Ténèbres - Le Mage noir

Chapitre 9 - Le Départ

Le jour du départ sonna par le tintement d'une cloche lugubre au sommet du château. Rosov, vêtu d'une armure noire comme l'ébène, épée rangée dans le fourreau et casque plaquée contre le flanc de sa hanche, avait les yeux rivés sur la sortie de son palais. Sa respiration était difficile, lourde, son cœur palpitait dans sa poitrine, sa gorge était nouée et une terrible douleur tiraillait ses entrailles.

Il angoissait à l'idée de partir, d'affronter le danger qu'il avait aperçu dans nombreux de ses cauchemars, mais aussi de laisser sa famille seule, loin de lui, encore, et risquer de ne plus jamais les revoir s'il venait à céder à la mort sous le coup d'attaques qu'il n'aurait pas appréhendées.

Lordanel se tenait près de lui, le dos bien droit, la tête haute, tel le fier militaire qu'il était. Ses cheveux longs et noirs épousaient l'obscurité de son armure et ses yeux bleus, luisants comme deux lunes mystiques, détonnaient de la noirceur qui régnait sur lui.

Lui, contrairement à Rosov, avait hâte de fouler le chemin de guerre pour aller affronter les elva'renor, les elfes du Soleil, et repousser leurs assauts en les abattant, en leur faisant comprendre à quel point les vampires étaient puissants et redoutables.

— Rosov, dit-il, il est l'heure d'y aller.

Le Roi prit une grande inspiration, expira lourdement et répliqua :

— Bien... allons-y.

Lordanel hocha la tête et engagea la marche vers la sortie du château. Rosov, avant de le suivre, regarda derrière lui et croisa le regard noyé de larmes de Yahrena, qui lui offrit malgré tout un doux sourire et un regard rempli d'amour. Le Roi lui sourit à son tour et laissa quelques larmes s'échapper de son regard gris avant de daigner suivre les pas du Grand Commandant.

Rosov désirait ardemment se retourner et courir vers son épouse pour la prendre dans ses bras, l'embrasser avec passion et sentir sa chaleur, son odeur, se coller à lui. Mais il savait qu'il serait incapable, par la suite, de se détacher d'elle. Tel le fou amoureux qu'il était, et le père adorant ses deux fils, les départs provoquaient toujours une déchirure au creux de son cœur.

Lorsque les deux vampires traversèrent le seuil de la grande porte du château, le Roi prit une grande inspiration pour humer l'air humide et frais d'un début de nuit d'automne. Il contempla la cour plongée dans l'obscurité, où l'on peinait à percevoir les silhouettes des roses parmi la brume qui bordaient les lieux, puis avança vers les deux chevaux dédiés à lui ainsi qu'à Lordanel.

Ces derniers étaient déjà chargés d'objets nécessaires pour la survie de chacun, notamment de rations de sang afin de palier à la soif qu'imposait la malédiction vampirique. Rosov et Lordanel les grimpèrent sans plus attendre.

Le Roi regarda une dernière fois son château, sa maison, sa fierté, et perçut la silhouette de sa femme percer les ténèbres de l'intérieur. Elle s'avança vers la devanture en pinçant une écharpe entre son pouce et son index pour couvrir ses épaules dénudées puis contempla une dernière fois son époux.

Le regard des deux aimants se croisèrent, et tous les deux, malgré la souffrance qu'ils enduraient, s'offrirent un dernier sourire ainsi qu'un regard rempli de douceur. Rosov murmura entre ses lèvres un « je t'aime », et Yahrena répéta aussitôt cette même déclaration.

Ceci élargit le sourire du Roi qui, malgré les larmes qui s'échappaient encore de ses yeux grisâtres, trouva en cet amour le courage de partir. S'il faisait cela, c'était pour son peuple, mais aussi pour sa famille, pour assurer leur protection ainsi qu'une vie sereine entre les murs de Noctra.