Chapitre neuf - Dépression et douleur #2

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Minho ne saurait dire si Newt avait toujours été là, dans un coin, ou s'il lui était apparu récemment. Bien sûr, il savait qu'il ne le voyait pas réellement. Que tout ceci n'était qu'une sorte de mirage, un tour de passe-passe de son esprit. Mais il appréciait de pouvoir lui parler même s'il ne répondait pas toujours.

- Ça fait longtemps que tu n'es pas venu me voir, lui reprocha un matin le fantôme de Newt.

Il arborait un air boudeur, les bras croisés comme un enfant mécontent. Minho le regarda en haussant les épaules, incapable de boire son café matinal.

- Tu sais quel jour on est ? demanda doucement l'illusion.

Minho resta silencieux, se contentant de vider sa tasse dans l'évier. Un long souffle s'échappa de ses lèvres. Evidemment qu'il savait. Il ferma fortement les yeux, se mordant l'intérieur des joues pour ne surtout pas craquer.

- Tu n'oserais quand même pas m'abandonner aujourd'hui ? Ça fait déjà six mois que tu n'es pas venu, enchaina son interlocuteur.

- Tais-toi, répondit cette fois Minho.

- J'en reviens pas que ça fasse déjà un an. Le temps est passé si vite et si lentement à la fois, tu ne trouves pas ?

- Tais-toi !

- Et pourtant en un an te voilà, toujours au même point, à te morfondre. Que dirait-il s'il te voyait ainsi ?

- De qui tu parles ?

- De Newt, tocard ! Il te trouverait si... pathétique.

Le visage de Newt s'était lentement mué dans une expression de mépris profond. Ce visage si familier lui parut d'un coup étranger.

- Qui es-tu ? demanda Minho, s'interrogeant sur sa propre santé mentale.

- Je suis toi. Tu crois vraiment que les fantômes existent ? Je suis tout ce que tu penses, ce que tu crois et ne crois pas. Je suis ce que tu acceptes et ce que tu refuses. Je suis en vie parce que lui ne l'est plus. Et tu ne me vois même pas.

L'illusion disparut soudainement mais l'avait-il déjà vraiment vu ?

- Je suis seulement la voix dans ta tête.

Ses mains couvrirent automatiquement ses oreilles dans un geste désespéré. Il se sentait déjà atrocement mal, il n'avait pas besoin d'un imposteur de Newt pour lui rappeler à quel point il était tombé bien bas.

Une part de lui s'en voulait de s'être autant laissé affecté par le départ de Newt. L'autre lui reprochait d'être encore là. C'était très probablement cette dernière qui faisait autant de bruit. Les rares fois où il ne se sentait plus si mal, où il croyait l'espace d'une seconde qu'il pouvait un jour aller mieux, elle revenait et le frappait de plein fouet. Comment oses-tu aller bien alors qu'il est mort ? Comptait-il si peu pour toi pour que tu puisses vivre sans lui ?

Ses bras finirent par retomber lourdement le long de son corps. Il se devait d'honorer la mémoire de l'homme qu'il aimait. Au moins pour aujourd'hui, il se devait de faire honneur au sourire éclatant de Newt, ses grand yeux noisette et sa pureté d'âme. Ce fut pour cette raison qu'il ignora son reflet dans le miroir qui lui montrait un inconnu cerné, au visage livide et creusé et se concentra plutôt sur ce qu'il pouvait faire pour que Newt soit fier.

Il eut besoin d'un très long moment avant d'être prêt à sortir de chez lui, se dissimulant sous son long manteau noir. Mais il y arriva tout de même et il ne put s'empêcher de ressentir ça comme une minuscule victoire.

Sur la route, il fit une escale chez un fleuriste. Errant telle une ombre entre les plantes, il retint un sursaut lorsqu'une vendeuse lui proposa de l'aide. Avant même qu'il ne s'en rende réellement compte, il se retrouva à l'écouter parler des différentes fleurs et de leur signification. Minho n'aurait jamais cru que cela puisse l'intéresser et pourtant, il devait se rendre à l'évidence qu'il buvait ses paroles. Mais aussi enrichissant que cela pouvait être, aucune des significations ne s'approchaient de ce qu'il recherchait.

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