même si le job lui plait, c'est en grande partie pour lui qu'elle l'a tenté. Afin de lui permettre d'arrêter de vendre son corps à la plus offrande et sauver ce qu'il restait de son âme. Choisir ce métier risqué lui permettait aussi de ne plus voir sa mère souffrir de la situation : cette dernière à perdu ses deux jambes à la suite de la fièvre rouge, et n'est donc plus capable de travailler pour subvenir aux besoins du foyer.

— Elle nous a menacé ? questionne le père.

Cybèle se contente d'hocher la tête. L'homme soupire puis l'enlace, une larme roulant sur sa joue sombre. On lui a permis d'avoir une vie de famille avec sa femme et sa fille car depuis quelques années, il est devenu stérile. La jeune femme sait donc qu'il vit dans la hantise que tout lui soit enlevé du jour au lendemain, sa vie ne valant plus rien.

— Reviens-nous entière, murmure-t-il.

— Promis, souffle Cybèle.

Elle se détache de lui et enlace sa mère, qui sanglote à présent. Puis sort, enfourche sa moto et part sans se retourner.

Autrefois, il fallait approximativement quatre heures pour relier Clermont-Ferrand à Bordeaux. Cybèle met trois jours, slalome entre les routes défoncées qui lui permettent d'éviter les camps de bannis et bannies. Elle s'est arrêtée cependant à Limoges, faisant un petit détour afin de récolter des informations sur les simili-dragons bordelais. Ce qui, évidemment, l'a terrorisée plus qu'autre chose.

A présent, Cybèle cache sa moto à l'entrée du parc bordelais, lieu de résidence fétiche des simili-animaux échappés des labos, et se prépare à vivre l'enfer. Autour d'elle, de nombreuses simili-oies et simili-canards commencent à se presser. Heureusement, ils ne sont pas belliqueux pour l'instant. Elle s'étire, repositionne son sabre qu'elle n'avait pas sorti depuis deux ans sur sa hanche et avance. La meilleure technique dans ces cas là pour trouver ce que l'on cherche, c'est de se perdre. Alors, elle erre dans les jardins où l'herbe à envahi les chemins. Elle passe par un pont qui menace de s'effondrer, contemple les nombreux simili-poissons qui nagent en compagnie des simili-canards du lac. Se posant au bord de l'eau, elle s'amuse même à leur donner un reste de gâteau rassis qu'on lui a offert à Limoges. Ici le paysage est plutôt idyllique, mais une drôle d'odeur flotte dans l'air.

Surprise, elle constate qu'un simili-canard d'une étrange couleur bleutée vient lui quémander des caresses. Elle s'exécute en souriant. En général, les simili-animaux l'apprécient même si elle n'a jamais compris pourquoi. Ce sont principaux eux qui lui font découvrir de fantastiques trésors enfouis dans les déchets des anciennes villes.

Un cri déchire l'espace paisible. Celui d'un homme en colère. Cybèle se relève d'un bond, met ses lunettes de protection et sort son sabre. Son nouvel ami caquète.

— Ne t'inquiète pas, ce n'est pas toi que je compte embrocher.

Il se tait, la fixe et alors qu'elle part, lui emboite le pas. Cybèle avance, discrète et furtive. Elle se perd dans la végétation abondante en suivant les hurlements, puis débouche à l'air libre face à un kiosque à musique. Elle reconnait le bâtiment pour en avoir vu une photographie à Limoges. Ici, l'odeur étrange est bien plus présente, comme flottant à l'arrière de la structure. Et, à l'intérieur, un jeune homme en sang ainsi qu'une énorme bestiole. Figée, Cybèle ne peut détacher ses yeux d'eux.