Lettre 4

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Le copain de ma mère s'installe chez nous et avec lui son fils, Steve, dix sept ans et très étrange, vraiment étrange. Tellement étrange qu'il me fait peur. De toute façon je n'ai aucune envie de les croiser ni de faire un quelconque effort avec eux. Enfin merde, ils on débarqué comme ça, un beau jour sans même que je sois prévenue. Steve a une chambre emménagée dans le couloir ce qui fait qu'on doit passer par la salle de bain pour aller dans la chambre de mes parents. Comme si on avait besoin de ça. Et pour couronner le tout, c'est la rentrée scolaire donc direction vers cet établissement où je passe inaperçue et réveil à six heures pour éviter les nouveaux locataires de l'appartement, Fabrice et Steve, entre autres.
Je me dépêche de me laver sans faire le moindre bruit, de m'habiller et puis j'entends Steve se lever et hop, je claque la porte et me retrouve dehors, à six heures et demi, un sac sur le dos et mes yeux pour pleurer. Je sais très bien que je suis trop sensible, il arrive des choses à bien pires à des gens bien mieux que moi qui pleure dix fois moins. Mais c'est ainsi, je pleure.
Il faisait encore nuit, nous étions pourtant début septembre et déjà la température indiquait l'automne voire l'hiver. C'est triste et déprimant comme beaucoup de choses avec moi. J'ai déambuler dans Montreuil en quête de vie mais pas un rat mort ne sort à cette heure-ci. Résignée j'ai pris mon vélo et j'ai pédalé aussi fort que je le pouvais direction Somewhere.

Je suis arrivée au collège et me suis perdue dans toute cette foule de gosses de riches et de bourgeois. J'ai baissé la tête et j'ai fixé mes pieds tout en continuant d'avancer alors que les autres se pressaient pour voir dans quelle classe ils seraient répartis cette année. J'ai attendu mon tour, c'est à dire en dernier. J'étais en 3e7, avec Axel, Cannelle, une des filles les plus populaires du collège-lycée, née le même jour que moi histoire de m'effacer encore plus, Ian, le meilleur ami d'Axel et Mona, avec qui j'étais amie en primaire. J'ai bien dit en primaire.
Je me suis pressée de monter les escaliers, j'avais cours avec notre prof principal, un prof de maths. Je déteste les maths. Arrivée en classe, il n'y avait déjà presque plus de place. J'ai vu Mona faire un grand geste de la main. Je me suis retournée pour voir à qui elle s'adressait mais il n'y avait personne derrière moi. Donc Mona s'adressait à... À moi. Surprise, j'ai pris place à côté d'elle. Mona est la fille la plus jolie que je n'ai jamais vue. Elle est rousse, des cheveux ondulés, des yeux verts magnifiques, elle est grande... Elle est parfaite en fait. Elle ressemble un peu à un personnage de manga, je trouve. Il y a bien Cannelle qui est très jolie avec ses cheveux auburn, lisses et très longs et sa carrure de mannequin, et puis ses yeux noirs profonds. Je suis sûre que tous les mecs sont à ses pieds. Enfin plutôt, tous les mecs sont à ses pieds.
À la sortie des cours, je me suis faite rattrapée par Mona.
"Luna attends !"
J'ai fais volte face.
"Ca te dis de venir avec nous ? Je veux dire, Ian, Axel et moi ?"
J'ai du rester interdite quelques secondes car elle a ajouté :
"T'inquietes, on va pas te faire de mal !"
Et je crois que j'ai finis par accepter.
Ils m'ont tous les trois emmenée vers une voie de chemins de fers désaffectée dont l'accès était interdit et protégé par un grillage. Je les ai regardé escalader ce grillage un à un avant de les suivre. Nous avons un peu marché et puis Axel a commencé à rouler des joints pour tout le monde. Mona m'en a tendu un et sans vraiment savoir pourquoi je n'ai pas refusé, je l'ai allumer et je l'ai porté à ma bouche. Et puis je me souviens en avoir pris plusieurs puis avoir couru avec eux jusqu'à un groupe de mecs. C'est là que ça a dérapé. Au milieu de ce groupe se trouvait Steve, lui même.
Dès qu'il m'a aperçue il s'est levé d'un bond histoire de m'impressionner du haut des ses un mètre quatre vingt.
"Qu'est-ce que tu fous là ? a-t-il craché comme si le seul fait de m'adresser la parole lui arrachait quelque chose.
- Je pourrais te retourner la question !"
J'ai essayé de garder mon calme mais je planais encore et ma voix transpirait l'anxiété. Il me faisait tellement peur mais hors de question de le lui montrer, ce serait trop facile.
"Tu le connais ? s'est étonné Ian.
- C'est mon demi frère, j'ai dit.
- Et c'est dealer, lança Axel, le mien, entre autres..."
J'ai écarquillé les yeux mais à peine ai-je ouvert la bouche que des sirènes de police ont retenti. Panique à bord, tout le monde s'est sauvé de son côté et ce n'est que quelques secondes plus tard, lorsque tous étaient déjà partis que j'ai réalisé qu'il fallait que je cours. J'ai pris des chemins aux hasards et j'ai perdu de vue les rails. Je suis tombée, comme toujours lorsque je cours et je suis restée là, près du grillage en attendant que ça se passe.
C'est Axel qui m'a retrouvée. Il m'a tendu la main pour que je me relève.
"Ca va ?
- Ca va. Je peux avoir un joint ?"
Il a souri et m'en a donné un. J'étais complètement dans les vapes, cet état second me fascinait. Je suis montée sur le rebord au dessus du vide après avoir escaladé le grillage. Sous moi se trouvait des tas de voitures roulant à plus de cent à l'heure. Je me sentais happée par le vide, cette sensation me donnait des frissons et m'hypnotisais. Je ne pouvais détacher mes yeux de la ville qui s'offrait à moi. J'étais parfaitement consciente du danger pourtant il ne m'effrayait pas, bien au contraire, il m'attirait.
"Bordel Luna tu fous quoi ?
- Je m'amuse ! j'ai répliqué.
- Génial ! Descends sérieusement c'est dangereux."
Je ne l'ai pas écouté. Je me suis balancée d'un pied sur l'autre et j'ai fixé la caméra de surveillance accrochée au lampadaire près de moi. J'ai finis par redescendre, je planais toujours, tout était flou, c'était magnifique. Je pouvais voir toutes les couleurs qui composaient l'univers, baver, dégouliner et le contour de tout ce qui se trouvait autour de moi se troubler. Les habitations gondoler. Axel a pris ma main et j'ai plongé mon regard brun dans son regard charbon.
"Je rêve ou tu me dragues ?"
J'aurais aimé répondre non mais cela aurait été mentir. Or je ne mens pas, du moins j'évite. Je n'avais aucune idée de ce pourquoi j'agissait ainsi. Je ne l'ai pas lâché des yeux et je l'ai embrassé. Ou plutôt nous nous sommes roulé une énorme pelle. Quand je me suis dégagée, j'ai vu les autres arriver au loin.
"On voit que t'as pas l'habitude de joints toi ! m'a lancé Axel"
J'ai ri aux éclats alors que ce n'était pas du tout drôle et je suis rentrée avec Ian et Axel qui habitent tous deux à Montreuil. Je commençais tout juste à reprendre mes esprits. J'ai essayé de clarifier les choses. Steve qui vivait désormais sous le même toit que moi, était un dealer et mes "amis" prenaient de la drogue et j'étais carrément dans les vapes. Et puis surtout j'avais roulé une pelle à Axel, la honte, j'ai soudainement baissé la tête, comme si cela allait changer quelque chose. J'ai vraiment l'impression d'agir comme une autruche parfois. Cette assimilation n'est pas TRES gratifiante c'est clair, je tâcherais d'essayer de trouver mieux, d'ici là j'agis comme telle.
Je me suis terrée dans ma chambre sans même adresser un bonjour à Fabrice. J'ai redouté tout la soirée l'arrivée de Steve, c'est fou ce qu'il pouvait m'effrayer. Je l'ai entendu s'énerver violemment sans pourtant réussir à comprendre ce pourquoi il s'énervait.
Ma mère est rentrée à vingt et une heure. Pas une fois elle n'est venue voir si j'allais bien ou même si j'étais là. Pas une fois elle ne s'est préoccupée de savoir si j'avais mangé. La réponse est non maman même si t'en as rien à foutre !

Juste milieuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant