Son ange est enfin dans ses bras, là, tangible. Il sent son cœur gonfler irrésistiblement d'une joie immense. L'odeur de la librairie, poussière et eau de Cologne, ravit tout son être.
Il se fige. Quelque chose cloche... Il se concentre tout entier sur celui entre ses bras. Il a l'impression que la chaleur de ce dernier grimpe de seconde en seconde.
"Mon ange ?"
Pas de réponse. Il remarque alors d'autres détails qui lui ont échappé jusqu'alors. Il peut l'entendre respirer assez fort, comme à la suite d'un effort intense. Son pouls est rapide. Beaucoup trop rapide. Il sent presque son cœur dans le bout de ses doigts.
Il se détache rapidement de l'autre pour lui faire face. Son regard est hagard. Ses yeux bleus, perdu dans le vague. Sa peau luit presque et il est rougit par endroits.
"Aziraphel ?"
L'interpelle Crowley en changeant de ton et en ponctuant le tout de quelques claquements de doigts très proches de son visage pour tenter de capter son attention.
Le-dit Aziraphel sursaute alors après un moment de latence terrible.
Il frissonne. Tourne lentement la tête. Croise le regard du roux. Arrête de respirer. Écarquille ses yeux déjà grands ouverts. Titube en arrière, désorienté. Panique alors qu'il recule, toujours plus. Perds presque l'équilibre. Glapit. Déploie ses ailes. Les regarde, effaré, comme si il n'était pas à l'initiative de ce geste. Considère avec effroi leur taille disproportionnée face à la librairie si frêle. Semble incapable d'y remédier. Se mord la langue avec ferveur. Se concentre pour se ressaisir, sans succès. Réussis à tenir debout après plusieurs tentative. Constate les dégâts d'un air désolé. Frissonne. Agrippe sa propre chemise comme un fou sa camisole. Inspire lourdement. Expire avec la vivacité du mourant. Ferme ses yeux azurs. Ne bouge pas d'un millimètre. Semble par son attitude contaminer l'air ambiant.
Il fait soudain lourd dans la pièce. Crowley le considère avec peur. Pas pour lui. Mais pour son ange. Pourquoi tout se passe si mal ? Il a le sentiment de faire parti d'un vicieux cercle infernal comparable à des montagnes russes pour son cœur déchu.
Plus rien ne bouge. Ils ne respirent plus. Puis Aziraphel inspire, une unique fois, et tout se passe très vite.Il rouvre les yeux, pupilles dilatées à l'extrême à l'instar d'un félin sur le point d'attaquer. Ses ailes le propulse au travers de la pièce. Son corps entre en contact avec la cible, s'écrase contre lui.
Trois dixièmes de secondes plus tard, il l'embrasse.
Le roux, sous l'impact, tombe lourdement sur le sol dans un gémissement de douleur. Le blond, brûlant, l'y suit instinctivement et, en prenant son visage en coupe des deux mains, poursuit l'assaut en mordant la lèvre inférieur de l'autre. Ce dernier grogne à ce geste.
Il a totalement arrêté de réfléchir à l'instant où le blond a posé ses lèvres charnues sur les siennes.
Il pourrait être en train de se poser un petit milliard de questions dont la première serait : MAIS BON DIEU QU'EST-CE QU'IL VIENT DE SE PASSER BORDEL ? Et la deuxième : Aziraphel va... bien au moins ?
Mais elles furent balayées en un instant par la sensation de bien-être et d'empressement qui s'emparent de lui. Toutes ces questions, à caractère capital, furent remplacées par d'autres qui lui parurent bien plus capitale à cette seconde, et, après deux secondes durant lesquelles il est parfaitement hébété, lorsque ses pensées reprennent au galop, elles sont plus de la gamme : Qui aurait cru que les anges avaient des lèvres si douces ? Ou encore : Je serais prêt à encore attendre 6 000 ans pour que ça se reproduise. Que : EST-CE QU'ON PEUT TOUT ARRÊTER LE TEMPS QUE JE M'ASSURE DE DEUX TROIS TRUCS ? Et cela se comprend.
Alors... peut-on lui en vouloir ? Il est bêtement envoûté par ce qu'il a ardemment désiré -il l'admet sans honte- depuis le Commencement. C'est chose faite, il embrasse Aziraphel, il est entouré par lui, par ce qu'il représente, et n'arrêterait cet instant pour rien au monde.
Le baiser, d'abord avide, se mue vite en un balais plus lent, et d'autant plus sensuel. L'ange, qui paraît affamé et agité dans un premier temps, se transforme au fil du temps en un mélange duveteux dégoulinant d'affection et de passion bien plus tendre envers son vis-à-vis. Un changement qui fait fondre son démon au plus haut point.
Ce dernier, d'abord plutôt passif dans l'échange, se redresse sur un coude pour approfondir le baiser. L'ange gémit, ce qui accentue le sourire du roux. Il entreprend de passer son autre main dans les cheveux courts de son ange... Et se stoppe précipitamment, un flot de souvenirs d'une douleur accentuée par leur fraîcheur polluant son esprit. Il retire à la hâte sa main. Aziraphel recule légèrement, ayant compris rapidement la situation.
De la pulpe du pouce, il caresse les joues de son amant, haletant doucement. Crowley ouvrit alors les yeux avec appréhension, soucieux de ce qu'il pourrait découvrir. Ses prunelles tombent sur son ange, quelque peu essoufflé, les joues rougies lui donnant un air adorable -et des lèvres dans le même état qui font de lui une égérie de la luxure- qui lui sourit timidement. A sa vue, son corps drapé sur le sien, il sent le sang affluer dans ses pommettes coupées à la serpe.
Dire qu'il est intimidé est tout ce qu'il y a de plus juste. Et, alors qu'il est un peu perdu, désorienté, déboussolé même, le sourire de l'ange se fait plus franc. Ce dernier attrape sa main noueuse suspendue au côté de sa tête, et, d'un air amusé, la replace calmement dans ses cheveux.
Le roux tressaille et tente de capter l'œil azur, en quête de la quelconque once de peine, de tourment... de gêne ?
Mais il n'y trouve qu'aise et confort. Alors, doucement, il meut avec hésitation ses doigts dans les boucles soyeuses. L'autre plisse les yeux en ronronnant presque de contentement.
Il cligne des yeux plusieurs fois, stupéfait. Il... s'est trompé depuis le début ? Il n'a rien à voir dans l'embardée deux jours plus tôt ? Cela avait été une... coïncidence hasardeuse ? Il a du mal à y croire, mais ne réprime pas la vague de soulagement qui le saisit.
Il reste néanmoins indécis, et l'ange le sent immédiatement. Le blond sait maintenant que ses doutes étaient futiles, et qu'il se doit de rassurer son compagnon. Il décide de prendre la parole :
"C-Crowley je..." sa voix est éraillée. Il se racle la gorge.
"Je suis... désolé je... ne voulais pas-
- Ne t'excuse pas mon ange. Pourquoi tu devrais être désolé ? Tu... regrettes ?
- Pas du tout ! Au contraire si tu savais... (il rougit un peu plus.) C'est que... j'aurais dû tout te dire dès le départ et...
- A quel propos ? Mon ange, sache que je ne t'en voudrais jamais d'être allé à ton rythme-
- Non ! Le problème c'est que ce n'était pas... mon rythme. "
Le silence tombe. Crowley s'est redressé, et attends, patiemment, des explications -il peut bien attendre un peu plus après tout-, si l'ange daigne lui en fournir une. C'est vrai qu'il se questionne sur ce qu'il s'est passé plus tôt. D'un autre côté, le blond est là et ne semble pas différent de habitude ?
Alors qu'est-ce qu'il faut en tirer ?
Aziraphel, juché sur ses genoux, hésite, cherche ses mots. Il ne sait pas comment formuler ce qui l'a rongé pendant si longtemps.
Le roux pose ses lèvres sur son front dans un baiser si rassurant qu'il a juste envie de le serrer dans ses bras. Il soupire.
"Tu sais mon ange, je ne te forcerai jamais à rien, et si tu ne te sens... pas prêt, je peux attendre, ne t'en fais pas."
Il lui sourit, et Aziraphel se dit qu'il ne mérite pas pareil démiurge. Néanmoins, sa décision est prise. Il embrasse brièvement son amant, décidément accro. Le roux, pivoine, rit faiblement :
"Je vais pas tenir le coup longtemps si tu joue avec mes nerfs...
- Désolé, mon cher, c'est plus fort que moi, élude-t-il d'un sourire. Et, justement, c'est à ce propos qu'il faut que je te parle..."
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Laisse-moi t'aimer [Good Omens]
FanfictionAziraphel a longtemps gardé pour lui un secret inavouable de par son statut d'ange... Il va être contraint de se remettre en question par la force des choses. Normalement un 4 shot :) (Du moins je croyais mais en fait une 6eme partie va être nécess...