Chapitre 13

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"Bon, Val. Il faut qu'on parle."

Valentine reposa sa tasse, intriguée. Sabela était assise à son bureau, penchée sur ses fiches, tandis qu'elle révisait sur le lit. Elles n'avaient pas beaucoup parlé, et travaillaient sérieusement depuis plusieurs heures. Elle adressa un regard intrigué à sa meilleure amie, qui semblait légèrement gênée. Comme si elle ne voulait pas avoir la conversation qu'elle s'apprêtait à initier.

"C'est à propos de Carole, précisa Sabela.

-Oh ?"

Ca y est. Sabela allait lui dire qu'elle ne comprenait pas pourquoi Valentine passait autant de temps avec Carole. Qu'elle se sentait rejetée. Valentine sentit son estomac se nouer, s'écraser sous le poids de la culpabilité. Elle cherchait déjà les bons mots pour lui expliquer qu'elle avait tort, que personne ne la remplacerait jamais, qu'elle avait juste un lien avec Carole qui allait au delà des mots, un lien qui différait beaucoup de celui qu'elle partageait avec Sabela et qu'elle ne comprenait pas toujours ; mais que cela ne voulait pas dire que Sabela, son âme soeur amicale, valait moins à ses yeux, car elle savait pertinemment que jamais elle n'aimerait quelqu'un de la même manière qu'elle aimait Sabela. Mais avant qu'elle ne puisse prononcer ces mots, Sabela reprit la parole.

"Tu m'as bien dit qu'elle aimait les filles, hein ?"

Cette fois, Valentine entrouvrit les lèvres sous l'effet d'un pur étonnement. Un nouveau doute vint poindre en elle. Elle n'avait jamais été très sûre de la sexualité de Sabela - et elles n'en avaient jamais vraiment parlé - mais se pourrait-il que son amie ait un coup de cœur pour Carole ? Elle ne pouvait que comprendre : la jeune femme était belle, solaire, partout où elle passait elle égrenait cette énergie, ce bonheur qu'elle semait dans le cœur de tous ceux qui avaient la chance de croiser son regard. Oui, elle pouvait totalement comprendre son amie.

"Oui, oui elle aime les filles, confirma Valentine avec un petit sourire encourageant."

Sabela comprit les sous-entendus dans son regard. Et elle secoua la tête.

"Je crois... Je pense que peut-être... elle t'apprécie un peu plus que comme une amie, Valentine."

Il lui sembla que le monde s'était arrêté, comme si on venait d'y mettre un violent coup de frein. Elle ouvrit et ferma la bouche plusieurs fois, comme si les mots pouvaient se former tout seuls, comme des bulles de savon. Elle ferma les yeux un instant, essayant de calmer le flot de ses pensées, de canaliser tous les sentiments contradictoires et violents qui ricochaient dans tout son corps.

"Qu'est... qu'est ce qui te fait dire ça ?

- Vous vous voyez tout le temps. Et... On discute un peu par messages. Et sa manière de parler de toi..."

Avait-elle un jour su comment respirer ? Car cette capacité anodine lui semblait incroyablement compliquée. Comme inspirer, puis expirer, avec cette horrible boule qui comprimait sa gorge, et qui se répandait lentement dans toute sa cage thoracique ? Carole avait parlé d'elle. A Sabela. Et Sabela pensait... Comment était-elle supposée réagir ? Elle réalisa qu'elle avait posé cette question à voix haute lorsque son amie lui répondit.

"Déjà, il faut commencer par te poser une question : qu'est ce que toi tu ressens ?"

Et là, la réponse la heurta avec une facilité déconcertante, un naturel qui lui faisait perdre pied.

Elle ne savait pas.


Christmas Carole [TERMINE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant