Le Royaume Perdu

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Chapitre 1 : Le départ  {Parie 1}


La prêtresse avançait sans hésiter jusqu'au centre de ce qui avait été la salle du trône encore quelques heures auparavant. Le château n'était plus que ruines fumantes et désolation. Le combat avait été fulgurant. Les gardes n'avaient eu aucune chance face à la déferlante de créatures monstrueuses aux griffes et aux crocs acérés. La tête haute, le dos droit, la femme fendait la foule des créatures aussi noires que la nuit, sans poser un seul regard sur les yeux rouges qui la fixaient avec une soif de sang impossible à étancher. Elle faisait de son mieux pour ignorer le cliquetis des griffes sur le sol de pierre, leurs respirations lourdes ou le sang qui maculait leur peau d'écailles. Elle restait fière malgré sa robe blanche déchirée et ses multiples blessures. Ses cheveux blonds lui conféraient une aura dorée, à moins que ce ne soit le pouvoir qu'elle possédait.

Elle arriva devant le trône ou ce qui en restait. Au pied gisait le roi, son père, et elle crut un instant qu'elle allait défaillir en voyant son corps désarticulé et la blessure béante qui l'avait tué. On lui avait arraché le cœur, creusant dans sa cage thoracique pour l'extraire. L'odeur était insoutenable, pire encore que celle que dégageaient les créatures démoniaques. Elle préféra relever les yeux pour regarder le responsable de ce massacre et de la destruction du château d'Hyrule. Il avait dû être un homme autrefois. Aujourd'hui, il tenait plus du démon. Ses cheveux roux l'auréolaient de feu. Le nez busqué, les crocs saillants, il était immense et il riait. Encore et encore. Tout en tenant le cœur du roi dans sa main griffue. Il se moquait des vies qu'il venait d'effacer et de la prêtresse qui se tenait devant lui, mais elle n'avait pas dit son dernier mot. Le château et Hyrule étaient peut-être perdus, mais elle pouvait encore empêcher Ganon de répandre la terreur plus loin. Elle pouvait encore sauver les survivants qui fuyaient. Elle pouvait encore sauver les enfants. Elle leva les bras au-dessus de sa tête et une lumière vive éclaira les lieux, faisant reculer les monstres en feulant. Ganon hurla de rage. Il leva sa gigantesque épée à la lame noire et...

*** Link se réveilla en sursaut et en sueur. Il mit quelques secondes à réaliser que la prêtresse, les monstres et tout le reste n'avaient été qu'un cauchemar. Il se passa la main sur le visage et sortit de son lit. Ce n'était pas le premier rêve de ce genre depuis quelques semaines, mais celui-ci avait été plus complet, plus réel que tous les autres, et il lui laissait une curieuse boule au ventre, une angoisse comme jamais il n'en avait connu. Il se rendit à la fenêtre de sa chambre. On était encore en plein milieu de la nuit. Le village était endormi et la lune brillait dans un ciel sans nuage au-dessus de la mer. Une nuit comme les autres sur l'Île du Levant. Link se décida à sortir prendre l'air. A l'intérieur, il avait l'impression d'étouffer et il ne voulait pas réveiller ses parents. Dehors, l'air était frais et il se sentit mieux. Le cauchemar s'éloignait, les images terrifiantes se délitaient et bientôt, il n'en aurait quasiment aucun souvenir. Il resta ainsi un long moment, s'efforçant de penser plutôt au travail qui l'attendait à la forge familiale après le petit-déjeuner.

Il se leva du banc en baillant, prêt à retourner se coucher, quand son regard fut attiré par une lueur inhabituelle. Il plissa les yeux pour être sûr de ne pas rêver à nouveau, mais il distinguait très nettement une petite flamme bleue perchée sur le muret de pierres du champ voisin. Intrigué, Link avança vers elle. Quand il arriva à proximité, il n'en crut pas ses yeux : la flamme avait une forme humanoïde, avec des jambes courtes, de grands bras et une tête toute ronde dans laquelle deux tâches sombres faisaient office d'yeux. Quand il pencha la tête sur le côté, la flamme fit de même. Il essaya de lever le bras et elle l'imita. Link n'avait jamais rien vu de pareil et aucune des histoires que les anciens du village leur contaient ne parlait d'une telle chose. Il la trouvait très jolie et, à dire vrai, très mignonne alors qu'elle s'était mise à tourner sur elle-même en exprimant un petit son semblable à un bruit de clochette très doux mêlé à un couinement léger. Link approcha la main très lentement pour la frôler. Si le corps de la créature était fait de flammes, il n'était pas brûlant au point de se blesser. C'était plutôt une chaleur rassurante, un peu comme celle du feu d'une cheminée ou d'une bougie.

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