Chapitre 1 : Une atroce douleur

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  Le jour de mes dix sept ans, je l'ai passé à l'hôpital, pour rien de bien méchant mais ma mère s'est remise à pleurer. Ça me faisait terriblement mal de la voir souffrir autant de mon état, j'étais devenu son afflication, une petite affliction qui grossissait de plus en plus chaque jours, un peu comme une tumeur. En réalité, j'étais une tumeur pour tout mon entourage et encore plus pour mon père. Ça faisait des siècles que je ne l'avais pas vu (façon de parler, ça ne devait faire que quelques mois en fait). La dernière fois qu'on s'est vu ça devait être au Lucky Drive, un minuscule restaurant bâti dans l'épave d'un vieux bus scolaire. On s'était donné rendez-vous là après les fêtes de fin d'année pour se retrouver. Il disait qu'il n'en revenait pas que le temps soit passé si vite et aussi, il a dit qu'il était désolé de nous avoir abandonné maman et moi.

"Faut que t'arrêtes de vivre dans le passé, et que tu commences à vivre ta propre vie. T'as plus a être désolé maintenant, trois ans ce sont écoulées, il est temps de passer à autre chose."

"Tu sais, c'est pas si facile que ça."

"Tu l'aimes encore ?"

"Fiston, si je pouvais revenir en arrière je redoublerai d'efforts pour rester avec toi et ta mère. Malheureusement je n'ai toujours été qu'un lâche. Je préférai fuir la réalité plutôt que d'être confronter à ça. C'est pour ça que ta mère m'a foutu à la porte mais maintenant j'ai changé, je t'assure que j'ai changé."

"Arrêtes un peu, on sait très bien que tout ça c'est ma faute, c'est de ma faute si toi et maman vous vous êtes séparé, personne n'a réussi a encaisser le choc après mon diagnostique."

"Alors là, je t'interdis de penser ça. On avait nos raisons à nous, rien avoir avec... avec ça."

  "Ça" c'était le nom que papa donnait à mon cancer et c'est vrai que c'était bien plus facile à prononcer comme ça, et au moins il évitait de s'étrangler à chaque fois qu'on en parlait.

"Non mais tu t'entends ? Comment est-ce que je pourrais penser le contraire, ça fait trois ans que j'ai ce fichu cancer et trois ans qu'à chaque fois qu'on en parle t'es à deux doigts de t'étrangler."

"Dyl-... Tu ne peux pas m'en vouloir pour ça, je... C'est trop difficile pour moi."

  Exactement deux mois après mon anniversaire, j'ai participé à un groupe de soutien. Les gens étaient vraiment cool, c'était sympa dans l'ensemble même si j'aimais pas trop ce genre de choses. Mais au moins ici personne ne me regardait comme si j'étais faible, comme un malade, puisqu'on l'était tous. Chacun de nous avait quelque chose de différent et ça permettait non seulement à se rendre compte qu'on était pas seul au monde, qu'il y avait parfois même pire que nous, mais aussi à chacun de parler de ses craintes aux autres. La peur de mourir par exemple, plutôt fréquente chez les adolescents de notre âge aux cellules cancéreuses. Je me suis présenté en premier, comme c'était la première fois que je venais puis les autres ont pris la suite. Ça se passait comme ça à chaque arrivée. Jusque là, je n'avais fais encore aucune rencontre particulière même si j'aimais bien parler avec Stacey et Jared de temps en temps. Stacey et Jared sortaient ensemble depuis qu'ils s'étaient rencontré un beau jour au groupe de soutien, il y a environ un an et demi. Jared avait la maladie de Hodgkin (autrement dit, le même cancer que moi, mais aucune idée de son stade) tandis que Stacey avait un cancer des poumons en phase deux. Jared et moi on sortait pas souvent ensemble jusqu'à que Stacey le quitte et parte à l'étranger avec sa famille. Elle était d'origine Anglaise et d'ailleurs ça s'entendait à son accent. Jared est en quelque sorte devenu ma deuxième béquille, oui, même si on ne se connaissait pas beaucoup.

  En Septembre, j'ai repris les entraînements de basket et j'ai voulu réintégrer l'équipe mais ça ne s'est pas exactement passé comme je l'espérais. Le coach avait appris par Madame La Principale, qui avait appris par ma mère que si j'avais été à l'hôpital c'était à cause de mon cancer et que si j'avais raté certains cours du Mercredi après-midi à seize heures c'était pour aller à un groupe de soutien pour parler de ma maladie et moi avec des ados dans le même pétrin que moi. En bref, ma mère venait de foutre mon rêve en l'air mais comment est-ce que je pouvais lui en vouloir ? C'était pas de sa faute si j'avais un cancer, elle avait l'air d'en souffrir même encore bien plus que moi. Après ça, je ne suis même plus retourné au lycée prétendant que dans mon état je n'arrivais plus rien à suivre mais en réalité je ne supportais plus le regarde des gens depuis que tout le monde savais que j'étais malade. Je n'avais absolument pas envie que les gens aient pitié de moi, je n'en avais pas besoin de leur pitié, je voulais juste qu'on me voit comme un garçon normal, co-capitaine de l'équipe de basket de son lycée. Maintenant que je savais que tout cela n'arriverait pas j'ai commencé à ouvrir les yeux concernant mon cancer et à me dire "bon sang, tout ça est réel, j'ai vraiment un cancer". Il était temps car, malgré toute la souffrance que j'avais enduré ces trois dernières années je ne m'étais toujours pas rendu compte qu'un jour viendrait où plus rien ne ressemblerait à ma vie d'avant. Ce jour venait d'arrivé, là, c'était maintenant. C'était en train d'arrivé.

WreckedOù les histoires vivent. Découvrez maintenant