Chapitre 8 : Maigre repas

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Quand ils reprirent enfin leurs esprits et que leurs poumons vidèrent une bonne partie de la poudre argentée, ils vinrent s'asseoir l'un face à l'autre, sur des lits qui s'opposaient. Fébriles, ils ne parlèrent pas de ce qui venait de se passer entre eux, comme s'ils s'étaient mis d'accord.

Pour Rachel, elle avait été trop loin dans les interdits. Elle se savait coupable, et espérait de tout coeur ne pas avoir induit quoi que ce soit dans les pensées du jeune homme. Quant à Ethan, bien qu'il n'eût pas conscience de la posture dans laquelle sa compagne d'aventure se trouvait, il comprenait sans aucun doute qu'un tel rapprochement ne pouvait avoir lieu. Il savait que cet événement avait créé quelque chose entre eux, quelque chose d'étrange. Un mélange d'embarras et d'une pointe de fascination pour cette attraction nouvelle.

La bourgeoise observa le matelot. Il s'était légèrement laissé tomber vers l'arrière, s'aidant de ses bras pour s'appuyer sur le lit. Il regardait le plafond, dévoilant sa gorge dénudée. La demoiselle était subjuguée par son attitude concentrée et pensive. Le jeune homme, aux bouclettes blondes lui tombant sur le visage, paraissait à l'instant la muse d'un peintre.

Dans son coeur, les émotions la prenaient sans répit. Elle s'en voulait de l'observer ainsi, presque à son insu.

Il n'avait pas conscience de l'effet qu'il procurait à cette pauvre fille.

Mais dans ce silence protecteur, elle s'amusait avec les limites. De toute façon, personne n'en saurait rien. Elle repensait à ce moment prohibé, ne comprenant pas comment ils avaient pu arriver à une situation pareille. Après tout, malgré l'étroitesse du meuble, ils auraient pu trouver une position plus adéquate. Sans aucun doute, ils auraient dû.

Ethan ramena enfin son visage vers l'avant. Leur regard se croisa, faisant détourner celui de la demoiselle, embarrassée.

Il s'en amusa. L'élégante jeune femme face à lui, portait bien des mystères qui le fascinaient et la voir ainsi en proie à de fortes émotions ne faisaient qu'accentuer ce ressenti.

Alors qu'il s'apprêtait à se lever, il remarqua une feuille sur le lit. Ce n'était pas n'importe quel écrit, puisque c'était une page du journal de Lydia.

« Voyez-vous cela, dit-il, je ne n'avais pas vu cette feuille de journal en m'asseyant. Je serais même prêt à jurer qu'elle n'était pas là avant. »

Elle le regarda à nouveau, perplexe.

« Enfin, sans doute que je me trompe », rectifia-t-il.

Elle se racla la gorge, tandis qu'elle reprenait ses esprits, et il commença sa lecture :

« Cher journal, aujourd'hui 24 janvier 1791.

Josh n'est pas méchant, sauf quand il est avec Jenn. Je suis sûre qu'il est amoureux d'elle. S'il n'était pas idiot, il saurait que Jenn joue avec lui uniquement pour obtenir tout ce qu'elle veut. Elle se donne toujours un air supérieur, comme si nous ne valions rien.

Je ne sais pas ce qui se passe en ce moment, tout est étrange. C'est comme si tout le monde savait, mais que personne ne me disait rien. En même temps, ça ne me dérange pas trop. Jenn est plus occupée, donc on joue moins souvent au jeu du puits. Je déteste ce jeu, parce que c'est toujours moi qui dois jouer le rôle de la princesse. »

« Quelle petite fille n'aime pas se faire passer pour une princesse ? demanda Rachel, sans attendre particulièrement de réponse.

– Elle, sûrement, répondit le matelot avec amusement.

– Très drôle, Monsieur Adams », ironisa-t-elle à son tour.

Ils se regardèrent un moment, lui le sourire bien visible et elle levant les yeux au ciel d'un air taquin. Finalement, leur rapprochement d'un peu plus tôt n'avait pas rendu leur relation plus embarrassante. Du moins, c'était un secret commun qu'ils préféraient ne pas évoquer.

Rachel Miller et l'orphelinat abandonné [Réécriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant