Chapitre 4 (Version Édité)

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Eliza

Assise sur le banc en velours vert dans le vestibule, je chausse mes bottines brunes agencées à mon pull en laine, par-dessus lequel j'ai enfilé un manteau automnal. La température ce week-end s'est encore rafraîchie, jusqu'à frôler maintenant les dix degrés. Ce n'est pas si froid, mais juste assez pour sortir les vêtements chauds et confortables de la saison. Surtout aujourd'hui avec le vent saisissant du Nord qui s'est levé, et la pluie empêchant toute source de chaleur d'atteindre les quelques personnes dans la rue, prêtes à braver l'air frisquet de la première semaine d'octobre.

Les mains dans les poches, je sors et évolue dans le quartier malgré la brume du matin, la tête bien couverte par mon capuchon. Pour être honnête, même si la plus grosse tempête du siècle faisait rage à l'extérieur, j'aurais mis le nez dehors sans aucune hésitation. Peut-être que je fuis Liam, avec qui j'ai encore eu un accrochage devant la cafetière il y a à peine une heure. Ou alors, j'évite ma mère et Stefen, qui me traînent de force dans toutes les boutiques huppées du centre-ville de Portland. J'adore passer du temps avec eux, mais après plus d'une semaine à avoir ma famille comme unique amie, j'ai fini par manquer d'espace, de liberté.

Si seulement cet odieux garçon tatoué n'était pas... eh bien, odieux, je me serais sans doute sentie moins seule. J'aurais réellement aimé avoir un frère. Ce que j'avais confié à voix haute devant ma mère et Liam lors de notre première journée au manoir n'avait rien d'un mensonge. Naître enfant unique a ses avantages comme ses inconvénients. Je n'ai jamais eu besoin de partager mon maquillage ou mes jouets. Cependant, en compensation, j'aurais accepté volontiers d'avoir quelqu'un avec qui m'amuser et me confier. Oui, mon enfance a été peuplée d'amis, mais ce n'est pas pareil. Lorsque mon père est mort, hormis Maman, je n'avais plus personne. Et je me devais d'être forte pour elle.

Parfois, je me demande à quoi aurait ressemblé ma vie si l'on m'avait offert la possibilité de communiquer ma peine. Cela aurait-il allégé mon fardeau ?

Après environ cinq minutes de marche, je débouche devant une petite bâtisse brune et blanche, joliment décorée de feuilles d'automnes, de quelques collants de fantômes et de citrouilles posées devant les fenêtres. Cela ne fait que s'améliorer lorsque j'en passe le seuil : d'innombrables décorations suspendues au plafond, représentant des sorcières, des chats noirs et des chaudrons, m'accueillent en virevoltant au gré du vent qui s'infiltre par la porte entrouverte. Ce café vintage est la plus belle chose que j'ai découverte dans le quartier.

— Eliza !

La serveuse, Amanda, me salue d'un signe de la main, le sourire aux lèvres et ses yeux pétillants, rivés aux miens. Âgée d'une trentaine d'années, la propriétaire des lieux a fini par me reconnaître. Selon cette petite rousse, les habitués sont les clients les plus précieux, et comme je me suis présentée ici presque chaque jour depuis mon arrivée, j'ai été projetée dans cette catégorie qui, ma foi, me fait plaisir.

— Un chocolat chaud extra guimauve ? demande-t-elle alors que je prends place près d'une grande baie vitrée. Oh, nous avons aussi des biscuits spéciaux pour Halloween.

— Déjà ? Eh bien, tu m'as convaincue avec ton « extra guimauves » et ton « spécial Halloween » !

Amanda me gratifie d'un clin d'œil, lisse son tablier aussi vert que ses prunelles, puis se retourne vers les dizaines de machines industrielles à expresso, créatrices de boissons merveilleuses.

J'en profite alors pour sortir mon téléphone et envoyer un message à Roxanne, lui demandant si elle est disponible pour papoter un peu. La réponse ne se fait pas prier : ma sonnerie – la chanson thématique de « Game of Thrones » – s'élève dans le café presque vide. Gênée, je me dépêche de décrocher afin d'éviter que les notes de pianos et de violons continuent de retentir dans le bâtiment.

À Jamais Plus De Cinq Cents Mètres T1 & 2 - Publié Chez Butterfly ÉditionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant