Chapitre 11

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Nous passions chacune de nos nuits ensemble depuis maintenant trois mois. Je savais déjà que je n'arriverais plus à me passer de lui à l'avenir. Comme s'il filtrait l'air que je respirais, sa présence était une vraie drogue. Chaque minute de libre dans nos journées était une occasion de se voir ou se parler. Il commençait à prendre l'habitude de m'apporter à manger le midi à mon atelier. Passant parfois l'après-midi à me prendre en photo. Au travers de son objectif, l'extension de son regard, j'arrivais à me sentir bien. Et les effets semblaient s'étendre à tout mon être. J'aimais l'aimer, j'aurais voulu lui dire, mais j'avais peur qu'il soit trop tôt. La peur de ne pas lui plaire était remplacée par la peur de le perdre.

Mais il y avait quand même une ombre au tableau... Malgré toute la confiance qu'il m'inspirait, je remarquais qu'on ne se voyait toujours que tous les deux. On ne sortait pas... Et même si c'était encore une relation naissante, ma parano alimentée par ma petite voix médisante se faisait des films. Je m'imaginais qu'il voulait me « cacher ».

Comme aujourd'hui... quand je lui avais proposé de sortir nous promener avec Mowgli et qu'il nous avait emmenés dans une forêt, sur un sentier peu fréquenté. Je marchais en silence depuis un long moment, un peu déçue.


- À quoi tu penses ? demanda-t-il soudain.

- Rien, mentis-je.

- Tu n'as pas dit un mot depuis qu'on est descendu de la voiture, ça va ?


Et comme si la petite voix prenait possession de ma bouche, je m'arrêtai pour lui faire face.


- Pourquoi on se voit toujours soit chez toi, soit chez moi, ou dans des endroits déserts comme ici ?

- Quoi ?

- On voit jamais personne ! m'agaçai-je.

- C'est pas fait exprès... J'adore être avec toi, c'est tout. Si tu veux qu'on se voit moins...


« Marche arrière Swann, marche arrière ! » songeai-je en le voyant douter de lui.


- Non, c'est pas ça, dis-je en me rapprochant, plus calme.

- Alors c'est quoi ?

- Je... j'inspirai un grand coup, j'ai l'impression que tu veux me cacher.


Il me sourit, il commençait à avoir l'habitude. Il découvrait chaque jour l'ampleur de mes insécurités. Heureusement, ça ne semblait pas le faire fuir, pour le moment.


- J'ai envie de te présenter à mes amis et à ma famille, mais je pensais que c'était trop tôt... Je connais que ta meilleure amie je te signale.

- C'est vrai, cédai-je.


Je baissai la tête, un peu honteuse. Léo avait raison, c'était sûrement trop tôt. Il voulait attendre d'être sûr que ça marche, c'était normal. Je n'avais même pas encore dit à Louisa que je sortais avec lui de mon côté. Je ne pouvais pas lui demander de faire ce que je ne faisais pas moi-même...


- On rentre ? proposa-t-il.

- OK.


Il me prit par la main et me guida sur le chemin, vers le parking.

Cet après-midi là, pour la première fois, j'assistai à une de ses séances photo avec la belle Alice. D'habitude je ne m'imposais pas, mais c'est elle qui m'avait proposé de rester. Elle voulait un avis féminin sur le résultat. Et Léo avait semblé trouver ça tout à fait normal que je reste... C'était bien la preuve que je me faisais des films !

J'allai m'asseoir dans un coin de la pièce, sur un fauteuil en cuir, pour ne pas déranger. Je m'attendais à ce que ma jalousie me travaille... Mais rien.

Parce que Léo était très pro. Il indiquait à Alice comment se positionner et ne la touchait jamais sans lui demander d'abord si elle acceptait. Des fois elle riait même de sa timidité.

Elle portait une longue robe en dentelle rouge, toute transparente. Et rien en dessous. Après quelques clichés, Léo se concentra sur son ordinateur pour examiner ses photos. Alors la jolie jeune femme attrapa son gilet pour se couvrir avant de venir s'asseoir sur l'accoudoir de mon fauteuil.


- Il est doué mais très pointilleux, lança-t-elle en ouvrant sa bouteille d'eau.

- Les artistes, dis-je en haussant les épaules.

- Tu poses pour lui toi aussi ?

- Ah, non, pas moi.


Quelle question !


- Pourquoi pas ?

- Euh, j'ai pas le physique...

- Tu sais, y'a pas mieux pour se sentir belle.


Puis elle rejoignit Léo qui lui montrait les photos qu'il avait sélectionnées. Je m'approchai pour les voir aussi.


- Non, sur celle-ci mes hanches sont trop larges, tu peux la retoucher ? réclama Alice.

- Y'a pas besoin arrête, t'es magnifique, dis-je, sincère.


Elle était juste PAR-FAITE !


- Je crois que ça commence à se voir, dit-elle en caressant son ventre.

- Sérieux ? s'enthousiasma Léo, félicitations !


Alice sourit en lui faisant un câlin. Puis, elle se tourna vers moi et me tendit les bras. J'étais un peu surprise, comme on ne se connaissait pas.


- Allez, j'ai tellement entendu parler de toi, c'est comme si on se connaissait déjà.


J'acceptai l'étreinte en regardant Léo. Il lui avait parlé de moi, vraiment ? Je me commençais à sérieusement m'en vouloir d'avoir douté...


- Bientôt il faudra me remplacer devant l'objectif, ajouta la future maman en me faisant un clin d'œil.


Pendant qu'elle allait se rhabiller, avant de partir, je restai dans le studio avec mon petit ami bavard. Il commençait à ranger son matériel avec soin. Puis, alors que je regardais les sublimes photos d'Alice, il vint dans mon dos, enroulant ses bras autour de mon cou avant de murmurer à mon oreille.


- Alice a raison, on pourrait faire des photos magnifiques si tu posais pour moi.


Je pivotai sur mon siège pour le regarder. Apparemment il était sérieux. Mais je ne pouvais pas faire ça, je ne m'en sentais pas capable.


- Je peux pas...

- Je t'oblige pas, sache juste que j'adorerais.


Il m'embrassa avec envie jusqu'à ce qu'Alice revienne dans la pièce.


- Tu m'envoies tout ça ce week-end d'accord ?

- Promis, répondit-il en se redressant sans me lâcher.

- Allez, à bientôt !


Elle l'embrassa sur la joue et fit de même avec moi.


- Vous viendrez manger à la maison avant la naissance du bébé ? Parce qu'après je pense que ce sera moins présentable, plaisanta-t-elle.


Elle avait parlé de Léo et moi comme un tout et j'aimais tant cette idée !

Dans son regardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant