3. Le Symbole Inédit

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Makayla

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Makayla

Papa s'éloigne avec maman, le temps de la consoler, pendant que Jules et moi restons dans notre coin à ressasser intérieurement le passé. Ils sont près du chemin de terre qui mène à la porte de la maison, tandis que mon frère et moi sommes un peu plus loin, à la limite imaginaire de la maison des voisins. Jules se gratte un sourcil, le regard perdu dans le vide, et je cesse de l'observer quand nos parents reviennent vers nous. Maman est toujours ébranlée, mais elle ne pleure plus. Je sais que c'est de courte durée, car elle sera bien plus abattue lorsqu'elle apprendra que Jules n'a pas de crainte à l'idée d'épouser une duchesse.

— Jules, tu n'y iras pas, n'est-ce pas ? veut-elle se rassurer d'une voix tremblante. Au rituel.

— Je veux participer à la Sirna.

Et voilà. Cette annonce a le même effet qu'une bombe. Maman écarquille les yeux et recommence à pleurer silencieusement. Elle ne quitte pas mon frère du regard, totalement désarçonnée. J'imagine tout ce qui doit lui passer par la tête, et je me figure bien le beau boucan qu'il doit y avoir là-dedans. Cependant, mon frère ne lui laisse pas de répit et reprend :

— Par tous les saints d'ma vie, maman ! On a enfin une chance de sortir d'ce trou à rat et on doit la saisir ! Je sais qu'c'est difficile à accepter, mais ça fait dix ans, dix foutues années qu'Élène est morte, et on continue d'faire comme si elle va rentrer un jour. J'veux dire... le souvenir d'son visage est déjà imprécis dans mon esprit, et... et j'sais même plus quel était le son de sa voix. J'avais dix ans quand ça s'est passé, et j'vais pas rester bloqué dans le passé parce qu'elle a choisi de s'laisser mourir d'amour, voyons !

Un souffle passe près de mon visage et, l'instant qui suit, un bruit sec résonne, me faisant sursauter. Je comprends ce qui s'est passé lorsque la tête de Jules se déporte légèrement vers la droite et qu'il s'immobilise pendant quelques secondes. Il se caresse ensuite la joue, affichant une grimace équivoque. Je l'éloigne doucement de nos parents en retenant ses épaules, outrée par le visage empreint de colère de papa. Il n'a jamais été violent avec nous et ce geste est bien la preuve que tout est en train de partir en vrille dans cette famille.

— J'arrive pas à croire que t'aies fait ça, s'indigne mon frère.

— Et je le referai toutes les fois que tu saliras la mémoire de ta sœur ! tonne le chef de famille. Si tu veux risquer ta vie pour quelques sous, quittes à toi ! Mais ne mêles pas Élène à ça. Jamais.

Le concerné soupire bruyamment en passant une main dans sa tignasse. Je peux sentir des regards curieux nous observer à travers les fenêtres voisines, embarrassée. Jules hoche alors la tête puis s'en va vers la ferme avec sa brouette. Je cache tant bien que mal ma tristesse, mais je suis terriblement chagrinée de voir que l'approche de la Sirna crée de telles tensions parmi nous. Nous avons toujours été très soudés, j'ai grandi dans un véritable cocon de chaleur et de bonheur. Ces conflits sont quelque chose de tout à fait nouveau pour moi, et aussi pour les voisins qui nous lancent des œillades intéressées. Papa reprend lentement contenance en recommandant à maman de rejoindre l'intérieur. Elle s'éloigne d'un pas lent sous mon regard larmoyant. Tête baissée, j'observe mes pieds pour m'empêcher de pleurer.

AU PÉRIL DE MA MORTOù les histoires vivent. Découvrez maintenant