Ma mère m'a ordonné d'aller me coucher vers vingt et une heure pour me reposer mais avec le décalage horaire je n'avais aucune envie de dormir, d'habitude à cette heure là je me prélassais dans la piscine, j'engueulais la peste comme je l'ai surnommée où sortais faire un tour en ville. Et puis depuis quand ma mère se préoccupait de moi ?
J'ai regagné ma chambre, j'ai mis mon casque sur mes oreilles et j'ai écouté Somewhere Only We Know de Lily Allen, ensuite, je suis sortie de l'appartement en douce, ce n'est pas compliqué, la chambre de ma mère est à l'étage, c'est un duplex notre HLM d'une certaine façon, il y a une chambre à l'étage, une chambre au rez de chaussé, un salon et une cuisine, assez petits, une salle de bain à l'étage et les toilettes en bas ainsi qu'une armoire sous l'escalier.
Dans celle ci, il y a mon bureau, très long avec un ordinateur dessus, plein d'affaires de cours, une corbeille pleine, un tableau magnétique avec des fiches de révisions, des places de concerts, des cartes postales... Derrière le bureau, un matelas double posé sur un sommier à même le sol, une couverture blanche et grise imprimée Lana Del Rey, de l'autre côté, une bibliothèque, une armoire et tout le matériel nécessaire à une réalisatrice débutante. Déjà, une caméra et son pieds, un clap, de quoi diriger la lumière, un amplificateur de son, un logiciel de mixage et de bruitage, un vidéo projecteur et la toile, suspendue au mur vide, pour projeter un film. J'ai également pour m'assoir, en plein milieu, suspendu d'un mur à un autre en diagonale, un hamac blanc pour les jours où je veux me prélasser.
Ma chambre est un peu toujours en fouillis, sûrement à cause du hamac en plein milieu, du matériel de réalisatrice, mon lit jamais fait. J'ai également encadrer des photos survolant New York en noir et blanc, des clichés des États Unis aux paysages déserts, aux stars de cinéma des années soixante dix, qui fument, des cartes postales de pays différents, pour les villes le noir et blanc et pour le reste les couleurs, beaucoup d'actrices pour la plupart mortes, américaines et qui fument, Romy Schneider... J'aime également beaucoup Marilyn Monroe, elle apparaît plusieurs fois dans ma chambre, en noir et blanc, Che Guevara, aucun rapport mais bon, Lana Del Rey, Lorde et des affiches de films réalisés par Hitchcock, un de mes réalisateur favori !
Ma mère ne sait même pas que je m'intéresse à la cinématographie, tout mon matériel c'est moi qui l'ai financé et ma chambre et elle n'a pas le droit d'y mettre les pieds. Je sais que jamais je ne pourrai lui dire que je veux devenir réalisatrice, elle ne comprendrait pas et surtout elle s'y opposerais. Elle veut que je fasse un bac S, puis HCE où Sciences Po... Bref, j'ai déjà un avenir de tracé, également une destination tracée pour Erasmus. L'Allemagne. C'est bien car je déteste cette langue, je la parle plutôt bien, je suis plutôt douée mais je préfèrerais apprendre l'italien un peu mieux où l'espagnol. Je sais parler italien grâce à ma mère mais je comprends plus que je ne parle et si l'on me demandait d'écrire, alors là...
Bref, tout ça pour dire que je suis sortie de l'appartement. Putain ca est fou ce que je m'égare vite ! J'ai descendu les escaliers, sweat - noir- sur les épaules, robe -noire - qui vole sous le souffle du vent qui s'infiltre par les murs mal isolés des escaliers crasseux, converses - noires - aux pieds.
J'entend soudain quelqu'un monter, puisque je descends, nous allons obligatoirement nous croiser et je n'ai pas particulièrement envie de voir quelqu'un mais je ne vais tout de même pas me cacher.
Je défais ma queue de cheval, me recoiffe un petit peu avec mes mains et continu de descendre, j'espère ne pas croiser quelqu'un de défoncé ou d'alcoolique même si c'est courant ici.
Et là, je vois Axel, mon beau Axel, monter les escaliers.
J'écarquille les yeux, lui également, j'ai une irrésistible envie de lui tomber dans les bras mais je me retiens, il aurait sans doute trouvé cela étrange venant d'une fille qui est censée n'aimer personne.
"Luna ??"
- Moi même.
- Mais qu'est-ce tu fais là, je connais tout l'immeuble et pourtant jamais je t'ai croisé !
- Sûrement parce que je viens d'emménager !
Il a froncé les sourcils, surpris.
"Mais j'étais venu chez toi une fois et..."
- Eu... T'étais venu chez moi ?
- Bas oui pour l'exposer en CE2 tu te souviens ?
- Ah oui mais ça date un peu...
- Ouais je sais mais je veux pas dire ça maladroitement mais t'étais dans un appart' avec vue sur la Tour Eiffel et c'était genre... Luxe alors qu'ici c'est...
- Miteux ?
- Ouais on est d'accord...
Il m'a regardé, comme dans l'attente de quelque chose mais je n'ai rien dit.
"Donc ?" m'a-t-il interrogé.
- Donc je suis maintenant obligée de te raconter comment je suis arrivée là, c'est ça ?
- Bas non, en fait je suis un peu curieux, navré mais... J'étais un peu étonné juste...
- Mmmm.
- Tu veux bien ?
J'ai fait semblant de ne pas comprendre
"De ?"
- Me raconter ?
- Non !
- Ok, et tu fais quoi dehors à cette heure là ?
Je consultais ma montre, vingt deux heures, il me prenait vraiment pour une ermite.
"Il est pas très tard !"
- Je te voyais plus du genre à lire dans ta chambre toute la nuit et...
Génial la vision que les gens ont de moi. Mais je ne peux m'en prendre qu'à moi même, j'évite volontairement tous les ados de mon âge, j'ai vraiment un truc qui cloche. J'ai répondu :
"Merci..."
- Non mais je veux pas te vexer, c'est juste qu'au collège tu n'es pas en recherche de l'autre, tu t'isoles avec un bouquin, tu te suffit à toi même.
- Continu...
- Bas, comme tu n'as pas le profil de petite intello à lunettes...
- J'ai des lunettes, je suis myope !
- Ah merde, mais bon, tu les portes qu'en cours alors... Bref, tu n'as pas le profil de la fille renfermée sur elle même, première de la classe qui passe sa vie à étudier, un peu bizarre avec un appareil dentaire et les cheveux gras, des fringues ringardes, type vieille fille...
J'ai lâché un soupir exaspérée (je lui suis souvent, je veux dire, exaspérée).
"Eh bas, tu t'y connais en cliché toi !"
- Tout ça pour dire qu'on a plus l'impression que c'est du snobisme, que tu es...
- Hautaine ?
- Oui c'est ça, je dis pas que tu l'es, juste, à première vue, tu fais normal genre...
- Banale ?
- Oui enfin non !
Je n'en croyait pas mes yeux, ce type me ridiculisait et j'avais l'impression qu'il ne s'en rendait même pas compte brusquement il semblait bien moins beau...
"Tu t'écoutes parler ? Moi, l'air normal ? Y'a pas plus paumé que moi, et puis c'est pas des masses gentil ce que tu viens de me dire ! À plus."
- Non attend.
Je me suis retournée vers lui.
"Il fait un peu froid et on est dans une cage d'escalier poisseuse, quitte à avoir froid, je préfère l'avoir dehors, à l'air libre et pas dans cette cage puante, je te laisse."
J'ai descendu le reste des escaliers, j'ai poussé la porte, Axel était derrière moi.
"Qu'est-ce que tu fais ? lui demandais-je froidement."
- Tu vois, tu te montres hautaine avec moi !
- Et donc tu fais ?
- Bas je viens avec toi !
- Je préfère être seule !
Je suis sortie, j'ai marché le long du trottoir.
"Luna !"
- Quoi encore ?
- C'est dangereux ici à cette heure là, je comprends que tu veuilles être seule mais pas ici !
- T'occupes.
J'ai continué à avancer, qu'est-ce qu'il me voulait à la fin ! Y'a pas un rat mort dehors pour l'instant. Je me suis retournée, Axel me suivait.
"Luna, je rigole pas, c'est vraiment dangereux."
- Je vois personne !
Et puis je suis passée devant un groupe de mecs un peu louche qui m'ont tous sifflés, j'ai baissé la tête, j'ai passé mon chemin.
"Luna ! Qu'est-ce que t'essaie de prouver à la fin ?"
- Qui t'as dit que j'essayais de prouver quelque chose ?
- Écoute, tu veux continuer jusqu'à te faire violer c'est ça ?
- Tu penses pas que t'exagères un tout petit peu ? Je sais que tu aimes les clichés mais Montreuil, y'a aussi des quartiers sympas, maintenant laisse moi, tu gâches ma promenade.
Il semblait décider à ne pas me lacher. Il a insisté.
"Déjà je vis à Montreuil depuis plus longtemps que toi donc je sais à peu près comment ça se passe le soir, oui il y a des quartiers qui ne sont pas craignos, celui ci en l'occurrence, il l'est alors rentre, s'il te plait parce que ça va mal finir !"
- Qu'est-ce que t'en a à foutre de toute façon, moi fille banale, hautaine, snob, ermite, renfermée sur moi même qui n'a tellement pas de vie qu'elle passe ses soirées à lire...
- Mais...
J'en avais vraiment marre de lui. Qu'est-ce qui ne va pas chez moi ? Pourquoi une présence humaine m'excède t-elle à ce point ? Je passais à nouveau devant un groupe armés de motos, de canettes de bière et de cannabis. Ils m'ont tous sifflés, l'un d'eux a crié :
"Ça te dit de venir chez moi poupée ?"
"C'est combien pour la nuit ? a hurlé un autre au milieux de rires malsains."
Encore un autre a commencé à me suivre.
Je me retournais, Axel n'était plus derrière moi, le groupe de motards défoncés et ivres, oui. Ils riaient, ils s'étaient séparés, ça allait mal finir, j'ai commencé à paniquer.
J'étais pratiquement sur qu'un d'eux allait surgir au coin d'une ruelle, je ne pouvais pas courir, trop maigre, trop fragile, cela aurait juste servi à ce que les autres se mettent à mes trousses et me rattrapent. Il fallait que je débouche sur une grande rue mais plus j'avançais, plus je me sentais prise au piège, je commençais à me perdre au milieu de petites ruelles, soudain un gars de la bande a surgis et m'a attrapé.
"On est perdue ma p'tite dame ?"
Affolée, j'ai cherché à partir mais j'étais prise au piège, le groupe était au complet, ils m'encerclaient. À ce moment là' une sirène de police à retenti et ils se sont tous enfuis me laissant morte de trouille, le visage en pleur et le cœur battant à la chamade.
Les policiers allaient me retrouver, ainsi, sanglotante, au milieu de la rue. Mais aucun policier n'est venu, Axel a surgi.
"Luna, est-ce que ça va ?"
J'ai fondue en larmes.
"La police, je l'ai entendue, où est-elle ? demandais-je."
- Elle est passée à côté, je t'ai perdu de vue, je suis désolé, j'aurai du...
- Tu m'avais prévenu, de toute façon t'aurai rien pu faire et ils t'auraient sûrement tabassés.
J'ai sangloté comme une idiote, j'avais eu tellement peur. Je tremblais.
"Tu veux qu'on s'arrête un peu ?"
J'ai vomi, ma gorge me brûlait, ma tête tournait, j'ai défailli, je suis restée à demi consciente, Axel m'a fait assoir par terre.
- T'inquiètes, il ne m'ont rien fait, ça va aller !
- Tu veux aller porter plainte ?
J'ai ri nerveusement.
"Et pour dire quoi qui ait l'air crédible ?"
Il a haussé les épaules inquiet.
"Ca va aller je te dis, je veux juste rentrer chez moi."
Après un soupir, il a accepté et m'a presque porté tant j'étais faible.
"Ta mère sait que tu es sortie ? me demanda t-il."
- Non.
- Alors viens chez moi juste te rafraîchir, t'es en sueur.
J'hésitais, après tout je ne le connaissais que de loin. Il m'a souri et j'ai capitulé.
Il m'a fait entrer chez lui, nous avions le même appart' mais sa chambre à lui était en haut et le salon servait en partie de chambre, délimitée par un rideaux simple et blanc. L'espace sous l'escalier permettait de donner un peu plus de profondeur au salon, Axel avait deux sœurs qui occupaient l'autre chambre. En conséquent, le salon devait faire dix mètre carré, à peine, juste de quoi mettre un canapé, une télé et une table à manger.
Je suis directement allée dans la salle de bain me rincer le visage et reprendre mes esprits. Tout en fixant mon reflet dans la glace je me suis convaincue que tout allait bien, que j'avais eu plus peur qu'autre chose.
J'ai constaté que dans toute cette histoire j'avais perdu mon sweat je ne sais comment. Axel a accepté de m'en prêter un. J'ai enfilé son sweat vert foncé, confortable et super doux. Axel n'avait que des habits de marques pourtant, sa famille n'avait pas l'air de rouler sur l'or. En même temps, il est dur de se faire accepter lorsque l'on ne s'habille pas bien, le collège est un monde impitoyable forgé par les marques, la beauté et la superficialité. Bref, ce n'est pas le lieu que je préfère, donc je lis et je m'isole. Je ne snob personne, quoique, c'est parce que je me sens au dessus de leurs bêtises que je m'isole, je les méprise, peut être que je suis hautaine finalement.
Bref, j'ai à nouveau remercié Axel et je suis remontée jusque chez moi. Délicatement, j'ai ouvert la porte d'entrée, ma mère dormait avec des boules quies, cela me permit de regagner chambre sans la réveiller.
Je me suis glissée dans mon lit tout habillée mais impossible de dormir. J'entendais, malgré les fenêtres fermées, les bruits venant de l'extérieur, des gens qui s'agitaient, ils me faisaient peur, j'ai mis des boules quies mais je n'ai pas dormi pour autant. Je me suis sans cesse retournée et retournée dans mon lit, j'ai lu un peu pour me détendre, rien à faire, j'ai écouté de la musique, rien non plus.
Mon réveil digital annonçait cinq heures du matin, j'ai eu brusquement à nouveau envie de vomir, je me suis ruée vers les toilettes et j'ai vomis encore et encore jusqu'à réveiller ma mère.
"Luna ? Qu'est-ce que tu fais debout ??"
- Je... Je suis malade... Je crois.
- Oh non, c'est pas vrai, bon va prendre ta température !
Ma mère semblait agacée, elle ne désirait qu'une chose, retourner se coucher.
Le thermomètre indiqua 38°, ma mère me donna de l'Advil et retourna se coucher, sans la moindre inquiétude, je suis retournée dans mon lit et vers dix heures, je n'avais toujours pas réussi à dormir. Ma mère a frappé pour me lever mais j'ai refusé.
"Je n'ai pas réussi à me rendormir, tu peux pas me demander de me lever !"
- Tu reprends le collège dans trois jours. Il est indispensable que tu reprennes le rythme, dix heures pour se lever c'est déjà bien trop tard !
- Mais puisque je te dis que je n'ai pas réussi à dormir.
- Bon ouvre cette porte !
- Non ! Laisse moi dormir !!
Et j'ai remis les boules quies, ma mère n'a pas insisté, du moins je ne crois pas et j'ai finis par m'endormir. Enfin.

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Juste milieu
Fiksi RemajaLuna, 14 ans, est une adolescente un peu perdue, légèrement dépressive. Sa mère la néglige, son père est parti depuis plusieurs années avec son frère et jamais n'a cherché à la revoir. Depuis un certain temps, Luna est une fille solitaire, incompris...