Sun on the roof.
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Central city. On lui avait vendu cette ville comme le saint refuge et elle s'était fourvoyée en osant les croire. Assise sur le toit d'un immeuble, Eliona observait avec dégoût les bâtisses qui s'enchaînaient dans le paysage. Les vastes forêts de sa ville natale lui manquaient, autant que sa famille et sa vie d'avant. Parfois, alors qu'elle prenait le temps de penser à ce que sa vie avait été, ses souvenirs la ramenaient sans ménagement des années en arrière, quand son frère riait d'elle, que sa mère fatiguée rentrait tard le soir en râlant et qu'elle pensait bêtement qu'elle ne faisait que survivre. Vie pourrie, disait-elle toujours à ses amis. Auparavant, Eliona affirmait qu'exister était pénible, qu'ils ne faisaient que suivre le chemin d'une société battit sur l'offre et la demande, que les pauvres resteraient pauvres et qu'il en allait de même pour les riches. Maintenant que la jeune femme avait goûté à la véritable survie, elle souhaitait revenir des années en arrière pour pouvoir se donner des claques. Même le goût sucré des friandises qu'elle n'avait jamais réellement affectionné venait à lui manquer.
Ses yeux se posèrent sur le carnet toujours vierge sur ses genoux. Quelques heures auparavant, Eliona l'avait déniché en fouillant une énième fois un centre commercial. À de nombreuses reprises, la jeune femme était passé devant sans jamais lui accorder d'importance. Maintenant que son état s'aggravait, elle tenait à consigner tout ce qu'elle pouvait dans un carnet. Ce qui en soit relevait de la stupidité bien plus que du bon sens. Elle se suggérait à elle-même de garder les pages pour alimenter un futur feu de camp, mais une petite voix dans sa tête la poussait à écrire. « De toute façon, si j'ai besoin de papier, je n'aurais qu'à arracher mes confessions », pensa-t-elle en triturant le crayon de bois entre ses doigts. Malgré son envie viscérale de confier aux pages les mots de sa conscience, Eliona se bloquait : l'impression que la ville posait sur elle un regard accusateur la déstabilisait. La jeune femme avait remarqué que la fièvre persistante lui faisait percevoir le monde d'une nouvelle manière. Les rues qui, autrefois, se traversaient en quelques minutes, s'allongeaient désormais sous ses pas. Les bruits anodins s'amplifiaient au point de l'empêcher de dormir la nuit. L'impression d'une faucheuse assise à ses côtés subsistait, la rendant paranoïaque au possible.
À l'horizon, le soleil commença à pointer le bout de son nez. Un fin sourire étira ses fines lèvres : encore un jour à tenir et elle battrait son record de survivante. Là était sa motivation. Ayant toujours fait preuve d'un esprit de compétition, Eliona avait décidé dès le départ de vivre dans l'optimisme et de faire de sa survie un challenge. Plus elle vivait, plus elle gagnait contre la mort, plus elle était fière d'elle. Une boucle qui se terminait par un jour de plus dans ce monde et la force de l'affronter pleinement.
Si habituellement la jeune survivante se levait pour partir en quête de nourriture, cette fois-ci elle s'allongea lourdement sur le sol pour observer la ligne du soleil progresser sur les bâtiments ainsi que sur le toit. Doucement, les rayons parvinrent à son visage ensommeillé pour la couvrir d'une chaleur réconfortante. Malgré les gouttes de sueurs qui perlaient sur son front moite, la jeune femme profita de cet instant sans prendre compte des tremblements de son corps. Elle eut une pensée pour ces gens infectés, se demanda même s'il existait un stade supérieur au sien ou si la prochaine étape se trouvait être la mort. « Comment se sent on quand on est mort ? » se demanda-t-elle avec une pointe d'amusement. « La fièvre cesserait, les bruits aussi... peut-être que c'est préférable ». Le virus apportait avec lui les pensées sombres qui la poussait à prendre conscience de son inutilité dans ce monde apocalyptique. Jusqu'à présent, cela ne l'avait pas dérangé d'être seule, de poursuivre une route sans prendre garde à un quelconque compagnon, mais désormais son état changeait la donne : « Qui me pleurerait si je mourais ici ? Qu'ais je apporté à ce monde ? ». Eliona eût une pensée pour ce jour maudit où elle avait fait face aux morts avec d'autres personnes, un pâle sourire étira ses lèvres.
[...]
Sa remise en question fut de courte durée. Encore perdue dans ses pensées, Eliona revint à la réalité lorsque le fracas d'une porte résonna contre ses tympans. Sans plus attendre, la jeune femme se leva d'un bond agile qui lui donna le tournis, mais se retint néanmoins de retourner se poser sur le sol. Bien que son carnet eût heurté le sol avec un bruit désagréable, l'inconnue ne sembla pas l'avoir remarqué puisqu'elle se laissa tomber mollement sur le sol, jambes et bras écartés. Toujours sur ses gardes, Eliona s'arma de son couteau de chasse qui occupait continuellement l'intérieur de sa botte droite. On aurait dit une folle avec son front couvert de sueur, sa chemise collée au corps par la transpiration, ses yeux fatigués vitreux et son arme en main. Mieux valait paraître dingue qu'inoffensive, dans ce nouveau monde nul ne savait jamais sur qui on allait tomber : un ennemi assoiffé de sang prêt à vous achever ou un allié potentiel qui vous aidera à trouver de la nourriture ? Lorsqu'elle se releva pour enfiler son débardeur, Eliona arqua un sourcil, restant toutefois sur ses gardes. Les mots de la personne l'enfoncèrent davantage dans la perplexité.
• Ah merde. Excusez-moi, je ne savais pas que quelqu'un était ici.
• Euh... Ce n'est rien... Lança Eliona à mi-voix.
Elle baissa son bras, reprenant une posture pour le moins correcte. Ce qu'elle appelait correct était évidemment autre chose qui ne disait pas : approche moi et je te tue. Pendant de longues secondes, elle s'enferma dans le silence. Le soleil brillait déjà dans le ciel, accentuant sa sensation de chaleur étouffante. Peut-être qu'elle se transformait en vampire... Si les morts pouvaient revenir à la vie, pourquoi les vampires n'existeraient pas ? Voilà, elle divaguait à nouveau. Eliona recula alors, davantage pour se mettre à l'ombre que pour s'éloigner de l'inconnue. Soudainement, sans qu'elle ne s'y attende vraiment, quelqu'un ou quelque chose tambourina derrière la porte.
• Tu as ramené de la compagnie à ce que je vois commenta la jeune femme avec une once d'ironie dans la voix. Ils ne t'ont même pas laissé le temps de t'habiller correctement.
Elle se doutait, par les grognements rauques, qu'il ne s'agissait pas d'humains en quête d'une proie, mais davantage de revenants à la recherche de nourriture. Ils étaient le pire fléau du moment, bien que les êtres humains les suivissent de peu. Un mort voulait manger, un homme faisait toujours preuve de plus de perfidies et de vices. Toutefois, ce qui dérangeait le plus la survivante dans cette situation, ce n'était pas les rôdeurs qui se heurtaient à la porte, mais bel et bien cette fille qui souriait anormalement. Comment pouvait-on vouloir sourire dans ce genre de moment ? Posant son regard sur la porte, la solitaire pria intérieurement pour que celle-ci tienne un maximum de temps ou que leurs assaillants se lassent de rentrer dans une barrière solide. Depuis le temps, elle ne craignait plus vraiment ces autres individus venus tout droit des enfers, toutefois son état ne lui permettrait certainement pas de les fuir, ni même de les affronter. C'était par ailleurs, l'une des raisons de son exil sur le toit : elle s'était persuadée qu'ils ne monteraient jamais jusque-là. Ses yeux se posèrent alors sur son interlocutrice qui lui faisait face, les plaques rouges sur ses bras lui apparurent comme une évidence. Alors comme ça, elle n'était pas la seule infectée de la ville... Cela avait quelque chose de réconfortant.
• Premier stade hein. Dit-elle en montrant du doigt les rougeurs. Je suis passée par-là. J'espère que ça s'arrangera pour toi.
Eliona avait eu vent des avancées du virus en écoutant aux portes. Façon de parler. En réalité, deux hommes bavards les avaient évoqués et la jeune femme s'était trouvée au bon endroit au bon moment. Toutefois, elle n'avait aucune idée du stade auquel elle se trouvait, ce qui l'angoissait bien plus qu'elle ne le laissait paraître.
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The dead come back
ПриключенияTout a commencé il y a deux ans, en mi-février 2018, lorsqu'un Sud Coréen nommé Chung-Ho fut atteint d'une mystérieuse maladie. Ne sachant pas de quoi il souffrait, les docteurs le placèrent sous observation, l'homme mourut le jour même. Une heure p...