Chapitre 2

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C'était comme un temple immense. De grands vitraux colorés dépeignaient de grands événements du livre sacré. Le prêtre portait une immense tunique blanche, avec une écharpe dorée. Il les fixait de haut de sur son estrade. Son regard froid les jugeait, semblait peser leur âme sur une balance imaginaire. Celle-là a-t-elle été une bonne croyante ? Semblait-il se demander. Et les autres personnes ... personne ne semblait vouloir leur expliquer quoi que ce soit. Qu'était-ce que tous ces regards ? C'est comme si on les attendait depuis un moment déjà. Deux gardes s'étaient postés à l'immense porte, comme deux sentinelles pour les empêcher de sortir.

Ils étaient au beau milieu de la nef, tous les bancs étaient prit. Tous les regards étaient posés sur eux. Curieux, anxieux, plissés de suspicion. Que devaient-ils faire ? Pourquoi les attendait-on ?

Un bruit soudain fit sursauter Ariette et sa famille. Elle se retourna prestement vers la porte qui s'était ouverte. C'était lui. Même sans avoir posé la main sur la poignée, il avait ouvert la porte par sa simple volonté. Il se tenait dans ce lieu sacré, lui, la créature honni, haït des anges et dont Dieu ne veut pas. Il était à l'entrée du lieu, de l'Eglise. Allait-il brûler ? Se demanda Ariette, mais l'homme ne brûla pas, il ne semblait ressentir aucun problème à entrer dans la maison du créateur des hommes.

Il fit un pas sur le tapis rouge, le public étouffa un cri de surprise. Ses pieds étaient nus, ses ailes grandes et puissantes trainaient dans son dos. Sa longue queue de démon fouettait l'air, agacé et prête à blesser tout humain assez stupide pour s'approcher de lui. Il était sûr de lui, fier de lui, puissant, séduisant, mais terriblement dangereux. Le souffle court, Ariette s'écarta du chemin principal pour le laisser passer.

Aucun regard ne lui fut accordé, il continuait de monter vers le roi. Il y eut comme un échange entre eux puis le souverain hocha la tête et tout le monde hurla de joie. Mais que se passait-il donc ? On attrapa Ariette et on l'emmena devant le démon et l'homme proche de lui. La jeune paysanne, effrayée et outrée, essaya de se débattre pour échapper à la poigne du soldat sur son épaule. Son père cria et essaya de venir à son aide néanmoins, un garde s'interposa entre eux et Ariette le regarda, horrifiée se faire emmener plus loin. Son cœur battait la chamade. Elle détestait ce qui se passait là. Ce n'était pas rassurant, on allait lui faire quelque chose, elle le savait. On allait la forcer à faire quelque chose.

« Maintenant que la choisie est ici, nous allons donc procéder à l'union. Le Darmüs a refusé d'épouser la princesse Elisabeth et, la jeune fille, ici présente a été choisie par le Darmüs pour remplir l'offrande à sa place. »

Ariette se débattit de plus belle, comment ça, choisi pour épouse ? C'était impossible, elle n'avait jamais eu la moindre interaction avec le démon. Comment pouvait-on choisir quelqu'un comme mariée si on ne la connaissait pas ? Elle n'était qu'une pauvre paysanne. La cour du roi applaudit le discours du prêtre et Ariette sentit un goût amer se répandre dans sa bouche. Décidée à ne pas se laisser faire, elle mordit le bras du soldat qui la retenait avant d'essayer de s'enfuir vers la sortie. Que croyait-elle ? Qu'avait-elle cru en essayant ?

Elle ne parvenait pas à croire que son destin avait changé en si peu de temps. On l'attrapa de nouveau par l'épaule, une poigne puissante, qui ne laissait pas place à la résistance. Ariette regardait sa famille, suppliant pour de l'aide. Aidez moi, disait son regard bleu, je ne souhaite pas épouser le démon. Je ne souhaite pas épouser le mal. Mourir, voilà ce que cela voulait dire. Mourir loin de tout, mourir sous un rire malfaisant, agonisante sans famille proche.

« Quel tempérament ! »

Et ils s'esclaffèrent, ils rirent tous d'elle, ils rirent de son malheur. Ariette pouvait voir leur rire aux dents jaunâtres mordre son âme de leur moquerie infâme. Rire de son sacrifice alors qu'elle n'était pas d'accord. Elle était trop jeune pour mourir. La princesse avait été choisie, pas elle. Ariette était une paysanne comme les autres, elle ne souhaitait pas mourir, ou du moins, pas comme ça.

Coeur d'or (Première Version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant