Enregistrement n°7

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Peut-être que pour vous, il y aura un lendemain. Peut-être que pour vous, il y en aura mille. Mais pour ma part, ce jour est le dernier.

Mon nom est Trevor Jencquel. Étudiant au lycée Morrison dans la ville de Chesterfield qui se situe dans l'Oregon. Je suis mort le jour de mon anniversaire, un jeudi 4 avril. Comment ? Et bien je vais vous le dire. Le dernier jour de ma vie a commencé comme pour des milliers d'autres étudiants, par une entrée en cours des plus flagrantes. Et toujours comme pour des milliers d'étudiants j'ai eu le malheur de mettre fait pris d'assaut par des harceleurs. Qui sont-ils ? Et bien ce sont d'autres étudiants qui sont comme nous tous, mais qui à la seule différence nous veulent du mal pour des raisons que l'on ignore. La vérité la plus tragique dans tout ça, c'est qu'au fond on a tous déjà été le harceleur de quelqu'un sans même forcement s'en rendre compte. Hashtag #JeSuisUnHarceleur. La plupart d'entre vous ne voudront pas le reconnaitre. Et je le comprends totalement. Le problème, c'est que pour celui qui fait du « mal », il n'est pas conscient d'en faire. Pour lui il s'agit simplement d'un jeu, ou encore rien de bien méchant... L'autre problème c'est que pour celui qui subit il y a deux possibilités de réactions : soit il en rigole. Soit ça le détruit. Alors est-ce vraiment la faute de ceux qui se moquent ? Ou est-ce celle de la personne qui n'est pas en mesure de supporter tout cela ? Je suis intimement convaincu qu'il n'y a pas de réponse à cette éternelle question. Alors que devons nous faire ? Arrêté avant que le mal ne soit fait. Méfiez-vous je vous le dis... Méfiez-vous de ces éternels sourires qui cachent des larmes qui ne coulent pas.

Alors oui... Peut-être que pour vous il y aura un lendemain. Mais pour moi, la fin est proche. Je veux juste que tout s'arrête. J'ai besoin que tout s'arrête, maintenant ! Malheureusement, je n'ai pas fait parti de ceux qui supportent le mal. Mais à vrai dire, personne ne devrait avoir à supporter quoique ce soit. Nous sommes en cours pour apprendre, étudier et se faire des amis. Ou tout du moins s'entendre avec ceux qui nous entour. Alors pourquoi est-ce aussi difficile d'arriver à une telle fin ? Pourquoi beaucoup d'entre vous ne veulent pas comprendre qu'il n'y a aucun mal à être différent ? Que lorsqu'une personne ne donne pas son consentement vous ne devait rien faire ? Que lorsqu'une fille dit non, c'est NON ? Que se coller une étiquette ne veut rien dire et ne sert strictement à rien ? Qu'il n'y a aucun mal à avoir un orientation sexuelle différente des autres et qu'elle n'est pas définitive et encore moins qu'elle ne vous définisse vous ? Comprenez-vous qu'à partir de l'instant où vous ne rentrez pas dans les codes que la société impose, ça pose problème. Vous êtes un homme et vous voulez vous maquiller ou porter des talons et bien faite-le ! Vous êtes une fille et voulez avoir les cheveux court et trainer en jogging et basket, alors faite-le ! Briser tous ces codes qui nous pourrissent la vie ! Devenez qui vous voulez devenir, n'ayez pas peur des autres et encore moins de leur jugement ! Abat les codes ! Abat la société ! Abat les genres ! Et par dessus tout allez tous vous faire foutre vous qui n'acceptez pas la différence !

Peut-être que je ne saurai jamais pourquoi vous avez fait ce que vous avez fait... Mais sachez que vous m'avez tué. Malgré tout ce que l'on dira, vous m'avez tué.

Il me semble encore possible de sentir la chaleur de l'eau du bain venir m'envahir. Oui, l'eau est si chaude ! Mais avant tout ça... Les sensations étaient atroces. Une torture à chaque seconde qui défilait. À chaque inspiration que je prenais. Savez-vous ce que l'on ressent ? Et bien rien. Tel un gouffre profond qui se creuse au creux de votre corps, un gouffre noir qui aspire tout le bonheur qu'il peut encore rester. Toute les lumière qui faisait de vous un être humain et un être vivant. Et lorsque la dernière goutte d'espoir qui régnait dans votre coeur est absorbé, alors là il ne reste plus rien. Ah quoi bon continuer si il n'y a pas de bute ? Ah quoi bon avancer si on nous fait toujours tomber à terre ? J'espère sincèrement du fond du coeur que la plupart d'entre vous sauront faire face à tout ça. Mais si vous êtes arrivé comme moi au point de non retour, alors là j'ai bien peur qu'il n'y est plus d'espoir. Parfois, j'ai la sensation d'être mort le jour où je suis né et que je vivrai le jour où je mourrai.

Je voudrais lâcher prise, et en même temps je n'en ai pas envie. J'ai comme l'impression de passer un appel au secours, mais qu'il n'y a personne pour y répondre, personne pour m'écouter. Et cette sensation est horrible. Faites en sorte que ça cesse avant que ce ne soit moi qui cesse d'être !

Maintenant je ne suis qu'une plus qu'une âme perdue et errante dans ce vaste monde qui m'entour et que je ne comprends pas. J'ai beau réfléchir à ce qui pourrait encore me retenir, je vois bien certaines choses... Mais je suis arrivé au point où ces choses ne suffisent plus.

Vais-je prendre la décision la plus lâche et égoïste qui soit ? J'ai bien peur que oui.

Les choses que j'ai subis n'ont peut-être l'air de rien, mais ce sont tous ces petits rien qui finissent par vous détruire. Quand on est si loin de toute amitié, si seul, si triste, toute démarche difficile devient impossible. Après tout le suicide n'est pas un crime... Sauf peut-être pour ceux qui restent.

Vous tous qui écoutez ça ! Avez-vous vu les cicatrices que vous laissez derrière-vous ?! Les avez-vous vu ? Ça m'étonnerai, parce que la plupart de ces « cicatrices » ne se voient pas à l'oeil nu.

Sans doute qu'après ma mort, et après ces enregistrements, beaucoup de choses vont changer... En tout cas je l'espère. C'est un peu comme l'effet papillon. Saviez-vous que si un papillon bat des ailes à Paris, cela peut provoquer un ouragan à New York. C'est à dire qu'il suffit d'un minuscule détail, d'une seule chose qui se passe par hasard et ça change tout pour une vie et des dizaines de personnes. Voici l'effet papillon. À vrai dire, je ne crois pas que ce soit le hasard, mais plutôt le destin... Après tout vous êtes libre de penser ce que vous voulez.

Aïe ! Je viens juste d'enfoncer la lame de rasoir dans mon bras. Le sang se met déjà à déborder. Ah oui, si vous n'êtes pas au courant, je suis en ce moment même dans ma baignoire, nous sommes le jeudi 4 avril (le dernier jour de ma vie), et il est un peu près quatorze heures trente.

Je trace une longue et profonde ligne qui me tranche la chaire, déchiquette la peau et broie mes veines. J'ai la peau qui brûle et les yeux qui piquent. J'ai tout le bras gauche ensanglanté, mais je ne dois pas m'arrêter. Faisant face à la douleur, je fais passer la lame dans mon autre main couverte de sang et je reproduis les mêmes actes sur mon bras droit. Du sang s'est éclaboussé sur le rebord de la baignoire. L'eau devient rougeâtre. Enfin je laisse sombrer la lame au fond de l'eau et retomber ma tête en arrière que j'appuis contre le mur. Mes bras s'engouffre au profondeur de cette substance rouge, chaude et je me mets tout à coup à respirer avec force. Je manque d'air ! Aidez-moi ! J'ai peur ! J'ai froid ! Entendez-vous mes sanglots ?

J'aurais voulu être présent pour l'aider. Mais c'est impossible. Je ne peux plus rien pour lui. Personne ne peut plus rien. Il est mort car nous l'avons tous tué... Car je l'ai tué.

À présent je pense que c'est la fin. Il n'y a rien d'autre à dire, rien de plus.

Merci.

Le ciel scintille de mille et un éclats de diamants. Les lumières de la ville m'absorbe. Je me lève avant de le voir soudainement surgir au-delà de mon regard. Mon frère... Trevor. Il plonge le bleu de ses yeux dans les miens. Et j'en fait autant.

— Mon frère. Dis-je.

— Jasper... Chérie. Dit-il.

— Si tu savais comme tu me manques. Et comme je m'en veux tellement. Ajouté-je le regard larmoyant et la voix tremblante.

— Je suis encore là. N'aies pas peur. Ne m'oublie pas et n'oublie pas ce pourquoi j'en suis arrivé là. Ce que tu as entre les mains et mon espoir.

— J'ai tellement peur. Pleuré-je. Je voudrais tellement que tu sois là ! Que je puisse t'embrasser une dernière fois.

Il tend ses bras vers moi.

— Approche mon frère. Dit-il en souriant.

Je viens presser mon corps contre le sien. J'aimerai que cet instant ne finisse pas. Lorsque tout à coup, il s'évapore et disparaît. Il ne reste à présent que les larmes pour pleurer. 

Dirty Little SecretsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant