gagnante du concours botw2

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Après la chute du Fléau

« Link, link… »
La voix résonnait dans sa tête.
« Link, la lune de sang… »
Il tressaillit et ouvrit soudainement les yeux.
Son corps était en sueur, tendu.
Il avait gardé un mauvais souvenir de ces satanés épisodes sanglants lors de sa reconquête d’Hyrule. Souvent, il revivait lors de rêves agités ses combats contre Lynels, Stalfos et Hinox, lorsque ce n’était pas pire.
Il se passa la main sur le visage, bailla, puis tourna la tête en direction du couchage d’à côté : tout allait bien. Zelda dormait encore, son corps se soulevant légèrement au rythme de sa respiration.
Soulagé, il s’étira de tout son long et sortit du relais à la recherche d’un peu d’air frais.
« Bonjour M’sieur l’client ! Vous êtes bien matinal ! »
Assis par terre, le vendeur ambulant mâchouillait une brindille d’herbe en jouant avec un scarabée mordoré.
« Salut Terry… »
L’air du matin était frais, le ciel clair.
« J’ai de délicieux champis d’Hyrule à vous vendre ! Fraîchement cueillis c’matin ! Ca vous dit ? »
Link pensa à sa sacoche désespérement vide et acquiesca d’un hochement de tête. Leur voyage avait été long et les provisions se vidaient à vue d’œil. Il était temps de faire le plein.
« Ca f’ra 15 rubis M’sieur Link ! »
Il paya Terry, prit les quelques champignons et se dirigea vers le brasero  destiné aux voyageurs de passage. Les braises étaient encore chaudes, il n’aurait pas besoin de rallumer le feu.
Assis sur un rondin de bois, il sortit les ingrédients qui constitueraient leur petit-déjeuner : il lui restait quelques herbes d’Hyrule et deux radis max qu’il mélangea aux champignons. Ca fera l’affaire, pensa-t-il, dans quelques minutes leurs champis vapeur seraient prêts.
Le regard vague, absorbé par les flammes ravivées du feu, il repensait à la voix de Zelda dans son sommeil.
La lune de sang… Cela faisait plusieurs semaines que les nuits avaient recommencé à prendre des teintes vermeil. Pourtant, Ganon était vaincu et le pays libéré de ses forces maléfiques.
Asarim les avait prévenus lors de leur passage au village Piaf: le chant antique qu’il avait retrouvé  dans les ruines du temple oublié laissait présager que la victoire n'était pas totale .
« Aussi longtemps que reposera en Hyrule le corps du guerrier maudit,
La lune ensanglantée s’efforcera de le maintenir en vie.
Scellé dans les profondeurs de la terre par la main des esprits,
Détruire ses ossements il faudra sitôt que son avatar sera occis. »
                                                                              ***

Zelda ouvrit un œil, puis deux.
Un délicieux fumet de champignons rissolés vint lui chatouiller les narines et éveilla ses sens. Encore une belle journée qui allait commencer ! Elle se sentait d’excellente humeur ce matin. Non pas que ce n’était pas le cas les autres jours, car depuis la défaite du Fléau et la reconstruction d’Hyrule, rien ne pouvait altérer sa joie : sa foi était revenue, le pays état en paix et Link chevauchait à ses côtés pour inspecter le royaume.
Le cœur léger, elle sortit de son couchage et se passa la main dans les cheveux. Les raccourcir n’avait pas été une si mauvaise idée finalement. Sérasieh lui avait déclaré de son ton légendairement hautain lors de leur passage à Euzero : « Hm, ma mignonne,  je vais me faire un plaisir de vous débarrasser de cette tignasse. Il est temps de réveiller votre féminité ma chère ». Le salon de coiffure qu’il avait ouvert au village ne désemplissait pas, on racontait même que les guerrières Gerudo venaient depuis le désert pour s’y faire coiffer.
Le désert… Cela la ramena à des pensées moins plaisantes et son humeur s’assombrit. En fouillant le repaire abandonné des Yigas, les forces armées de Riju avaient découvert des reliques représentant une figure royale maléfique. Cela n'annonçait  rien de bon mais avaient suffit à attiser la curiosité de Zelda pour aller au bout de la quête qui s’était annoncée. 
Elle sortit du relais, déterminée. La dernière étape les attendait : trouver le tombeau du mystérieux Prince Gerudo déchu.

                                                                             ***

- Tout compte fait, mon père aurait dû solliciter tes services aux cuisines du château plutôt qu’à la garde royale !
Esquissant un sourire mutin, elle prit place à côté de Link auprès du brasero. Il lui donna un petit coup d’épaule revanchard en lui tendant son assiette.
- Bien dormi Princesse ?
- Très bien, je te remercie. Grâce au ciel les relais du royaume sont sûrs et confortables. Es-tu allé voir aux écuries si Sagesse et Epona allaient bien?
- Pas encore. J’ai donné quelques rubis au Palefrenier pour qu’il s’en occupe, elles devraient être prêtes pour notre départ.Il fit une pause.J'ai eu d'autres visions cette nuit, la lune va encore rougir. Il va falloir faire vite.
Elle acquiesca de la tête, inquiète. Cela faisait quelques mois qu’ils sillonaient Hyrule maintenant, et les découvertes  préoccupantes s’accumulaient.
Pensive, Zelda observa les feuilles rougeoyantes d’automne se balancer au bout des branches des arbres de la vallée et se sentit soudainement comme elles : fragile, impuissante. Elle termina son petit-déjeuner, puis trancha :

- Mettons nous en route et ne tardons plus. Yunobo doit nous attendre.

                                                                      ***

Ils avaient quitté le relais de la rivière, s'engageant sur la plaine d'Hyrule. Ils chevauchaient désormais côte à côte, traversant les ruines du ranch. Zelda s’étonnait encore de voir à quel point son pays avait été dévasté par la guerre, et sentait son cœur se serrer dans sa poitrine. Son sommeil avait été si long. Mais il y avait encore de l’espoir : une équipe d’ouvriers s’affairait à terminer les travaux de rénovation du ranch. Une rumeur disait même qu’un fermier viendrait prochainement s’y installer, pour y assurer une exploitation de vaches laitières.

- Tout va bien… ? S’enquit Link.
Elle reprit ses esprits. Ce n’était pas vraiment le moment de montrer ses inquiétudes à son compagnon de route. Il fallait se montrer forte, en tant qu’héritière du Royaume.
- Oui, ça va. Je suis simplement reconnaissante envers les déesses qu’Hyrule se reconstruise après tout ce temps. As-tu entendu parler de la famille qui s’installera ici ?
- Un fermier et sa fille, d’après ce que j’ai entendu. Des villageois d’Elimith !
- Louée soit Hylia. La vie finira par revenir sur ces terres. Allons ! L’entrée des ruines n’est plus très loin.

Elle partit au petit trot, devançant Link qui avait du mal à faire avancer sa monture. Epona semblait prendre plaisir à fouler le sol qu’ils traversaient, comme happée par une douce mélancolie.

- Hyah ! Il lui mit un petit coup de talon.
La jument accéléra pour partir progressivement en galop. La vue du château se rapprochait.


                                                               ***

- Houhouuuu ! Princesse ! Link ! Par ici !

Assis sur un rocher de l'ancienne carrière, Yunobo les attendait, accompagné des Frères de Fer,  Bagodet, Exkah et Mécahn, pioches à la main.
Les voyageurs descendirent de leurs montures, les laissant paître paisiblement entre les arbres.
- Nous avons trouvé l’entrée, les informa le jeune Goron, mais ça n’a pas été facile. Les ruines ont l’air très profondes.
        Tandis que Link gratifia son ami d’une accolade, Zelda observa Yunobo en s’inclinant       poliment. Il lui rappelait vivement Daruk.
La façon dont elle avait  dévisagé le jeune Goron n'avait pas échappé à Link, qui ne la connaissait que trop bien : l'ombre sur son visage trahissait le mélancolie de l'absence de ses amis. Les prodiges d'Hyrule lui manquaient, à lui  aussi.  Daruk, Urbosa, Revali, Mipha... Mipha. Son corps se raidit sous l'émotion. Maintenant qu'il avait recouvré la totalité de sa mémoire, ses sentiments  étaient plus difficiles à gérer concernant son passé. Rester une poupée de chiffon insensible lui aurait bien convenu, finalement. Mais à quel prix ? Errer ainsi en Hyrule sans savoir qui il était, ni d'ou il venait... ? Tout ce dont il se souvenait était cette rage de vivre, de vaincre, qui l'avait animé tout au long de son parcours jusqu'à sa destination finale : Ganon.
Ilétait perdu dans ses souvenirs lorsque Yunobo lui administrait une petite tape sur l'épaule :
– C'est l'heure d'y aller, Link !
Les Frères  de Fer déposèrent un énorme baril de poudre explosive devant l'entrée des ruines, denrée précieuse transmise depuis des générations dans les familles Gorons, avaient-ils dit.
– Tous aux abris !
D'un coup de silex, ils enflammèrent la mèche reliée au tonneau,  tandis que Link, Zelda et Yunobo se jetèrent dans les broussailles.
Une énorme détonation retentit, faisant s'ébranler le sol sous leur pied. Ecureuils, oiseaux , sangliers  et cerfs avaient quitté les bois  en un troupeau bondissant des feuillages .
Link leva prudemment la tête, faisant signe du bras  à Zelda de rester a terre pour le moment : dans un nuage de fumée qui tendait à se dissiper, l'entrée se dévoila. Il ne s'agissait finalement que d'un escalier descendant dans la pénombre, parsemé de toiles d'araignées .
  Le petit groupe s'extirpa des fourrés, s'approchant des ruines désormais accessibles.
Une découverte majeure venait de se produire,  et pour rien au monde Zelda n'aurait manqué ça.
- Eh bien, je crois qu'il est temps de découvrir ce que les entrailles d'Hyrule ont à nous dire, déclara la princesse. Link, libère les chevaux s'il te plaît. Ils retrouveront aisément leur chemin.
Le jeune homme s'éxécuta, puis, après  avoir distribué à chacune des juments une carotte tempo, leur murmura a l'oreille une phrase inaudible.  Les montures  partirent à vive allure vers l'est, comme si elles connaissaient leur chemin.
Soudain, dans un fracas de battements d'ailes provoquant un tourbillon de feuillages emportés par les vents, un oiseau aux plumage immaculé se posa lourdement au sol.
– Teba ! S'exclama Link.
– Lui-même, confirma le Piaf en s'ébrouant les ailes. Asarim m'a chargé de vous apporter ceci, on dirait que j'arrive juste a temps... dit-il en déposant un lourd paquet au sol. Gâteau aux graines et filets de saumon max... ! Cela devrait vous permettre de tenir quelques jours.
Link remercia son ami d'une accolade, tandis que Zelda s'inclinait.
– Merci Teba. Remercie Dézelle et Babil pour moi. Puisse nos chemins se recroiser lorsque nous serons sortis de là !
– Ahah ! Je t'attendrais à la zone d'exercice en vol ! Bonne route mon ami !
En un gigantesque coup d'ailes, l'oiseau s'éleva dans les air et disparu vers l'horizon.
Les Gorons leur remis leur dernier équipement : petit bois et matériel de campement. Les mineurs de la région d'Ordinn savaient y faire, leur arrivant souvent de devoir rester des jours entiers camper devant les exploitations de minerai.
Link s'équipa de l'imposant paquetage, et adressa un hochement de tête à la princesse : ils étaient prêts.
Ils firent leurs adieux à leurs amis Gorons, puis s'engouffrèrent dans les entrailles de la terre.

                                                                        ***

Depuis combien de temps cheminaient-ils dans l'obscurité.. ?
Cela leur semblait des heures que les souterrains s'enchaînaient, aboutissant parfois sur de grandes salles pareilles a des halls de cathédrale, la roche ayant été sculptée délicatement  par le travail du temps. Parfois, ils se laissaient surprendre par l'envol effaré d'une chauve souris, effrayée par la faible lumière de leurs batons mojo enflammés, que les korogu leur avaient confiés lors de leur passage aux bois perdus.
– La terre possède des secrets immémoriaux que nul mortel ne saurait résoudre, leur avait dit le vénérable arbre mojo.
En effet... les murs des souterrains paraissaient avoir résisté aux épreuves des siècles écoulés.
– Link, regarde !  Zelda avait éclairé une portion de mur à la lueur de sa torche, laissant apparaître des illustrations antiques : un homme, aux allures de guerrier, chevauchait un destrier, l'air menaçant.
– Tu as vu ses ornements... ? Lui répondit son compagnon de route en prenant un cliché à l'aide de sa tablette sheikah, On dirait des parures Gerudo...
– Le prince maudit dont nous a parlé Riju tu crois... ?
Un vagissement des plus improbables les fit sursauter de stupeur. Echangeant un rapide coup d'oeil, le cœur battant, ils s'avancèrent prudemment en s'engouffrant dans un nouveau corridor de pierre, débouchant sur une nouvelle salle, immense : devant eux, s'étendaient les ruines d'un village d'une autre civilisation. Les murs des habitations tenaient encore debout, défiant l'impossible.  L'architecture impressionnante des édifices, intacte, témoignait de la grandeur du savoir faire des hommes qui avaient travaillé la pierre.  Au milieu de la place, courait un mince ruisseau à l'eau claire : aucun doute que la vie, bravant les siècles, s'était adaptée à son environnement. L'air ambiant était moins humide que dans les salles précédentes, et quelques très faibles rayons de lumière transparaissaient des centaines de  mètres plus haut.  Peut-être qu'en zizgaguant dans les souterrains, étaient-ils remontés de quelques mètres en dessous du niveau du sol.  Puis, il le virent : broutant paisiblement quelques touffes d'herbe qui avaient survécu là, une énorme masse grise s'apparentant à une quelconque éspèce bovine ruminait sans broncher. Link et Zelda n'en croyaient pas leurs yeux.
– Comment... comment est-ce possible ? Balbutia la princesse, s'approchant doucement de la bête.
Par réflexe, Link porta la main au pommeau de son épée. L'animal lui rappelait un buffle des marais, de la région d'Akkala, mais en bien, bien plus gros. D'autres personnes se seraient-elles aventurées dans cet endroit ?
– C'est comme si... comme si la vie avait continué ici durant des siècles, comme si rien n'avait changé, continua Zelda. D'après la carte des ruisseaux souterrains que nous a confié Sidon, si je ne me trompe pas nous devrions nous trouver sous les ruines de la place centrale.
Confiante, elle tendit la main vers le museau du bovin, puis en un mouvement de recul, retint son geste : la bête n'avait pas d'yeux.

                                                                        ****

Ils avaient établit leur campement, fouillant les ruines alentours à la recherche de reliques. Finalement, ils s'en étaient tirés avec quelques champignons, de quoi renflouer les provisions, et des jarres remplies d'eau du ruisseau. Le chargement se faisant lourd, leur paquetage était désormais amarré sur le dos du buffle des profondeurs. Link avait réussi à amadouer l'étrange bestiau, qui s'était montré plus docile que prévu : à croire qu'il n'avait jamais vu d'Hylien. 
Lentement, ils se remirent en route, traversant durant des heures les vestiges qui se succèdaient : tantôt un pont les menant à un étage supérieur, lui-même débouchant sur un belvédère, lui même menant encore à des escaliers les conduisant à...
Une gigantesque salle royale. Et c'est à cet endroit même qu'il leur  apparut.
Inerte, stoppé dans son élan, le corps renversé en arrière.
Une longue chevelure rousse témoignant de ses origines. Des ornements.
Un joyaux scintillait sur son front, comme animé par une magie inépuisable.
Dans un réflexe nerveux, Zelda saisit la main de Link.
Des fluides rougeoyants s'échappaient du corps, semblables à l'énergie maléfique qui animait Ganon lorsqu'il s'était emparé du château d'Hyrule. Il y en avait partout, inondant la pièce entière, se répandant tel un gaz mortel, à la recherche de la moindre petite âme dont il pourrait se saisir. Le sol se mit a trembler légèrement, puis la secousse se fit plus intense.
La lune devait être rouge dehors, il était en train de se réveiller. C'était trop tard.
Ils eurent le temps de discerner, comme mue par une puissance qui leur était inconnue, une main spectrale qui maintenait immobile le corps du supposé défunt.
Puis un nouveau tremblement, le sol craqua, la terre s'ouvrit.
La pierre s'élargit, béante, dans une dernière volonté de les engouffrer dans les ténèbres. Zelda trébucha, se retenant à la main de Link, qui lui même, perdant l'équilibre, balança en arrière et chavira dans les profondeurs.
La dernière image qu'il vit fut le visage de la Princesse, apeurée, qui dans un cri, la main tendue vers lui, l'appelait comme pour le ramener à la surface.
Dans sa chute, il se cogna la tête contre la roche, et plus rien.
Le noir total.
Le destin était en train de réecrire les lignes de l'histoire, inlassablement : celle de la Légende de Zelda .


                                      

                                                                     FIN

Histoire écrite par Ptikatz

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⏰ Dernière mise à jour : Oct 23, 2019 ⏰

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