Chap 21. Le second cadeau

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Deux jours plus tard.

La jour de la condamnation officielle arriva bien plus rapidement que prévu. Le baiser était passé, comme cette nuit-là. Hyacinthe n'avait pas dormi, mais elle avait continué à vivre parce que c'était ce qu'elle faisait de mieux : survivre, réfléchir et obéir.

Elle avait donc envoyé la langue de rubis d'Adam à Midas pour le prévenir qu'elle avait assassiné un haut-gradé de l'organisation de Yish'mael. Bien sûr, il s'en fichait bien, mais il était toujours mieux de prévenir et ne pas mentir. Surtout pas.

Les heures, les repas étaient passés et enfin Calypso lui avait prévenu que oui, tout l'Atelier était réuni devant l'échafaud officiel et que oui, Midas avait reçu son télégramme. Il ne manquait plus qu'elle ; les prisons devaient bien se vider à un moment donné.

Bien sûr, Diamond était venue et ne souhaitait pas la quitter d'une semelle. Ce baiser restait gravé dans ses pupilles, Hyacinthe pouvait le pressentir.

  - Vous êtes sûre de vouloir venir ?  Vous pouvez encore rester, avait-elle proposé en apercevant la fille de diamants arriver en robe noire.

  - Je viens, avait répondu Diamond.

Hyacinthe avait ravalé son désaccord et elles avaient prit avec Calypso derrière elle, deux pétales pour l'estrade.

Ce n'était qu'en arrivant sur celle-ci que l'ampleur des événements était compréhensible, pas avant. Il fallait sentir la peur. Elle était là sur le bois, elle était présente et souillait le vent, les rires du temps, le calme de l'arche.

Les vingts-six traîtres, travailleurs de Dieu, misérables âmes, étaient alignés à égale distance, à genoux sur des tabourets, lèvres, mains et pieds liés, tête abaissée. Un ordre et une position parfaite, claire et efficace.

  - Hyacinthe...? appella Diamond d'une voix inquiète.

La bras-droit se retourna vers sa fiancée, un voile devant le visage (en bonne scène théâtrale de sa famille, prête pour le deuil) et quelques désirés avec elle pour lui tenir compagnie.

  - Restez-là, à l'écart. Personne ne veut que votre jolie robe soit tâchée, n'est-ce pas ? sussurra Hyacinthe.

La fille du Pôle laissa fleurir un rictus coincé, pendant ce temps Calypso s'était abscentée. Des nouvelles ? Cela se pourrait bien.

  - Combien de temps va durer... ce labeur ? questionna Diamond.

Hyacinthe lui déposa un baise-main avant de répondre.

  - À peine quelques quinze minutes, Midas haït les longues cérémonies et aime qu'on aille droit au but.

  - Je vois...

Hyacinthe la rassura d'une caresse derrière l'oreille et s'éloigna pour vérifier que tout était en place.

Les habitants de Plombor étaient tous là, sur la plateforme légèrement inférieure à l'estrade, avec leurs chapeaux, leurs costumes de flanelle et leur regard habitué. Habitué à l'horreur, à la folie de leur juge.

En parlant de celui-ci, Midas était là, au balcon de son palais, il avait bien reçu le télégramme privé de Calypso, tout était parfait. Dans son manteau brillant de mille feux, sa peau semblait fondre de dorures et de splendeur. Il ressemblait aux statues qu'il vénérait.

Le silence, les oiseaux, le soleil, c'était une parfaite journée pour lettre fin à la vie. Pourtant... Pourtant Diamond était là et Hyacinthe doutait. Pas à cause du baiser, non, mais parce qu'elle savait que ça n'allait pas être possible, qu'elle allait changer la donne au dernier moment.

La bras-droit prit une grande inspiration et exerça son pouvoir, son autorité sous les yeux du jugement.

  - Chère population de l'Atelier, Alchimistes, vous avez ici devant vous vingt-six criminels qui osaient bafouer l'honneur de notre esprit de famille, de notre juge, mais plus maintenant ! Je suis là pour faire régner l'ordre et l'ordre règnera. Je protégerai la ville, les montagnes, les mines, les gares et l'arche entière de la corruption extérieure. Ainsi, je condamne à mort, ces prisonniers !

Hyacinthe leva sa main droite et son alliage d'or et de platine sous les rayons du monde, se changea, se convulsa comme des tentacules pour prendre l'amparence d'une immense faux qui semblait aussi tranchante que du papier à lettre.

  - Que Midas règne !

  - Gloire au juge ! Répondit la foule sans plisser les paupières.

Malgré le fait que Diamond s'était déplacée pour son travail, pour lui faire plaisir, pour encourager sa propre bravoure, Hyacinthe ne pouvait pas se permettre de la laisser regarder un tel spectacle.

Alors pendant que son bras-faux d'or brillait sous le soleil clair, les yeux d'ambre mouvants de Midas fixait l'évènement et que la foule assistait, fidèle, la bourreau allongea son bras gauche et posa sa main sur le regard de Diamond.

Elle pouvait voir le sang après, mais elle ne pouvait pas voir les têtes tomber comme des gouttes de pluie et se tracasser sur le sol dans des craquements osseux. Elle n'était pas prête.

Trop jeune, trop innocente. Ces ridicules meurtres de couloir dans son Clairdelune ne l'a préparait pas à cela et Hyacinthe ne serait pas celle qui lui ferait faire des cauchemars, du moins pas maintenant.

Oeil impassible et l'autre aveugle, Hyacinthe passa la faux à l'horizontale, l'atmosphère fut découpée, le temps s'arrêta et l'estrade fut envahis par le sang. Vermeil, dégoulinant.

Midas hocha la tête en silence et retourna dans son palais.

C'était terminé. La bras-droit retira lentement sa paume du visage de sa fiancée qui papillonna des paupières, prête à se rebeller, mais en voyant le spectacle horrifiant qui se dévoila sous ses yeux, elle manqua de chuter. Heureusement les désirés qui l'accompagnaient aujourd'hui la rattrapèrent.

Nauséeuse, Diamond observa Hyacinthe dont les bras précieux avaient repris une forme ordinaire. Son regard disait : 《vous avez... tué tout ces gens ?》 celui de sa partenaire répondait : 《oui, je vous ai prévenu.》

Hyacinthe garda une grimace agacée pour elle. Elle n'aurait jamais dû l'amener en premier lieu. Alors qu'elle s'approchait de sa fiancée de cristal, Calypso la coupa discrètement.

  - Qui a-t-il ? demanda Hyacinthe blasée.

  - J'ai un cadeau pour vous, ma Lady.

  - Je t'écoute.

La rouquine s'approcha en murmurant.

  - Nos espions ont découvert un piège dans l'aérogare Citrine à désarmorcer. Les agents et les cheminots ont besoin de vos connaissances. Nous pouvons arrêter le plan de Samuel Martin.

Hyacinthe dissimula sa colère à l'entente de cette ordure. Elle le tenait. Elle observa Diamond qui regardait les flaques pourpres tomber entre les planches de bois et dans le vide. Elle reprit alors son cœur de pierre. Pas de sentiments si elle voulait avancer.

  - Nous y allons immédiatement, elle rajouta, que Diamond rentre à la maison, que les désirés soit à ses petits soins, je reviendrai la voir bientôt. Prenons un pétale en route pour l'aérogare interfamilliale.

  - Bien, ma Lady. Immédiatement, répondit Calypso.

Hyacinthe s'efforça d'oublier ce visage perturbé. Elle n'avait pas le temps d'être faible. Vraiment pas.

LADY HYACINTHE ━゙LA PASSE-MIROIR✔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant