Une lame déchira l'air d'un flot de sang. Des gouttes carmin maculèrent le sol en pierre de l'habitat et un cri étranglé résonna. Le corps d'un vieil homme au visage tiraillé par l'agonie s'écroula par terre. Il entrouvrit la bouche, comme s'il désirait dire quelque chose, mais aucun son ne s'en déploya si ce n'était qu'une maigre plainte de souffrance.
Il plaqua sa main sur sa gorge mutilée, compressa la plaie et lança un regard tourmenté au vampire qui l'observait avec un grand sourire satisfait. Une sueur froide coula sur son front, ses yeux bleus se voilèrent et le bout de ses membres se gelèrent sous le linceul de la Mort qui le recouvrait peu à peu. Des larmes de chagrin s'échappèrent de ses yeux écarquillés qui questionnaient silencieusement son bourreau.
Ce dernier laissa sa dague tomber sur le sol dans un long tintement de fer. Il s'accroupit au niveau du vieillard et le dévisagea avec un rictus provocateur ancré sur ses lèvres. Ses yeux gris luisaient de sadisme et de soif de rancune, ses cheveux noir ébène épousaient l'obscurité régnante de l'habitat et sa peau blafarde rayonnait comme le voile d'un spectre.
Il tendit ses doigts vers la joue du vieil homme mourant puis l'effleura lentement, dans un geste contemplatif, et se pencha plus intimement de lui pour lui murmurer près de son oreille :
— J'espère que ta mort ne sera qu'un cauchemar éternel, grand-père.
Il glissa ensuite le bout de ses doigts vers la plaie du vieillard puis se redressa. Il se saisit ensuite d'une torche qui était accrochée à un mur et élargit son sourire sournois en reluquant sa victime puis la botte de paille qui se trouvait à deux pas de cette dernière.
Il se saisit d'une généreuse fiole d'alcool de sa main libre puis imbiba le foin de ce liquide. Le vieil homme, durant ce temps, tenta de crier sa détresse en ouvrant la bouche. Mais aucun son n'en sortit si ce n'était qu'un maigre glapissement de souffrance.
— Ne résiste pas, grand-père, dit le vampire d'une voix calme. Tu ne fais que prolonger ta souffrance.
Le bourreau jeta la fiole qui se brisa en mille morceaux sur le sol. Il se saisit ensuite du vieillard par le col de son vêtement puis le traîna vers la botte de foin pour le déposer dessus. Une nouvelle larme, froide et grosse, s'échappa du regard du grand-père qui observait son petit-fils d'un air tourmenté.
Mais alors que le vampire approcha dangereusement la torche de la botte de paille, la porte de l'habitat s'ouvrit et découvrit la silhouette d'une vieille femme qui portait une longue tunique blanche maculée de poussière et de sable. Cette dernière lâcha son panier rempli de fruits et se pétrifia de terreur avant de hurler :
— Armondol !
Elle se rua sur son mari, le regard inondé de larmes, puis arracha un bout de sa robe pour comprimer la plaie de celui-ci. Elle l'observa avec beaucoup d'inquiétude et de tristesse avant de gronder le vampire d'une voix étranglée :
— Qu'est-ce-que tu as fait ?!
Ce dernier répondit par un silence, la torche toujours tendue vers la botte de foin, et observa sa grand-mère avec insistance. Les sanglots de la vieille femme déchirèrent ce calme pesant et, n'obtenant pas de réponse, elle tourna la tête vers celle de son petit-fils. Elle serra ensuite les dents sous une rage soudaine qui bouillonnait en elle et lui cracha :
— J'ai toujours su que tu n'étais qu'un monstre... !
— Moi, un monstre ? reprit-il avec beaucoup de placidité. Non, non. Tu te trompes. Vous avez fait de moi un monstre.
Il tapota l'épaule de la vieille dame d'un geste amical avec sa main libre, mais celle-ci répliqua aussitôt en venant frapper violemment le visage du vampire. Ce dernier se frotta la joue, les yeux grands ouverts, surpris, mais il n'eut pas le temps de l'observer d'un air ahuri ; elle le bouscula dans sa colère et le fit tomber par terre.
Après coup elle se releva, se saisit de la dague qui avait été jetée sur le sol puis la pointa vers son petit-fils. Celui-ci fronça les sourcils, se redressa à son tour puis la défia du regard. Il tendit à nouveau sa torche vers la botte de foin puis lui suggéra d'un ton menaçant :
— Fais quoi que ce soit, vieille folle, et je brûle ton mari.
— Pas si je te tue avant..., répliqua-t-elle d'une voix sombre.
Un sourire en coin s'ancra sur les lèvres du vampire qui haussa un sourcil, surpris par l'impétuosité et l'audace de sa grand-mère. Après quoi il haussa les épaules et jeta la torche sur la botte de foin qui, sous l'effet de l'alcool, prit rapidement feu et brûla Armondol.
— Armondol ! cria-t-elle.
Elle lâcha sa dague et se précipita une fois de plus sur son mari pour tenter de l'extirper du feu. Mais le vampire, sanglant et sournois, se saisit de l'arme et égorgea sa grand-mère d'un coup vif et sec. La vieille dame, victime d'une sévère hémorragie, mourut sur le coup.
Le bourreau mit un coup de pied dans la dépouille de sa nouvelle victime pour la pousser dans le feu et éructa :
— Stupide créature.
Il rangea ensuite la dague nimbée de sang dans sa ceinture puis prit une fiole d'huile pour en étendre partout dans la maison. Il fit cela promptement, de sorte à ne pas se retrouver enfermé dans les flammes, et déguerpit aussitôt les lieux qui s'embrasèrent à vive allure.
L'incendie attira l'attention des guets de la cité d'Ahnkehia qui se ruèrent sur cette dernière pour tenter de l'étreindre. Le vampire, durant ce temps, profita de l'obscurité de la nuit pour fuir en remontant une large capuche noire sur sa tête.
Une fois un peu plus loin, il regarda une dernière fois derrière lui et aperçut la fumée noire des flammes épouser la noirceur de la nuit et s'entremêler avec les lueurs argentées de la Lune. Un dernier sourire victorieux plissa les joues pâles du vampire, le regard rempli de fierté face à ce passé qu'il avait décimé, qui reprit sa route vers un désert qui avoisinait la ville.
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Ténèbres - Le Mage noir
FantasyRosov est un vampire détenant un grand pouvoir, celui des Ténèbres, une magie obscure, puissante et instable que seuls des élus parviennent à maîtriser sans tomber dans la folie. Redoutable et sanguinaire, Roi d'un pays glorieux et conquérant fier...