Chapitre 1 - Amber

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"L'absence ne tue l'amour que s'il est malade au départ."
- Roger Bussy-Rabutin

Je serre les dents quand ma mère hurle depuis le salon parce qu'elle a peur que j'oublie mon passeport. Ce n'est pas elle qui prend l'avion, il faudrait qu'elle pense à se détendre. Toutefois, je décide de prendre sur moi quand Christian et moi échangeons un regard entendu. Il a raison, il vaut mieux la laissée crier dans son coin.

Ça fait un petit moment que j'ai compris qu'elle avait un problème, et que le départ de mon père l'avait plus affectée que ce que je pensais, mais nous n'avons jamais eu le courage d'en parler. Cette année avec elle n'a pas été de tout repos, surtout depuis qu'elle m'a demandé si je la détestais vraiment et que je lui ai répondu oui. Pour ma défense, j'étais sous antidépresseurs et elle voulait la vérité, alors je ne me suis pas retenue.

Malgré ça, elle a changé. J'ignore encore si c'est parce qu'elle a été obligée d'accepter que j'étais tombée en dépression, mais elle n'est plus aussi dure qu'avant. Son masque s'est écroulé. Je l'entendais pleurer dans la salle de bains le soir et j'aurais aimé lui demander si c'était de ma faute, mais j'étais trop occupée à compter tous les kilos que j'avais perdus, rêvant de ne plus sentir mes côtes et de reprendre de la graisse là où, à mon sens, il en manquait.

Je n'ai pas toujours été facile avec elle, et ça me brisait le cœur de ressentir son impuissance. Je me battais pour rester en vie et je n'ai pas trouvé le temps de la rassurer.

Entre ma perte de poids inquiétante et la mutilation, j'étais complètement perdue. Plusieurs fois par semaine, je devais parler de mes sentiments à un vieil homme qui n'avait pas l'air de comprendre que d'être jeune ne veut pas dire qu'on ne peut pas souffrir et avoir des problèmes. Et oui, j'ai dix-huit ans et je suis tombée en dépression.

Quoi qu'il en soit, je n'ai pas beaucoup de souvenirs des deux mois qui ont suivi mon retour ici, mais le mal-être de ma mère est quelque chose qui est encore bien ancré dans mon esprit. Peut-être qu'un jour, on sera toutes les deux assez courageuses pour affronter nos démons communs. En attendant, on fait des efforts, ce qui — nous connaissant — relève d'un miracle.

Pour éviter qu'elle se fasse mal à la gorge à force de brailler, je descends les escaliers avec mes valises, suivie de mon demi-frère. Cette fois-ci, j'ai emporté toute mon armoire.

Si je dois citer une chose qui a fait de mon année une meilleure année, ça a été l'appel de ma tante pour m'annoncer qu'elle m'offrait mes études d'art à l'Université de Los Angeles. Ma mère a eu beau tenter de me raisonner en me répétant que j'allais uniquement vivre là-bas le temps d'avoir mon diplôme, je sais déjà que je ne vais plus jamais quitter la côte ouest.

Je dépose mes valises au pied des escaliers au moment où la porte d'entrée s'ouvre. Dans l'encadrement, j'aperçois la chevelure blonde et bouclée de Cassie. L'air triste, elle s'avance vers moi, et me prend dans ses bras sans attendre.

— J'arrive pas à croire que tu t'en vas vraiment, dit-elle.

— Elle va vivre là-bas jusqu'à l'obtention de son diplôme, intervient ma mère.

Ma meilleure amie et moi échangeons un regard. Cass' est parfaitement au courant que je ne reviendrai pas à Columbus. Elle m'a entendue parler pendant des heures de la Californie, elle sait à quel point je suis amoureuse de Santa Monica.

— Vous auriez quand même pu m'emmener avec vous, ajoute-t-elle en envoyant son poing dans l'épaule de Christian.

Cette idée m'a traversé l'esprit, mais je ne voulais pas abuser. J'ai demandé à ma tante si ça dérangeait que Chris' m'accompagne, et elle a accepté avec plaisir en me disant qu'elle préparerait tout pour nous. Je me voyais mal retourner là-bas sans lui. Il est devenu bien plus qu'un demi-frère. Christian est mon frère et mon meilleur ami. Sans lui, je n'y serai jamais arrivée. Durant toute cette année, nous avons constitué un trio avec Cassie, et ça me déchire de penser au fait qu'on devra se dire au revoir à la fin de l'été. Deux mois en sa compagnie avec la bande, ce n'est pas assez.

The Summer LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant