VII

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V  A  L  E  N  T  I  N

     Je papillonne des yeux, me réveillant doucement. La pièce où je suis est plongée dans le noir, seulement éclairée par la faible lumière filtrée par les rideaux. Et c'est lorsque je sens quelque chose remuer à côté de moi que je me remémore mes actes de la veille. À quelques centimètres de moi, Félix dort encore à poings fermés. Son dos nu est à découvert, seules ses jambes étant encore recouvertes par les draps.

Je m'étire, soupire et prends ma tête entre mes mains. Je suis attendri par cette vue. Par son visage qui semble paisible, par ses cheveux ébouriffés. Alors qu'il bave bordel. Je me lève, rassemblant mes vêtements sans faire de bruit. Je m'en veux pour hier soir. Je n'aurais pas dû faire ça, je n'aurais pas dû le chauffer ainsi. C'est sûr qu'après ça, il n'est pas prêt de me laisser tranquille. J'ai agis sur un coup de tête, guidé par mes pulsions. J'avais envie de lui a ce moment-là, et je n'ai pas réfléchi.

Ça me fait mal de l'admettre, mais j'avoue avoir passé une très bonne soirée en sa compagnie. J'ai aimé discuter avec lui, rire de tout et de rien. Il ne m'a pas emmené faire quelque chose d'extraordinaire ou de très surprenant. Et pourtant, ça m'a fait du bien d'échanger ainsi avec lui.

Je ne sais pas trop pourquoi j'ai pris autant de plaisir pendant ce rendez-vous. Peut-être était-ce parce que j'étais heureux d'être au centre de l'attention et d'être ainsi désiré. À moins que ce ne soit parce que j'étais avec lui, tout simplement. Sûrement un peu des deux.

Mais quoiqu'il en soit, je ne suis toujours pas prêt à laisser tomber mes principes pour ce type tombé du ciel. J'admets qu'il me plaît. Mais de là à envisager de me mettre en couple avec lui, il ne faut quand même pas exagérer. Soyons réaliste. Je sais très bien qu'au bout d'une semaine, il me lassera et je serais dans l'obligation de le larguer comme une vieille chaussette. Pour le moment, mieux vaut prendre la poudre d'escampette. Fuir les problèmes, ça a toujours été ma spécialité.

— Je peux savoir où tu comptes aller comme ça ? me demande une voix rauque qui me fait frissonner.

Mon coeur a loupé un battement. C'est qu'il m'a fait peur le con. Je me retourne pour lui faire face, encrant mon regard dans le sien. Je ne sais pas quoi lui dire. On reste ainsi quelques secondes avant que je ne me décide à courir vers l'entrée.

— Tu ne me feras pas deux fois le même coup ! s'exclame-t-il en se mettant à ma poursuite.

Et alors que j'allais ouvrir la porte, la liberté me tendant les bras, une main me choppe le poignet pour me plaquer contre le mur. Je grimace. Cette situation pue la merde.

— Pas question de te laisser t'enfuir encore une fois, souffle-t-il.

Je soupire, résigné. Je suis pris au piège, je n'ai plus d'issue. Ça me fait chier, mais je sais qu'il ne me laissera pas partir sans explication.

— C'est bon, t'as gagné. Par contre si tu pouvais te rhabiller... Non pas que la vue ne m'excite pas, mais je ne suis pas sûr que la conversation reste bien longtemps sérieuse avec ton zgeg à l'air.

Il rougit instantanément, baissant la tête pour constater qu'effectivement, il n'a pas le moindre vêtement sur le corps. Il balbutie des excuses avant de filer enfiler des affaires propres. Je m'assois sur le bord du lit, les yeux rivés au plafond, réfléchissant à ce que je vais bien pouvoir trouver comme excuse pour me défiler.

— Alors ? me questionne-t-il en s'adossant au mur en face de moi.

Je n'ose pas croiser son regard.

— Je ne sais pas quoi te dire, soupiré-je. J'ai l'habitude de coucher avec des gens et de m'enfuir pour éviter la confrontation du lendemain, c'est tout. On a bien baisé, c'était sympa, mais ça s'arrête là. Je peux y aller maintenant ?

C'était plus que sympa, mais je me garderai bien de l'en informer. Il me dévisage quelques secondes, me faisant avaler ma salive difficilement. Il n'a pas l'air convaincu. Merde.

— Je crois que tu te mens à toi-même, Valentin.

Bordel, faite qu'il ne se mette à jouer le psychologue.

— N'importe quoi.

— Tu t'es attaché à moi, et ça te fait peur, parce que tu n'en as plus l'habitude. J'ai tort ?

Je détourne les yeux, les joues rouges, honteux d'avoir été si facilement percé à jour. Il faut que je me barre. Et vite.

— Regarde-moi.

Je m'exécute, lui offrant mon plus beau regard noir.

— Laisse-moi partir.

— Admets que tu m'aimes bien et je te laisse passer la porte.

— Jamais.

— Bon, bah on va rester là alors. J'ai tout mon temps.

Connard.

— Je... déclaré-je à contre coeur, heurté dans ma fierté. Je t'aime bien, ok, j'avoue. Mais ça ne change rien au fait que je ne veuille rien envisager avec toi.

Il esquisse un sourire en coin.

— Je te ferais changer d'avis.

— C'est beau d'avoir des rêves. Aller, salut chéri, je me casse maintenant, lâché-je en quittant enfin son studio.

Une fois dans l'ascenseur, je souffle de soulagement. La pression retombe instantanément. Je me pince violemment les lèvres en sentant des larmes me monter aux yeux. J'ai envie d'hurler, de frapper n'importe quoi pour évacuer toute cette frustration. Ça m'a fait mal d'admettre que je l'aimais bien. Mais ce qui m'enrage le plus, c'est que ce n'est pas ça qui m'a fait le plus souffrir.

Ce qui m'a fait le plus mal, c'est de lui avoir dit que je n'envisageais rien avec lui. Putain, je déteste ce sentiment d'impuissance, cette perte de contrôle de mes émotions. Je n'aurais pas dû jouer au con avec lui. Je n'aurais pas dû aller à ce rendez vous. Je n'aurais pas dû le revoir. Je n'aurais pas dû m'attacher.

Je me déteste.

Une semaine s'est écoulée depuis, et je n'ai toujours pas revu Félix. Il semble m'avoir laissé tomber. Je devrais être réjoui, et pourtant, je ne peux m'empêcher d'être déçu en pensant à ça. Je ne suis même pas retourné en boite. Je n'arrête pas de penser à notre conversation, qui tourne en boucle dans ma tête. Je n'arrive pas à songer à autre chose, il occupe toutes mes pensées.

Enfin, c'est vendredi soir aujourd'hui. Et j'ai bien l'intention de tout faire pour oublier ce type. Alors je vais faire ce que je fais de mieux, danser en boite à en crever, boire jusqu'à n'en plus pouvoir et pécho quelqu'un pour finir la nuit. Je m'apprête à quitter la fac, bien décidé à passer une soirée mémorable, lorsqu'une ombre se dessine au tableau. Félix se tient devant moi, les mains dans les poches, un petit sourire aux lèvres.

— Suis-moi, dit-il simplement en commençant à s'en aller.

Je devrais l'ignorer. Je devrais partir dans la direction opposée, m'éclater toute la nuit et ne plus jamais avoir affaire à lui. Et pourtant, mon coeur me le refuse catégoriquement. J'ai croisé son regard, et sans m'en rendre compte, un sourire sincère est apparu sur mes lèvres. Ça me fait chier. Ça me fait chier, parce que je me suis aperçu qu'il m'avait manqué.

— J'arrive.

TranseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant