Jasper

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Un mois plus tôt... Lundi 1er Avril

L'air était glacial. Le paysage, que je voyais défiler à toute allure au-delà des vitres de la voiture, n'était fait que d'arbres à perte de vue. La forêt de Stanwood était si dense qu'une fois à l'intérieur il était presque impossible d'en ressortir indemne. Cette forêt dans laquelle j'avais pourtant passé toute mon enfance... Celle qui entourait la ville dans laquelle j'ai toujours vécu : Chesterfield.

J'avais la musique à fond dans mes écouteurs au moment où la porte du vanne s'ouvrait, me libérant ainsi. « Something To Die For », la voici la musique que j'écoutais en boucle depuis deux jours, elle me détendait étrangement. Au moment où je sortais de la voiture, je sentais une brise de vent frais venir me caresser le visage, faire rougir mes joues et virevolter les quelques mèches de cheveux qui dépassaient de mon bonnet en laine tombant gris. Cette journée d'avril fut bizarrement glaciale. Le ciel était recouvert par de sinistres nuages noirs ce qui rendait le sommet de toutes ces collines, qui peuplaient la ville, perdu dans les cieux.

Toujours bercé par la musique, je fourrais mon téléphone dans la poche arrière de mon jean, et me diriger d'un pas lent en direction de mon lycée Morrison. En traversant alors la grande route qui me séparait de l'école une voiture me klaxonnait... Ma première et unique réaction fut celle de lui faire un doigt d'honneur avant de poursuivre mon chemin. Je marchais tout en dévisageant d'un oeil aveugle mes chaussures : des boots noires.

En arrivant enfin au niveau du grand portail en fer forgé, je me retrouvais perdu au beau milieu de cette foule d'autres élèves qui attendaient la sonnerie marquant le début de la journée. Pour ma part je préférais regagner au plus vite mon casier et me réfugier dans la salle de classe de Madame Lloyd pour attendre le premier cours de la matinée.

Je continuais de marcher en ignorant tous ces regards qui se posaient sur moi lors de mon passage. Je revivais cette journée comme toutes les autres, toujours les mêmes personnes indésirables, les mêmes conversations qui n'avaient nul sens et par dessus tout, les jours qui se suivaient en me laissant l'atroce sensation que je passais à côté de tout. Allais-je cesser de regarder chaque soir le soleil se coucher en espérant qu'à l'instant où il se lèverait tout aurait changé ? J'en doutais fort... Mais l'espoir fait vivre.

Ce gigantesque bâtiment à la façade rougeâtre et à la baie-vitrée d'une hauteur de cinq étages me laissait complètement sans égal. En pénétrant dans l'imposant hall d'entrée, j'eus la surprise de le découvrir pratiquement vide... Seulement peuplé par une dizaine d'élèves venus se réfugier au chaud. À l'approche de ma destinée, je restais parfaitement silencieux, toujours bercé par la même musique qui passait en boucle dans mes écouteurs.

Je m'engageais alors dans ce grand escalier de bois central pour regagner le premier étage où se situaient tous les casiers, couloirs et salles de cours, sans compter les autres étages supérieurs. Le 112, voici le numéro de mon casier qui se trouvait au centre du premier balcon intérieur, face à la grande baie-vitrée.

Ce fut sans nul doute la première fois que je ne prenais pas la peine d'enlever la paire d'écouteurs que je portais en rentrant dans l'établissement, mais étrangement aujourd'hui, j'en avais encore plus rien à foutre que les autres jours. J'étais complètement absorbé par ce que je faisais au point que j'en oubliais le fait que je me trouvais dans un lycée... Les mains plongées au fond de mon casier à la recherche des livres de cours, je faisais accidentellement tomber mes écouteurs qui restèrent là, pendants de la poche de mon jean noir. Je calais la pile de cahiers de cours que j'avais au creux de mon bras droit avant de refermer la porte de mon casier, c'est à ce moment-là que je faisais tomber toutes mes affaires à terre...

Dirty Little SecretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant