Chapitre 1

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J'étais ridicule...

Je vérifiai mon apparence dans le miroir, m'empressant de mettre une touche de mascara. Du baume sur mes lèvres... Et je me pinçai les joues, histoire d'essayer d'avoir l'air fraîche. Même si j'avais passé la journée à poncer une commode avant de la peindre en regardant des films à la chaîne. Mais il était 19h00 et on était jeudi. J'avais rendez-vous, en quelque sorte. J'attrapai ma poubelle, remplie peut-être à 30% de papier toilette pour donner l'impression qu'elle était pleine, et ne pas me faire griller...

Je n'étais pas du tout une folle qui attendait son voisin canon en douce et s'arrangeait pour le croiser dans l'ascenseur... Pas du tout...

Je sortis presque en courant, pressée... Il devait être en train de récupérer son courrier, le timing était bon. Je vérifiai encore ma coiffure négligée mais pas trop dans les miroirs de l'ascenseur avant d'arriver au rez-de-chaussée. Est-ce qu'il était possible d'avoir l'air cool avec un sac poubelle en main ? Peut-être pas... Mais tant pis.

Il était là, dans le hall. Appartement n°37. Il s'appelait soit Léo, soit Marc. Il y avait deux noms sur sa boîte aux lettres. J'espérais que c'était une collocation... Et n°37 était incroyable. Le genre de mec beau à mourir qui pousse sa voisine folle et célibataire désespérée à enfiler un pantalon et sortir sa poubelle même pas pleine pour avoir une chance de le croiser. Il entra dans l'ascenseur pile au moment où je sortis du local à poubelles. Les portes se fermaient ! J'avais fait tout ça pour rien ! Je commençai à pester contre l'univers, déçue, quand la porte se rouvrit.


- Hey, tu montes pas vrai ?


Oh mon dieu. Oh mon dieu !


- Ou...Oui, je vis au 4ème, comme toi...


Trop d'infos, trop de mots, trop la honte !


- Appartement 33 c'est ça ?

- Oui, au bout du couloir.


« Ravie que tu saches où me trouver si jamais tu te sens seul un soir... » songeai-je en m'appuyant contre la barre de la cabine en face de lui.


- Je viens d'emménager avec mon frère.

- Ok, pourtant y'a deux noms de famille différents sur votre...


Je m'arrêtai net. Est-ce que j'étais en train d'avouer que j'avais vérifié les noms sur sa boîte aux lettres ? Sérieusement ? Je levai les yeux vers les lumières aveuglantes, espérant que ça allait me griller le cerveau.


- C'est mon demi-frère, c'est pour ça, répondit-il comme si tout était normal.

- Ok, dis-je en me pinçant un peu les lèvres, comme pour retenir une nouvelle gaffe.


N°37 souriait. Ce qu'il était beau bordel. Je ne voulais plus parler, je ne voulais pas passer davantage pour une folle. Et alors qu'on arriva à notre étage, enfin, je m'enfuis littéralement dans le couloir pour me renfermer chez moi.


- Alors ? m'interrogea Amina, ma colocataire / meilleure amie.

- Je l'ai vu, dis-je.

- Et ?

- Et il doit penser que je suis complètement folle.


Sur ce, je filai dans ma chambre et m'écroulai dans mon lit. Amina me rejoignit et s'allongea à côté de moi.


- Allez, raconte ? Tu lui as parlé ?

- Un peu...

- Vous vous êtes dit quoi ?

- J'ai avoué que j'avais vérifié son nom sur sa boîte aux lettres...

- C'est pour ça que tu te caches ? se moqua-t-elle gentiment.

- Mais pourquoi j'aurais fait ça si c'était pas pour le fliquer ?

- Arrête de faire la drama queen ! m'encouragea-t-elle en se redressant.


Elle tira sur mes mains pour me forcer à me lever. J'étais de mauvaise volonté, comme une enfant boudeuse. Mais je la suivis dans le salon. Elle avait encore des cartons à défaire. Amina venait d'emménager avec moi. C'était un de nos rêves de gamines, on en parlait déjà quand on était au collège. Je vivais ici depuis des années déjà, avec ma petite sœur au départ. Mais Louisa avait déménagé depuis quelques mois pour vivre avec son fiancé. Ils allaient se marier à la fin de l'année, à tout juste 22 ans.

J'étais la plus vieille des deux, j'aurais peut-être dû me caser la première... étonnamment personne ne semblait surpris. J'étais célibataire depuis des années maintenant. C'était bizarre de se dire ça alors que j'avais tout juste 25 ans. J'avais un problème avec les mecs, un problème avec la vie et des milliers de problèmes avec moi-même. Quoi que l'avenir me réserve, je n'étais pas prête. Alors me marier...

Avant que je ne me mette à pleurnicher sur ma solitude, Mowgli se mit à trépigner devant la porte pour m'indiquer qu'il avait besoin de sortir. Il donnait des coups de museau dans le panier où je rangeais sa laisse pour que je me presse. Alors je lui ouvris la porte et le laissai sortir dans le couloir, le suivant un peu à la traîne. Il grattait aux portes de l'ascenseur quand ce dernier s'ouvrit. Une jeune femme magnifique, parfaitement maquillée, en sortit. Elle se pencha pour caresser mon chien et me sourit. Je me sentais merdeuse avec mon legging usé et mon t-shirt délavé que je portais depuis trois jours. Elle était comme mon exact opposé. Sublime. Je la suivis du regard jusqu'à ce qu'elle s'arrête devant la porte de l'appartement 37. Elle sonna et il sortit pour l'accueillir. Il fit un pas dans le couloir pour lui faire la bise avant de la laisser passer devant lui.

Je ne préférais pas savoir de quoi j'avais l'air... la bouche ouverte, à me dire qu'il ne me regarderait jamais s'il avait la possibilité d'avoir des créatures divines comme elle... Pourtant, contre toute attente, il me fit un signe et un sourire en me voyant au bout du couloir. J'aurais dû réagir non ? Lui sourire ? Ou faire coucou de la main ?

Mais non, j'étais juste montée dans l'ascenseur avec Mowgli. Je ne me regardai pas dans les miroirs cette fois. J'avais aussi des problèmes avec mon reflet. Je voyais bien que tout en moi était normal, d'un banal absolu, rien de difforme. Mais je ne pouvais pas m'empêcher de me détailler avec un regard malveillant. Et la conclusion était toujours la même : rien n'allait !

Je contournai le bâtiment pour que Mowgli aille dans le parc à l'arrière. Et j'allai m'asseoir sur un banc pendant que mon petit bouledogue maladroit fouillait les buissons alentours. Après une bonne demi-heure, le pauvre se mit à aboyer pour me supplier de le libérer de son piège. Comme d'habitude, il avait accroché son collier à une branche et ne savait plus s'en défaire. C'était au moins la troisième fois cette semaine que je devais ramper à quatre pattes dans la terre, sous les feuillages, pour récupérer mon chien...

Comme je disais, rien n'allait ! L'histoire de ma vie...

Dans son regardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant