V A L E N T I N
Ce cours était ennuyeux à mourir. Enfin, je dis ça, mais ce n'est pas comme si j'avais été attentif. Je n'ai rien suivi, faute de ma fâcheuse tendance à m'enfermer dans ma bulle dès que j'ai le cul posé sur une chaise. J'ai pris cette mauvaise habitude au collège. Dès que je rentre en classe, c'est comme si mon esprit partait ailleurs. Je n'écoute plus, et ne suis plus du tout attentif à ce qui se passe autour de moi.
Enfin, c'était mon dernier cours de la journée, heureusement. Je pense que je ne vais pas tarder à appeler Lalie, j'ai grand besoin d'aller en boite. J'y vais de plus en plus régulièrement, ces temps-ci. Il faut dire que j'ai besoin de penser à autre chose, à cause du stress provoqués par les partiels qui approchent à grands pas.
— Valentin !
En plus je n'ai plus de clopes et plus assez de thune pour m'en racheter, ça me casse les couilles.
— Valentin ?
Et ma mère qui va encore me prendre le chou ce week-end parce que je suis un jeune dévergondé qui lui cause du soucis parce que je ne rentre quasiment plus le soir et qu'elle se demande ce que je fous. Ça aussi ça me casse les couilles d'ailleurs.
Soudain, une main se pose sur mon épaule. Je sursaute et fait face à Félix. J'écarquille les yeux. Ça pour une surprise.
— Ça fait trois fois que je t'appelles.
— Ah ? Desolé, j'étais dans mes pensées. Mais sinon félicitation, je ne m'attendais pas à ce que tu me trouves si vite.
— On va dire que j'ai de bonne relation, répond-il avec un sourire en coin.
Je hausse les épaules. Bon, il m'a trouvé, tant mieux pour lui. Par contre je n'ai aucune idée de la suite des événements. Je n'avais pas prévu que notre rencontre se fasse aussi rapidement. Quel con.
— Bref, j'ai d'autres chats à fouetter moi. À plus, dis-je en commençant à m'en aller, priant pour qu'il ne me retienne pas.
— Attends une minute. J'ai réussi ton défi. Je veux une récompense, déclare-t-il en se remettant devant moi.
Je me mords violemment la lèvre inférieure. Putain, je savais que je n'aurais pas dû jouer avec lui. Plus collant et buté, tu meurs. Il ne peut pas simplement lâcher l'affaire ? Et bordel, j'espère qu'il n'est pas tombé amoureux de moi, parce que ça me casserait les couilles fois trois.
— Quoi donc ? soupiré-je.
— Un rendez-vous. Et après, je te lâche.
— Quand ?
— Ce soir ?
Je souffle. J'avais prévu de décompresser en discothèque, mais plus vite je serais débarrassé de ce type et mieux je me porterai.
— Va pour ce soir.
Il est dix-huit heure, donc j'imagine que son fameux rencart commence maintenant. J'espère au moins que je ne vais pas trop m'ennuyer. Oh, et si la soirée se finit dans son lit, je ne dis pas non. De toute façon, c'est la dernière fois que j'aurais affaire à lui, alors autant marquer le coup.
Il m'emmène donc de nouveau à sa vieille Twingo plus très blanche. Lorsque je demande où on va, il me dit que c'est une surprise. Je souris, curieux de voir s'il réussira à me surprendre.
La voiture s'arrête une vingtaine de minutes plus tard. Je découvre alors un bar aux allures élégantes, avec terrasse au bord de la Loire. J'avoue que je ne connaissais pas cet endroit. Pas mal Félix, pas mal. Nous nous installons donc dehors, avec vu sur le fleuve. Je regarde la carte. Leur hamburger est appétissant, je pense que c'est par ça que je vais me laisser tenter.
— Pour moi ce sera le hamburger frite. Et un mojito.
— La même chose.
La serveuse acquiesce et retourne en cuisine. Je lève un sourcil, interrogateur. Je ne m'attendais pas à ce qu'il prenne pareil que moi.
— J'étais trop perdu dans la contemplation de ton visage pour m'intéresser à la carte, répond-il à ma question muette.
Je ne peux m'empêcher de pouffer. C'est quoi cette phrase de drague à deux balles ?
— T'en as d'autres, des disquettes du genre ?
— Toute une collection ! s'exclame-t-il en riant à son tour.
Je souris, amusé, puis porte mon regard sur l'horizon, où le fleuve grisâtre rencontre le coucher du soleil et ses lumières orangées. Finalement, la soirée sera peut-être distrayante. Lorsque mon regard croise celui de Félix, je vois qu'il me dévisage.
— Un problème ?
— Non. Oui. Enfin...
Je le perturbe, ça saute aux yeux. J'esquisse un sourire amusé. J'adore cet effet que j'ai sur lui.
— Accouche.
— Tu dragues même les gens en couple ?
Je hausse les sourcils, surpris.
— Généralement non. J'aime m'amuser, c'est vrai, mais je n'aime pas m'attirer des problèmes inutilement. Pourquoi cette question ?
— Quand j'ai parlé de toi à un pote à moi pour qu'il m'aide à te retrouver, il m'a dit qu'il avait une dent contre toi parce qu'il t'avait surpris entrain de draguer sa copine.
— Ouais, c'est possible. Je fais de belles conneries quand je suis bourré, déclaré-je en haussant les épaules, indifférent.
Il me regarde, une lueur étrange dans le regard.
— Quoi ? finis-je par demander, mal à l'aise.
— Je me disais juste à quel point tu avais l'air intéressant, chéri, dit-il en insistant bien sûr le dernier mot.
Je ne peux réprimer un sourire en coin. Il a vraiment l'air d'un dragueur du dimanche, avec ses disquettes dépassées. Mais je dois bien avouer que je commence à lui trouver un certain charme. Il est plutôt amusant, en fin de compte.
— Je ne suis pas aussi captivant que tu le penses. Je suis juste un gars banale qui déteste s'emmerder, lâché-je avec désinvolture.
— Un gars banal n'a pas autant de sex-appeal que toi chéri.
On dirait que le surnom que je lui ai donné l'autre fois par message lui est resté.
— C'est vrai, approuvé-je en passant exagérément une main dans mes cheveux.
Il rit, et nos commandes arrivent. Je dévore le hamburger goulumment. C'est un pur délice, je me régale. Après quelques bouchées, je reporte mon attention sur Félix qui tire une drôle de tête.
— J'avais oublié que j'avais commandé un mojito, m'avoue-t-il. Et je déteste ça.
— Bah, pourquoi en avoir pris un alors ?
— Parce que je voulais absolument sortir ma disquette de tombeur. Et parce que je suis un peu con, aussi.
Je pouffe une nouvelle fois. Si moi je ne suis pas banal alors que dire de lui. Il est complètement à l'ouest. Enfin, je suis mal placé pour le juger sur ça, étant moi-même souvent dans la lune. N'empêche qu'il me fait bien rire, avec ses phrases de séductions pourries et sa maladresse comique.
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Transe
RomanceValentin est désinvolte, libertin et souvent dans la lune. Il est ce genre de garçon toujours ailleurs, dans sa bulle, déconnecté du monde extérieur. Il passe ses nuits en boite, à danser pour oublier la réalité ennuyeuse de son quotidien. Il semble...