Eliza
— Eliza ? As-tu terminé tes cartons ?
Assise au milieu d'un tas de boîtes, je lâche un rire nerveux. Si j'ai fini ? Je me noie sous une pile de vêtements qui refusent d'entrer où que ce soit. Ma trousse de maquillage, trop précieuse pour aller dans une valise, est aussi trop lourde pour mon sac de transport. Je ne trouve plus mes Converse préférées que Roxanne m'a offertes à mon anniversaire. Une catastrophe !
Toutefois, je prends une grande inspiration. Comme Papa le disait souvent, dans ce genre de moment, il faut voir le bon côté des choses. Je ne suis pas seule pour affronter ce désordre.
— Eliza ? Ma puce, tu...
Maman se fige dans l'embrasure de la porte, éberluée, et laisse tomber au sol le bouquin qu'elle tenait entre ses mains. Elle le ramasse avant de me faire les gros yeux.
Contente ou pas, ma mère reste une femme formidable. Oui, même si elle ne le croit pas toujours. Selon elle, je suis celle qui l'a aidée à se relever après la mort de mon père. « Une chose qu'une jeune fille ne devrait jamais faire... », répète-t-elle chaque fois que je tente de la convaincre du contraire. À mes yeux, cependant, elle a tort. Car malgré la profonde dépression qu'elle a traversée, elle a su aller chercher de l'aide et se relever grâce à la thérapie. Le plus beau cadeau qu'elle ne m'ait jamais fait. Dieu sait comment combattre une épreuve aussi dure peut être difficile.
— Bon sang, Eliza ! On ne va jamais y arriver, murmure-t-elle en observant le fouillis dans ma chambre.
— C'est certain qu'en disant une chose pareille, ça ne va pas aider.
Elle cligne des paupières, déplaçant son regard cristallin entre les nombreux cartons encore vides et les piles de pulls et de jupes envahissant mon vieux bureau de travail défraîchi. Puis, d'un geste nerveux, elle glisse frénétiquement une mèche de ses longs cheveux bruns derrière son oreille avant de lâcher un profond soupir.
— Attends, je vais chercher nos munitions.
Je lève un pouce en l'air. Cette idée est plus que bienvenue. Nous allons avoir besoin de carburant afin de survivre à ce désastre.
À peine quelques minutes plus tard, elle entre à nouveau dans ma chambre, deux chocolats chauds extra crème fouettée entre les mains. Oh, et avec des guimauves. Il ne faut jamais oublier les guimauves.
— Prête ? me demande-t-elle en me tendant une tasse.
— Carrément ! Il nous reste combien de temps ?
— Environ une heure.
Nous nous dévisageons mutuellement en silence, avant d'éclater de rire à l'unisson.
— Prions Papa... pour qu'il... nous lance un miracle, balbutié-je, le corps secoué par les soubresauts de mes épaules.
Ma mère, une main nouée autour de son chocolat chaud, acquiesce d'un signe de tête, et se rapproche un peu pour bousculer mon épaule de la sienne. Elle sent le miel et le citron. Je me demande si, dans notre nouvelle maison, son parfum changera, lui aussi. J'espère que non, car il me rappelle les années que nous avons passées ici, à n'être rien d'autre qu'une famille heureuse et unie, même durant l'hospitalisation de Papa. Enfin, cela reste relatif, dans les circonstances. Cependant, jamais il n'a laissé paraître quoi que ce soit. Mon père souffrait, avait sans doute peur de la mort – qui n'a pas peur de mourir ? Mais il continuait à voir la vie du bon côté sans se départir de son sourire malgré les difficultés de ses traitements. Un modèle que j'ai commencé à suivre dès le jour de son enterrement.
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À Jamais Plus De Cinq Cents Mètres T1 & 2 - Publié Chez Butterfly Éditions
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