Wattpad Originale
Il reste 3 chapitres gratuits

Chapitre 2 : Un Coureur de Gueuses

21.1K 1.6K 117
                                    

Oscar de Millicent, une fois lavé, parfumé, coiffé et habillé convenablement, avait une certaine prestance. Ses cheveux blonds soulignaient le violet de ses iris, si inhabituels ici-bas. Son apparence était belle, avec le port droit d'un aristocrate. Plus Angèle le contemplait, plus elle sentait une profonde animosité naître en elle. Mieux valait s'intéresser à son environnement.

Un bureau, richement aménagé. Des moulures dorées fleurissaient au plafond. Une imposante cheminée de pierre trônait face à un canapé damassé, rouge et or. Tout était dans ces tons, des rideaux aux tapis. Debout derrière un lourd bureau en chêne, le Duc allait et venait, ses mains délicates croisées dans le dos.

— Vous étiez attendue pour demain, mademoiselle de l'Esprit Saint, expliquait-il pour se faire pardonner, avec un demi-sourire charmeur. Là est la raison de mon absence pour votre arrivée. M'excuserez-vous ?

Angèle reporta son attention sur lui. Accoudé au manteau de la cheminée, Rodolphe semblait lui aussi attendre sa réponse.

— De vous être comporté en goujat en allant courir la gueuse avant l'arrivée de votre fiancée ? Non, je ne pense pas, monsieur de Millicent.

Il resta un instant stupéfait de ses paroles. Allait-il s'énerver ? Lui rappeler qu'une femme de sa condition n'avait pas à parler de cette manière à un tout puissant Duc ? Il semblait en avoir le profil. Pourtant, il se fendit d'un large sourire.

— Vous êtes réputée pour votre caractère bien trempé, mademoiselle de l'Esprit Saint. C'est ce qui m'a séduit chez vous, aussi suis-je comblé de voir la chose confirmée.

Elle fronça les sourcils, croisa ses jambes dans l'autre sens. Oh, le fauteuil était confortable. La situation, elle, l'était beaucoup moins.

— Vous voulez me faire croire que mon sale caractère vous a poussé à me proposer ces fiançailles ?

— En partie, avoua-t-il en contournant son bureau.

— Dans ce cas, quelle est l'autre partie ?

Oscar s'agenouilla devant elle, afin de lui prendre la main. À la sienne, deux grosses bagues serties de pierres précieuses brillaient, symboles de sa richesse. Vus de près, ses cheveux semblaient faits d'or filé.

— J'ai vu votre portrait chez le Comte d'Orange, fit-il avec un petit sourire. Je vous ai trouvée d'une beauté époustouflante. Je me suis alors intéressé un peu plus à vous et... je dois l'avouer... j'ai eu le courage de demander votre main à votre père.

Cet individu se moquait d'elle. Impassible, elle continua à le fixer, jusqu'à le mettre mal à l'aise. Il mentait. Elle n'avait jamais fait faire de portrait d'elle. Elle n'était pas belle. Mais effectivement, elle avait un caractère bien trempé. Il fallait ce qu'il fallait, en ce bas monde.

— Allons droit au but : je ne vous épouserai pas. Je suis prête à vous supprimer plutôt que de me retrouver enchaînée à vous.

Discrètement, Rodolphe quitta son poste de devant la cheminée. Angèle lui jeta un froid coup d'œil, avant de revenir à son fiancé. Ce dernier ne s'était pas départi de son sourire. Même ses prunelles semblaient toujours aussi accueillantes.

— Je vous convaincrai, murmura-t-il en baisant sa main. Je vous ferai mienne, mademoiselle Angèle.

*

La situation est de plus en plus étrange, réalisa Angèle en dévalant l'imposant escalier. Cet Oscar ne lui inspirait pas du tout confiance. Lorsqu'une femme menaçait son promis de mort, il devait paraître choqué, inquiet, hilare, sidéré. Pas avoir la capacité émotionnelle d'une huître avariée.

1. Désagréable AttiranceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant