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Le repas se déroula à merveille. Amber me couvrit et changea de sujet dès qu'il ne déviait un peu trop sur moi et Théo prenait la relève de temps en temps, pour que cela ne paraisse pas trop suspect. Mais ils durent être à court d'idées au dessert, lorsque mon père me demanda comment allaient les préparatifs du mariage.

    - Ça va.

C'était trop simple. Beaucoup trop simple. D'ordinaire, je me serais épanchée dans des détails insignifiants. Je devais en rajouter une couche.

    - Je suis un peu fatiguée mais tout est presque bouclé. Il ne reste que les fleurs à réserver et Thalia et moi devons passées chercher nos robes à la boutique. Elles seront prêtes demain, normalement.

Mon père sembla se détendre d'un coup et m'afficha son plus beau sourire.

    - Je commençais à être inquiet de voir tes valises ici. Mais c'est pour les robes. Je suis rassuré.

C'est moi qui me tendis immédiatement. S'il savait...

    - J'étais en train d'imaginer tout et n'importe quoi ! plaisanta t-il en avalant une bouchée de son dessert.

En voyant ma mine déconfite, Amber rit avec mon père et lui proposa une nouvelle part de gâteau. Théo, lui, ne me quittait pas des yeux.

{...}

    - Allez, dis-moi ce qu'il se passe.
    - Ce n'est rien. Juste une petite dispute, Théo. Tu peux retourner dans le salon, papa va se demander ce qu'on fabrique.
    - Est-ce que tu as vu ta tête ? Qu'est-ce qu'il a fait ?
    - Rien. Tout va bien.

Il s'assit sur le bord du lit d'Amber, à mes côtés et soupira.

    - Est-ce que vous allez annuler le mariage ?

Je mis bien trop de temps à trouver une réponse satisfaisante et ça lui suffit à comprendre l'ampleur de la situation.

    - Tu sais que si vous voulez prendre un peu de temps pour réfléchir et reporter tout ça, personne ne t'en voudra.

Je n'étais plus étonnée de la maturité de mon frère ni de ses paroles réconfortantes. Je lui souris.

    - Je sais. Mais Austin et moi...

Je peinais à finir ma phrase.

    - Austin et toi c'est pour toujours. Vous pourrez vous disputer, vous séparer autant que vous le voudrez, vous vous retrouverez toujours. Alors si vous annulez le mariage, on attendra dix ans de plus pour fêter ça. Comme ça, non seulement j'aurais le droit de boire avec vous, mais en plus peut-être que je serai tonton !

D'habitude, ce genre de phrase dans sa bouche me faisait sourire et me redonnait de l'espoir quant au bébé. Aujourd'hui, elle me fit fondre en larmes.

    - Quoi ? Quoi ? Qu'est-ce que j'ai dis ? Je suis désolé !

Théo paniquait. Il me serra contre lui dans ses tout petit bras tandis que je m'effondrais.

    - Rien, ce n'est pas toi. Ne t'en fais pas.

Je tentai de me reprendre, de récupérer un peu de souffle et de dignité au passage.

    - Qu'est-ce que je ferai sans toi ?
    - Probablement rien. Mais bon, là, tu ne fais pas grand chose non plus...

Ce fut le déclic suffisant. Je me redressai, les yeux brillants.

    - Tu as raison. Il faut que j'aille le voir.

Mon frère retrouva son sourire, tout fier d'avoir réussi à me convaincre.

    - Vas-y. File. J'expliquerai à Amber et je te couvre pour papa. Je t'aime, hein.

Je lui déposai un gigantesque baiser sur la joue et enfilai mon manteau sans même chercher à vérifier ma tête. Mon frère quitta la chambre rapidement. Je pris mon sac à main et vérifiai que mes clés de la maison étaient toujours bien dedans et, alors que j'allais quitter la pièce en douce, mon frère réapparut dans la chambre.

    - Tiens. Amber te file sa voiture. Elle a emmené papa dans l cuisine, dépêche-toi.
    - Qu'est-ce que tu vas lui dire ? demandai-je en saisissant les clés qu'il me tendait.
    - Que tu es couchée. Que tu es épuisée par les préparatifs du mariage. Ne t'en fais pas pour ça.

Je hochai la tête et le remerciai une nouvelle fois pour tout. Puis je le suivis, mes escarpins à la main, à travers l'appartement de ma meilleure amie. Théo ouvrit doucement la porte pour moi et je me faufilai à l'extérieur en lui envoyant un baiser de la main. Ce n'est qu'une fois sur le palier que je remis mes chaussures. Je descendis à toute vitesse les escaliers. J'avais besoin de le voir, tout de suite, maintenant. J'avais besoin qu'il me dise ce que mon frère m'avait dit tout à l'heure, que lui et moi c'était pour toujours et que personne ne pourrait se mettre entre nous. Pas même une conne et un enfant perdu.
Je pris la route rapidement et fonçai jusqu'à chez moi, le coeur battant, impatiente.

Je me garai en faisant le moins de bruit possible, soucieuse d'attirer son attention.
Je passai doucement les clés dans la serrure, ne sachant pas s'il dormait déjà ou pas. En pénétrant dans la maison, j'aperçus la lumière du salon allumée. Il était toujours réveillé. Ce n'est qu'en m'approchant un peu plus que je le découvris, assis sur le canapé, dans le silence, la tête baissée sur un verre de vin rouge dans ses mains qu'il fixait, perdu dans ses pensées.

Soudainement, je ne savais plus quoi faire. Devais-je avancer ? Devais-lui parler ? L'embrasser ? Lui dire à quel point je l'aimais ? Être en colère contre lui ? Lui poser des questions ? Parler d'Aiden ? D'Alyssa ? D'une quelconque décision qu'il aurait pu prendre en mon absence. J'étais dépasse par les événements. Et je n'eus finalement besoin de faire aucune de toutes ces choses puisqu'il leva les yeux vers moi lorsque je fis craquer le parquet.

Amber ne m'avait pas menti. Il était dans le même état que moi. Il posa son verre sur la petite table du salon et se leva brusquement, les yeux embués. Il ouvrit la bouche une ou deux fois, en me regardant, mais la referma à chaque fois. Il semblait aussi perdu que moi sur ce qu'il devait dire ou faire. Il finit par faire un pas en avant et, toujours avec ce même regard triste et incertain, il me murmura la plus belle des choses qu'il pouvait me dire.

    - Je t'aime.

Il ne m'en fallut pas plus pour lâcher mon sac à main sur le sol et me précipiter dans ses bras, en larmes.

Cap ou Pas Cap ? 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant