En Pointillé by Hamelina

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En pointillé…

Ça a commencé par une dispute. Ça commence toujours par une dispute en définitive.

Il était tellement injuste ce soir, tellement odieux comme lui seul sait l'être. J'ai claqué la porte en lui hurlant d'aller se faire voir et je suis parti, persuadé que je ne reviendrai jamais…

La boule qui m'obstrue la gorge est sur le point d'exploser mais je ne pleurerai pas. Je ne pleure jamais de toute manière. La guerre m'a endurci, a caparaçonnée mon affectif, je bride mes émotions comme personne et ne m'autorise jamais à craquer de quelque façon que ce soit. Ça fait des mois que c'est difficile entre nous, de disputes en provocations, de non dits en reproches larvés. Nous vivons en pointillé, un peu chez nous, un peu chez des amis, plus très souvent ensemble, se supporter mutuellement nous apporte plus de douleur que de réconfort.

J'ai l'impression que nous avons atteint un point de non-retour. Que nous est- il arrivé ?

La colère m'étouffe. Je sais pourtant qu'elle est une mauvaise conseillère…Ce soir j'ai décidé d'oublié cette situation intenable, le manque de ses bras autours de moi, de sa langue sur ma peau, de son souffle dans mon cou, de son corps dans le mien…

Je transplane dans le centre de Londres, la nuit noire sied à merveille à mon humeur sombre. J'arrive dans une ruelle plutôt glauque, un club très fermé s'y trouve, il m'a toujours attiré mais Dray m'en interdisait l'entrée, allez savoir pourquoi.

Apres un bref moment d'hésitation je frappe fermement à la porte, un judas s'ouvre sur un regard sombre qui me jauge un instant sans qu'un mot ne soit prononcé, puis le cliquetis d'un verrou que l'on ouvre résonne dans l'impasse. Je pénètre dans l'antre sans trop savoir pourquoi je suis là. L'homme, un impressionnant métis qui doit avoir deux têtes de plus que moi me désigne un petit escalier en colimaçon qui s'enfonce dans la profondeur des sous-sols. Je l'emprunte crânement me demandant ce que je vais trouver en bas.

L'enfer sans doute…j'espère…

Au terme de ma descente j'arrive devant une porte de bois massif semblant dater de trois siècles au moins. Je la pousse et pénètre dans l'endroit le plus improbable qu'il m'ait été donné de voir. Une enfilade de caves semble-t-il, basses de plafond, les murs chaulés, nus, un sol de terre battue recouvert de tapis précieux, des éclairages indirects, tamisés, dont je ne découvre pas la provenance et un bar gigantesque dans le fond.

Trois personnes s'y attardent, semblant se morfondre devant leur verre. Je m'y dirige d'un pas volontairement assuré, contournant les petites tables basses flanquées de fauteuils club avachis. Je grimpe sur un tabouret haut et devant le regard interrogatif du serveur je commande un 'Black Spirit' la seule boisson que j'affectionne lorsque je me suis violemment disputé avec lui.

J'en suis au quatrième verre, la pièce a commencé à tanguer bizarrement mais je me sens mieux, légèrement engourdi, j'en commande un autre sous l'œil indifférent de l'être blafard qui me sert. Lorsque la boisson atterrit devant moi, je n'ai pas le temps de la saisir qu'une main la soustrait à mes yeux.

- Hé ! ça ne va pas non…

Je me retourne furibond, ça n'est pas le moment de m'emmerder, même si mon esprit brumeux ne se souvient pas bien pourquoi je suis là … Je crois que c'est la vue de ses cheveux blonds qui me stoppe dans la diatribe que je m'apprêtais à lui servir.

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