Rachel Miller et l'orphelinat abandonné [Réécriture]

Chapitre 16 : Manipulation

Londres, 1847

14 ans avant les récents événements.

« Pourquoi tu fais ça?!, s'exclama un petit garçon édenté, les habits déchirés et les cheveux en bataille.

– Parce que c'est cruel ! » répliqua un autre, les joues rouges.

Des enfants se trouvaient dans les quais industriels de Londres, près de la Tamise. Armés de cailloux et de bâtons, ils étaient rassemblés autour de l'un d'entre eux. Leurs habits sales, et en piteux états pour certain, permettaient à leur silhouette de se fondre parfaitement dans le paysage recouvert de la pollution des machines.

« T'es un gros bébé, espèce d'mauviette ! cracha l'un.

– Tu gâches toujours tout, t'es insupportable ! ajouta une fillette, tout en croisant les bras.

– Mais c'est un pauvre chien, il a rien fait de mal ! s'expliqua l'humilié, le coeur battant à s'en rompre la poitrine.

– Ouai, bah ça rest'que c'est l'cabot du vieux Richard. »

Le vieux Richard, comme ils l'appelaient, était le contremaître d'une usine à filer le coton. Plutôt apprécié par ses supérieurs, il faisait la misère aux enfants qu'il employait et était loin d'être le seul. Durant toute cette époque victorienne, le travail des enfants était chose commune. La population ne s'indignait donc pas des dizaines d'heures comptabilisées par jour et des conditions exécrables que devaient subir ces petits. Mais pour Richard Harrington, contrairement à d'autres, un groupe à sa charge s'était unifié pour lui faire vivre un calvaire. Tout y passait quand l'homme avait le dos tourné, et cette fois ils s'en étaient pris à son pauvre chien.

« Si tu restes là, devant c'te chien, on te passera dessus d'abord, menaça le plus grand du groupe.

– Ethan, bouge de là, s'impatienta la fille. Ça fait des jours qu'on attend ce moment. Après c'que le vieux à fait à Ruth, il mérite le pire. T'es son larbin ou quoi ? Le vieux te manipule !

– Tu dis n'importe quoi ! Personne me manipule, son chien n'a pas à souffrir pour lui », s'égosilla le petit Ethan.

Le pauvre animal, roué de coups jusqu'à l'os, ne pouvait plus bouger.

« Qu'est-ce que vous faites, bandes de vauriens ?! »

Cette voix n'était nulle autre que celle de Richard Harrington, les ayant pris en flagrant délit. Enragé et furieux, il n'avait pas manqué de passer ses nerfs sur ces enfants, Ethan y compris. Depuis ce jour, ce dernier était méprisé et humilié par les petits travailleurs, quand ils ne sabotaient pas son ouvrage pour qu'il finisse par se prendre des coups de bâton du vieux Richard.

« Bravo, tu as tout gâché, Ethan... »

« Vous avez tout gâché. »

Cette dernière phrase ne provenait pas des souvenirs du jeune homme, mais de l'ombre qui leur avait adressé la parole plus tôt. Lui et Rachel restèrent un instant sans voix.

Les deux ombres qui s'étaient dressées devant eux devinrent plus nettes à mesure que leurs yeux s'adaptaient à celles-ci, comme lorsqu'ils s'accoutument à la pénombre.

La silhouette qui leur avait parlé était celle d'un enfant. Il avait les doigts étrangement lacérés et recouverts de pustules. Quant à la deuxième, c'était une petite fille au visage craquelé, dont les fissures laissaient échapper un liquide brun épais.