Un après-midi d'automne

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Le jeu consistait à courir à toutes jambes puis à se laisser tomber dans le tas que Éric venait de former en râtelant les feuilles mortes tombées dans le jardin. Maxime était avec Julie. Les deux enfants s'amusaient déjà dans les feuilles depuis près d'une heure. Tantôt pour utiliser le tas de feuille comme si c'était un énorme matelas, tantôt pour s'enfouir à l'intérieur du tas ou encore lancer les feuilles et en faire une pluie de confettis. Éric rajoutait constamment des feuilles et le tas devenait de plus en plus gros.

On était à la mi-octobre par un bel après-midi d'été indien et, partout à Montréal, les feuilles mortes jonchaient les trottoirs, parcs et jardins. À l'extérieur, on se baladait en chemises on avait momentanément laissé les gros chandails et coupe-vent à l'intérieur pour profiter des derniers relents d'été qui se laissaient savourer. Bons jusqu'à la dernière goutte ! On sortirait sans doute le Bar-B-Q pour la dernière fois de l'année et on entrerait à l'intérieur seulement lorsque les derniers rayons de soleil se seraient cachés. Chez Maxime, le gros érable avait déjà perdu presque toutes ses feuilles, et les premiers gels avaient définitivement mis hors combat les annuelles que Josiane avait plantées ce printemps.

Éric trouvait bien rigolo les jeux des enfants. L'énergie débordante qu'ils mettaient à s'enfouir dans ce tas de feuilles était fascinante. Par contre, il faudrait bien qu'il termine le ramassage et qu'il puisse mettre ces feuilles dans les sacs à ordures. Il en remplirait bien 5 ou 6.

- Aurez-vous terminé bientôt ? Est-ce que je vais pouvoir mettre mes feuilles dans les sacs ?

Maxime et Julie étaient complètement enfouis dans le tas. En position couchée seules les deux petites têtes dépassaient sur le côté.

- Non ! nous on reste ici !
- Avez-vous l'intention de passer la nuit dans le tas de feuilles ?
- Oui
- Ah bon ! Mais je crois que vous avez peur ...
- Non, on n'a pas peur ! (C'était Julie qui avait répondu)

Maxime savait bien qu'il devrait sortir de ce tas de feuilles le plus rapidement possible, sinon il mouillerait sa culotte. Il avait passé un accord avec ses parents. S'il était une semaine sans mouiller sa culotte pendant la journée, il aurait droit à un repas chez McDonald. Maxime ne comprenait d'ailleurs pas pourquoi ses parents semblaient détester McDonald. Il devait toujours les supplier pour y aller. Pourtant c'était un endroit très amusant. Il y avait des cadeaux surpris et un énorme manège dans la salle à manger.

Mais, dans ce tas de feuilles, il sentait que chaque minute qui passait lui enlevait l'espoir d'avoir un repas au McDonald cette semaine.

- On passe la nuit ! Hein Maxime ?
- Oui oui ...

Ça sera sûrement une nuit mouillée songeait Maxime. Et que dirait Julie si elle voyait Maxime sortir des feuilles, son pantalon mouillé ... Après tout, Julie venait à la garderie et avait souvent vu Maxime mouiller sa culotte, lorsque ça n'était pas Julie qui mouillait elle-même la sienne.

Il fallait sortir de ce tas. Mais lorsque Maxime fit un premier mouvement pour se dégager du tas de feuilles, il ne put faire l'effort pour se dégager et retenir son pipi en même temps. Il sentit donc le pipi encore tout chaud sortir et inonder le devant de sa culotte.
Pendant quelques interminables secondes, son pipi continuait à couler sans qu'il soit en mesure de faire quoi que ce soit pour arrêter l'inondation. Non ! il ne fallait pas. Un ultime effort lui permit d'arrêter de faire pipi. Mais, il le savait, son pantalon était bel et bien mouillé. Et cette envie n'avait même pas cessé de le torturer. Tant pis ! Son pantalon était déjà mouillé, de toutes manières. C'est donc dans une position à demi couché sur le ventre qu'il laissa aller son pipi dans son pantalon et dans les feuilles. Il se laissa aller jusqu'à la dernière goutte. Plus son pipi sortait, plus il avait honte de ce qu'il faisait. Lorsqu'il eut terminé, il eut encore plus honte en constatant qu'il avait même mouillé sa chemise. Il devait être détrempé des genoux au milieu du ventre. Maintenant, il était important de demeurer bien enfoui dans le tas de feuilles.

Éric dans sa volonté de passer aux actes, leur lança un ultimatum :

- Eh bien vous pouvez demeurer dans le tas, mais je commence à ramasser les feuilles sur le dessus !

Maxime savait que Julie ne lui tiendrait pas rigueur de son petit accident. Il était tout de même gêné d'avoir fait un si gros pipi, qu'il en avait mouillé sa chemise. Par contre, Josiane ne serait pas fière de lui. Elle le gronderait.

Éric continuait à piger des feuilles sur le tas afin de les mettre dans de grands sacs à ordure. Les enfants perdraient bientôt leur refuge, le tas devenant trop petit pour leur constituer un abri. C'est Julie qui s'extirpa la première du tas. Elle se leva debout et demanda à Maxime s'il voulait aller jouer à l'intérieur.

- Non pas tout de suite ! Pourquoi tu ne reviens pas dans les feuilles ?
- J'ai envie de pipi.
- Ah ! Tu veux entrer seulement pour ça ?

En disant cela, Maxime espérait que Julie ferait, elle aussi, pipi dans sa culotte. Ainsi, il ne serait plus seul. Julie ne savait plus. Allait-elle entrer ? Elle se dit que Maxime avait peut-être raison, que si elle faisait pipi ici, elle ne serait pas obligée d'entrer dans la maison, d'autant plus qu'elle avait déjà du mal à se retenir. Elle se sentait même l'obligation de serrer les jambes, comme si cela pouvait l'aider à retenir son envie.

- J'ai promis à ma maman de pas faire pipi dans ma culotte.

Sur cela, elle se retourna et couru vers l'intérieur de la maison. Maxime était très mal à l'aise. Son amie de toujours qui allait aux toilettes et lui qui avait fait pipi dans sa culotte, comme les plus petits. Il eut soudainement peur de déplaire à Julie, qu'elle se mit à lui lancer le sobriquet de bébé, comme le font certains à la garderie. Tout penaud, Maxime sortit donc à son tour du tas de feuilles et se dirigea vers la balançoire. Éric, affairé à transporter ses sacs à ordures ne le remarqua pas.


***


C'est Josiane qui accueillit Julie à l'intérieur.

- Maxime n'est pas avec toi ?
- Je viens seulement pour un pipi.
- T'as fait pipi dans ta culotte ?

Connaissant les habitudes de Julie, Josiane était certaine que Julie avait mouillé sa culotte.

- Non je veux aller aux toilettes. Vite j'ai beaucoup envie
- Ah j'avais mal compris ! Vite viens par ici.

Josiane prit la main de Julie et courut vers les toilettes. Elle laissa ensuite Julie seule aux cabinets et retourna à la cuisine. Elle se demandait si son Maxime profiterait de l'exemple de Julie et viendrait faire pipi aux toilettes lui aussi. Puisque Julie était entrée seule, elle songea qu'il avait probablement mouillé sa culotte. Lorsque Julie fut de retour des toilettes, Josiane tenta de le savoir. Sans le demander directement si Maxime avait fait pipi dans sa culotte, elle lui demanda plutôt pourquoi il n'était pas entré faire pipi lui aussi. Julie se contenta de hausser les épaules. Elle repartit aussitôt au pas de course vers l'extérieur.

En sortant de la maison, elle aperçut Maxime assis sur un siège de balançoire. Elle se dirigea donc vers lui. Ce n'est que rendue à quelques mètres de lui qu'elle comprit la question de la mère de Maxime. Ce dernier n'était pas allé faire pipi à l'intérieur parce qu'il l'avait fait dans sa culotte. Il avait dû faire un gros pipi parce que même sa chemise était mouillée.

- T'as ENCORE fait pipi dans ta culotte ?
En insistant sur le ENCORE, Julie accentuait la honte que ressentait Maxime.
- Toi aussi tu fais pipi dans ta culotte à la garderie.
- Plus maintenant. Je faisais ça seulement lorsque j'étais petite. Et puis, aujourd'hui j'avais promis à ma maman.
- Moi c'est juste un accident
- Toi, t'es Monsieur accident
- Toi aussi, t'es Madame accidente
- Accidente, ça se peut pas
- L'autre jour à la garderie t'as fais pipi sur ta chaise et ça coulait par terre.
- C'est parce que Jacinthe voulait pas qu'on se lève.
- Quand c'est pour la toilette, elle veut.
- Ben oui ! Je le sais ...
- Alors moi aussi je peux faire pipi dans ma culotte.
- Ben oui, tu peux. Mais si tu fais trop pipi dans ta culotte ta maman va te mettre des couches.
- Non, les couches c'est seulement pour la nuit.
- Mais les petits enfants, ils en mettent le jour aussi.
- Mais ma maman à moi, elle ne veut plus me mettre des couches.
- Est-ce qu'on va jouer en avant, je crois que Jonathan est là
- Non !
- Ah ! pourquoi ?
Maxime eut l'impression que Julie agissait uniquement pour le ridiculiser. Elle devait savoir qu'il ne voudrait pas se montrer comme ça avec sa culotte et sa chemise pleines de pipi.
- Parce que j'ai fait pipi ...
- Alors on entre dans la maison et on va jouer à la maman et au bébé. C'est toi qui va être mon bébé.
- Si on entre dans la maison, Josiane va voir que j'ai fait pipi et elle va me gronder.
- Si on monte à ta chambre rapidement, elle ne le verra pas.

Maxime doutait du plan de Julie, mais consentit tout de même à essayer.


***


Lorsque Julie et Maxime entrèrent dans la maison, Josiane était occupée à ranger ses effets personnels et à rêver à des jours meilleurs. Elle avait entendu les enfants entrer et se diriger vers la chambre de Maxime, mais n'y porta pas plus d'attention. Elle avait mis un disque de Diana Krall, une chanteuse qui faisait dans le registre Jazz-détente, qu'elle affectionnait, mais qu'Éric aimait beaucoup moins. Elle profitait des moments où elle était seule à la maison pour créer autour d'elle l'atmosphère de détente dont elle avait besoin pour briser le rythme effréné de la semaine de travail.

Par contre, seule à la maison, Josiane trouvait qu'il lui manquait quelque chose ou plutôt quelqu'un. En fait, elle était récemment tombée amoureuse d'un collègue de travail. Sa vie avait basculé. Même si elle continuait d'apprécier les moments de détente du week-end, elle avait parfois hâte de retourner au travail le lundi et se sentir plus proche de Thierry son nouvel amant. Sa relation avec Thierry devait très bientôt évoluer ou cesser. Elle ne pouvait continuer comme cela encore longtemps. Elle se détestait chaque fois qu'elle se surprenait à mentir à Éric à propos d'un alibi pour expliquer un retard ou une absence. Elle devait soit quitter Éric ou laisser tomber sa relation avec Thierry.

N'eût été de sa crainte de perturber Maxime, elle aurait déjà pris la décision de quitter Éric. Par contre, elle avait quelques fois l'impression que son rôle auprès de Maxime se limitait à ranger ses jouets, lui préparer ses repas, ramasser ses dégâts, changer ses couches et laver ses culottes lorsqu'il y avait fait pipi ou même caca. Lorsqu'un de ses amis était à la maison, comme c'était le cas aujourd'hui, les gestes de reconnaissance de sa part étaient rares. C'était peut-être normal de la part d'un enfant de 4 ans, mais ce comportement suscitait chez elle une réflexion. Elle rêvait d'une vie où son entourage aurait de petites attentions à son égard, où son rôle ne se limiterait pas à celui de coordonnateur des tâches ménagères, ramasseuse de dégâts et changeuse de couches.


***


Arrivés dans la chambre à coucher de Maxime, Julie fit remarqué à Maxime que sa mère n'avait pas vu qu'il avait fait pipi. Maxime faisait un peu la moue. Il savait qu'il ne pourrait dissimuler la situation très longtemps. En plus, c'était inconfortable d'être aussi mouillé qu'il l'était. Il était tenté d'aller voir Josiane pour lui demander de changer ses vêtements.

Julie de son côté aimait beaucoup jouer au bébé avec Maxime lorsqu'il avait fait pipi dans sa culotte. Dans ces conditions, le jeu de rôle lui semblait très réaliste. Elle avait l'impression d'avoir un petit frère et de s'occuper de lui. En plus, le petit frère avait fait pipi dans sa culotte et il fallait le changer, ce qu'elle proposa à Maxime.

- NON ! Je veux pas que tu me changes !
- Si je te change, tu mère ne sauras pas que tu as fait pipi parce que tes vêtement seront secs.

C'était bien vrai ! Du coup, Maxime trouvait que Julie avait une très bonne idée. Par contre, Maxime n'avait jamais choisi seul son linge. C'étaient toujours Éric ou Josiane qui le faisaient à sa place. Mais il saurait bien le faire. Il ouvrit les tiroirs et choisit un pantalon brun, le premier disponible, puis un chandail rayé bleu et jaune qu'il trouvait très confortable. Il enleva ses espadrilles. Par chance, c'étaient des espadrilles à languettes de velcro plutôt qu'à lacets. Ensuite, il enleva son pantalon mouillé. Julie insista pour lui enlever elle-même ses vêtements mouillés pour lui permettre de jouer son rôle de grande sœur qui prenait soin de son petit frère. Lorsque Maxime voulut remettre son pantalon directement par-dessus son caleçon, Julie lui demanda d'enlever son caleçon parce qu'il était également mouillé.

- Tu croies que c'est nécessaire ?
- Lorsque je fais pipi et que c'est ma maman qui me change, elle enlève toujours mon caleçon.
- Bon ça va.

Encore une fois, Maxime se rendit aux arguments de Julie. Il valait mieux faire comme les mamans. Par contre, il était mal-à-l'aise de se mettre à nu devant Julie. Mais tout compte fait, c'était seulement comme à la garderie où l'on changeait souvent deux enfants simultanément, dans la salle où l'on changeait les vêtements et les couches. Il s'était souvent retrouvé dans cette salle en même temps que Julie.

Il laissa donc Julie l'aider à enfiler un caleçon propre, puis le pantalon et finalement le chandail. Soudainement Maxime s'aperçut que ses vêtements mouillés traînaient par terre.

- Si Josiane entre et voie mes vêtements mouillés par terre, elle saura que j'ai fait pipi.

Julie les prit et les poussa sous le lit.

- Tiens mon bébé est maintenant au sec.
- J'suis pas un bébé.
- Mais non, c'est seulement pour le jeu !
- Bon ça va, mais après ça sera ton tour d'être le bébé.
- OK, si mon bébé est gentil et il ne fait plus pipi dans sa culotte.
- Toi, lorsque tu seras mon bébé, est-ce que tu feras un pipi dans ta culotte ?
- Je sais pas, mais pas aujourd'hui
- Pourquoi ?
- Parce que j'ai promis à ma maman
- Moi aussi je promets toujours à ma maman
- Mais aujourd'hui, maman viens me chercher avec un nouvel ami et on va au restaurant. Si j'ai fait pipi, elle a dit qu'elle me ferait garder et que je ne pourrai pas aller avec eux.

Attirée par la conversation des enfants, entrecoupée du mot « pipi », Josiane décida d'aller voir ce qui se passait dans la chambre de Maxime. Son arrivée mit fin à la conversation entre les deux petits.

- Ça va vous deux ...
- Oui

Josiane en profita pour tenter de voir si Maxime avait mouillé sa culotte. Il lui semblait que ça n'était pas le cas. Pourtant, elle regardait la scène des deux enfants assis par terre et il lui semblait que quelque chose lui semblait anormal ou inhabituel, mais elle n'arrivait pas en saisir la raison.

- Voulez-vous quelque chose à boire ?
- Oui, moi j'veux un jus de pomme !

Julie ne voulait pas de jus de pommes. Josiane lui offrit plutôt un verre de lait.

C'est en retournant porter les verres aux enfants qu'elle perçut une légère odeur de pipi dans la chambre de Maxime.

- Personne n'a fait pipi dans sa culotte ?

En disant cela Maxime regarda sa culotte, précisément la partie entre les deux jambes, puis il releva la tête. Josiane avait bien vu que sa culotte n'était mouillée, mais lorsque Maxime fit ce geste elle comprit ce qui se passait. Ce chandail rayé jaune et bleu n'allait pas du tout avec le pantalon brun. Maxime n'était pas habillé comme ça ce matin ! Même Éric n'aurait pas habillé Maxime comme tel. Il avait dû se changer seul et d'autres vêtements mouillés traînaient quelque part dans sa chambre.

- Maxime, as-tu fait pipi dans ta culotte ?

Il regarda un nouvelle fois sa culotte et ne répondit rien.

- Maxime, tu n'étais pas habillé comme ça tout à l'heure, qui t'a changé ?
- C'est Julie

Julie eût soudainement peur de la réaction de Josiane. Elle voulut donc donner son explication.

- Il avait eu un petit accident et il ne pouvait pas demeurer dans sa culotte mouillée.
- Merci Julie, c'est bien gentil, mais où sont les vêtements mouillés ?

Les deux se regardèrent avec un petit sourire et Maxime plongea sous le lit pour récupérer les vêtements trempés.

Lorsque Josiane les reçus, elle les déplia devant elle pour les examiner et s'exclama :

- Mon dieu, c'est ça le petit accident. Combien de pipis as-tu fait dans cette culotte ?
- Seulement un. (C'est Julie qui répondit)
- À ce que je peux voir, Maxime s'est trouvé une nouvelle mère...

Sur cette réplique elle quitta la pièce où jouaient Maxime et Julie.

Maxime sentait qu'il avait encore une fois déçu sa maman. Il regrettait ce qu'il avait fait. Il n'aurait certainement pas échangé sa maman contre Julie, même si cette dernière était sa meilleure amie.

MaxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant