Chapitre 5 (Version Édité)

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Eliza

Malgré mes bonnes intentions, discuter avec Liam s'est avéré plus facile à dire qu'à faire. Depuis quatorze longues journées, nous passons soit notre temps à nous ignorer mutuellement, soit à nous foudroyer du regard dès que nos chemins se croisent dans l'immense demeure. Même les conseils que Roxanne m'a donnés la semaine dernière ne m'ont pas aidée. Est-ce la faute de notre altercation le jour de mon arrivée si je ressens autant d'appréhension et de colère chaque fois que je tente d'aborder le sujet ? Ou est-ce parce qu'à chaque fois justement, il me coupe dans mon élan en me sommant de ne plus lui adresser la parole ? Probablement un peu des deux.

Dans tous les cas, j'ai fini par remettre cette tache fastidieuse à plus tard, lorsqu'il fera sa part des choses – si ce jour arrive, évidemment.

Bien calée sur un siège devant l'immense table à manger en bois marron, j'observe Maman se déplacer avec grâce dans sa petite robe en velours bourgogne. Elle s'affaire à terminer la présentation de son festin et refuse toute l'aide qu'on veut lui apporter. Je pense que c'est sa façon de prendre ses plis dans notre nouvelle maison, alors je la laisse faire sans broncher. Nous habitons ici depuis peu et, déjà, la routine pointe le bout de son nez. De ce côté, tout va relativement bien.

Non, le seul problème quand on emménage dans un quartier où l'on ne connaît personne, c'est qu'il n'y a pas grand-chose à faire. Entre mes nombreuses sorties au café d'Amanda, mes soirées Netflix devant l'écran géant, et le shopping avec ma mère, j'ai fini par voir tout ce qui valait la peine d'être vu. Seulement, maintenant... j'ai infiniment hâte que Roxanne arrive. Plus que sept jours avant sa semaine de relâche, je dois tenir bon.

— Ma chérie, tu peux aller chercher Liam ? Je demanderais bien à Stefen, mais...

Ma mère me pointe son compagnon, en train de s'arracher les cheveux devant son ordinateur portable. Le pauvre, il est peut-être riche, mais il travaille un nombre d'heures incalculables pour s'assurer que sa compagnie de télécommunication reste prospère.

— Oui, je m'en occupe.

Sans attendre, je traverse la salle à manger, monte les escaliers en marbre blanc, puis me retrouve devant la chambre de mon « demi-frère ». La grande porte en bois noir, pourtant identique à la mienne, me paraît bien plus effrayante que les six autres présentes dans le large couloir. Le silence régnant sur cet étage me donne froid dans le dos. Je lève la main pour toquer à la porte, mais me fige dans mon élan lorsque j'entends sa voix s'élever juste derrière.

Je ne parviens qu'à saisir une poignée de mots étouffés : « mauvaise... », « incompétent... », « marchandise... » Liam paraît en colère. Haussant parfois le ton, il insulte son interlocuteur au téléphone. Puis, plus rien. La curiosité piquée à vif, j'ai la furieuse envie de découvrir ce qui peut le mettre dans un état pareil.

Non, mauvaise idée.

Pourtant...

Cela me rappelle qu'hier, mon cher demi-frère s'est permis d'entrer dans ma chambre sans frapper tandis que je me changeais. Quand je lui ai hurlé de dégager, il m'a balancé tout un tas de méchancetés obscènes, me répétant pour la énième fois que je n'avais pas l'autorité de lui donner des ordres, avant de repartir en laissant grand ouvert malgré mes protestations. C'est comme s'il s'acharnait à détruire notre trêve. J'ai ignoré ses provocations des derniers jours, j'ai essayé d'être la plus mature de nous deux, de m'en tenir à ma devise « tout s'arrange toujours », mais mes efforts sont restés vains. Un peu comme le soleil fait fondre la neige au printemps, son hostilité injustifiée a fini par réduire ma patience et mon bon sens à néant.

À Jamais Plus De Cinq Cents Mètres T1 & 2 - Publié Chez Butterfly ÉditionsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant