Prologue

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"Il me faudrait l'éternité pour t'oublier."

De la même façon que j'ai toujours pensé que la représentation de l'amour dans les films et les fictions n'était pas réelle, j'ai cru que la douleur des chagrins d'amours était elle aussi exagérée. J'étais sûre qu'il ne fallait pas autant de temps pour s'en remettre, et qu'il suffisait d'un peu de bonne volonté pour réussir à se relever.

Dans un cas comme le mien, avec un vécu aussi lourd et avec le mal que j'ai toujours eu à gérer mes émotions, j'ai sous-estimé ce qu'il m'attendait lorsque je suis revenue à Columbus.

Je me croyais plus forte que les autres. Sous prétexte que j'avais déjà connu une douleur déchirante, j'ai cru que j'étais invincible.

Malgré moi, j'ai vite compris que la fiction était bien réelle. Mais j'ai surtout réalisé que ce que je qualifiais comme exagéré n'était rien à côté de la vérité.

De quitter Hayden et de rentrer chez moi a été la pire expérience de toute ma vie. J'ai sombré tout au fond des abysses de l'Enfer. J'ai rejoint l'obscurité en un rien de temps, comme si je n'avais toujours connu que ça. J'ai été engloutie, complètement, sans porte de sortie.

En le laissant derrière moi, je ne l'ai pas seulement perdu lui, je me suis perdue moi-même. À tel point que même de m'infliger une douleur physique n'avait plus aucun effet. Mon âme était restée à Santa Monica, là où j'avais laissé mon premier amour, et la rupture a emporté avec elle tout ce que j'ai toujours été.

Cette fois, j'étais brisée. Parfaitement et incontestablement brisée. Aucun moyen de me réparer, ou de recoller les morceaux. Quand je me suis effondrée à l'aéroport, étouffée par cette atroce crise de panique, j'ai cru mourir. Christian me soutenait dans ses bras sans savoir que les mois qui suivraient mon retour seraient les pires de toute sa vie.

Qui aurait cru qu'une rupture amoureuse pouvait causer un tel choc que ça déclencherait une dépression ?

Mais comment pouvais-je expliquer qu'Hayden était le miracle qui m'avait été enlevé et que sans lui, j'avais oublié comment respirer ? Comment expliquer qu'après des années de souffrance, la seule lumière qui m'avait été accordée avait disparu, elle aussi ?

Sans lui, il n'y avait plus de barrières, et mes démons m'ont rattrapée pour enfoncer leur griffe profondément en moi.

Owen. Mon père. La mutilation. Ma mère. La distance.

Ma mère m'a emmenée chez un psy. Elle espérait sûrement que je lui parlerais, mais ça n'a pas été le cas. Rapidement, le verdict est tombé, et on m'a prescrit des antidépresseurs et des anxiolytiques pour canaliser mes angoisses et mes cauchemars. Les lames ne suffisaient pas, le dessin non plus, j'avais touché le fond et d'avaler des médicaments était le seul moyen d'écarter les ténèbres.

J'ai passé un peu plus de deux mois enfermé dans ma chambre. Je n'allais pas en cours, je n'avalais quasiment rien, et je dormais autant que possible. Ma famille, allant de mon beau-père à ma tante, était morte d'inquiétude. Quand Klaus appelait, je refusais de lui parler.

C'est en octobre, le mois de mon anniversaire, que j'ai réussi à sortir la tête de l'eau. Le jour de mes dix-huit ans, une notification est apparue parmi toutes les autres. Je lui avais fait promettre de ne pas me contacter pour qu'il puisse avancer, mais ce message était inespéré.

Pour la première fois depuis des mois, je ressentais quelque chose. Je me rappelle avoir ouvert immédiatement son message pour découvrir un simple ''Joyeux Anniversaire, Amber'', accompagné d'un fichier.

J'ai passé toute la journée du trente octobre à écouter sa voix. Il avait eu l'idée de chanter mes deux musiques préférées, Never be Alone et Life of the Party, comme cadeau d'anniversaire. De réentendre sa voix fût comme un nouveau souffle. Dans mes écouteurs, les deux fichiers audio tournaient en boucle, non-stop. C'était ça, mon remède.

C'était de savoir qu'il avait respecté les termes du contrat. À l'inverse de moi, il a joué de la musique pour apaiser sa douleur, et il a apaisé la mienne avec sa voix d'ange pendant que je restais au fond de mon lit à me détruire. Il était là, un peu partout dans chaque recoin de mon âme, et il a une nouvelle fois ramené de la lumière là où il n'y en avait pas.

Je me souviens m'être levée de mon lit à la fin de la journée. En arrivant dans le séjour, ils étaient tous assez déconcertés de me voir debout. Le soir de mon anniversaire, j'ai beaucoup pleuré. Enfin.

Après deux longs mois, j'évacuais enfin ma douleur. C'est Christian qui a été là pour m'écouter lui raconter l'histoire du début jusqu'à la fin. Je m'étranglais dans mes sanglots, je lui répétais que je n'allais pas y arriver. Mais alors que je pensais qu'Hayden était le seul capable de me sauver, Christian a été ma lueur d'espoir. C'est quand il m'a dit qu'il fallait que je me relève comme j'aimerais qu'Hayden le fasse que j'ai eu un déclic.

Doucement mais sûrement, j'ai recommencé à vivre. Je dînais avec ma famille, je sortais avec Chris', j'appelais Klaus et ma tante. Après avoir complètement décidé de refaire ma chambre — non sans laisser les photos que nous avions prises à Pacific Parc accrochées sur le mur — j'ai revu Cassie.

De la revoir a été un point culminant dans ma guérison. Grâce à elle, j'ai pu retourner au lycée. Je redécouvrais la vie simple d'une adolescente, avec une amie, et des soirées.

Quand je suis tombée nez-à-nez avec Owen, je n'ai pas bronché. Avec son air répugnant et son rictus amusé, j'ai pu le regarder sans avoir mal. Même quand il s'est foutu de moi devant ses potes, ça ne m'a rien fait. J'ai empêché Cassie de lui sauter dessus et j'ai fait quelque chose dont je ne me serais jamais cru capable : je lui ai souhaité d'être assez heureux un jour pour ne plus avoir besoin de faire du mal aux autres.

J'aurais pu me lancer dans des procédures judiciaires. C'est même ce que j'aurais dû faire. Mais je voulais avancer et laisser ça derrière moi une bonne fois pour toutes.

C'est en réalisant que j'avais été capable de souhaiter le bonheur à quelqu'un qui m'avait détruit que j'ai compris qu'Hayden avait fait de moi une meilleure personne. Il m'a changée et sans lui, je serais restée méfiante et froide. Il m'a sauvée, ce n'était pas une expression.

Dans cette lettre, je lui ai dit toute la vérité. Les mots écrits dans ce carnet reflètent mon cœur dans son état le plus vulnérable. Je lui ai dit que j'étais sûre qu'on se retrouverait parce que j'ai la certitude d'avoir trouvée mon âme-sœur. Tôt ou tard, je savais que je finirais par reprendre l'avion pour retrouver ma ville d'adoption.

Je pense simplement qu'après tout ce que la vie m'avait fait endurer, il fallait que j'avance seule. Je ne pouvais pas aimer Hayden avant de m'aimer moi-même, encore moins à distance. Je ne regrette pas mon choix de l'avoir quitté, parce que je n'aurais pas su prendre soin de lui en étant aussi bousillée.

Cette année ne m'a pas changée, elle m'a fait grandir. Je sais que ça a été le cas pour lui aussi.

Depuis ma chambre, je suis devenue sa première fan. Il a eu le courage de se lancer et de publier des vidéos. Sur Youtube, certaines vidéos ont décollé, et je n'en ai pas loupé une seule. Je ne me lassais pas de le regarder chanter ou encore de lire les commentaires qui disaient qu'il avait une voix incroyable. Si seulement ces gens-là comprenaient les musiques comme je les comprends...

Même à trois mille six cent six kilomètres, il a continué à communiquer avec moi à travers ses chansons. Dix mois se sont écoulés sans qu'on ne s'adresse pas la parole et pourtant, il ne m'a pas oubliée.

Pour la seconde et dernière fois de ma vie, je boucle mes valises pour retrouver Santa Monica et la côte ouest. Seulement, cette fois-ci, je m'y installe pour de bon et y faire mes études.

Dis Hayden, est-ce que tu penses que dix mois ont suffi ? Parce qu'il est grand temps que le parfait cliché californien et la grincheuse se retrouvent, tu ne crois pas ?

The Summer LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant