Chapitre 6

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Elle ne pouvait pas vivre dans la forêt, loin de tout. A présent que sa culpabilité s'estompait comme lorsqu'on mange un animal, Ariette se sentit prête à retourner au château. C'est sans hésiter qu'elle commença à suivre son chat dans ce lieu où nul autre ne se sentirait confiant. En quelques heures, elle retrouva sa demeure. Elle enfila des vêtements avant de retrouver la salle de réception, la cour y était.

On la fixa et on chuchota à son passage. C'est sûrement ses cheveux décoiffés qui lui valurent tant de remarques, elle ne savait pas quand ils étaient arrivés, cependant ils pouvaient bien aller crever, Ariette s'en fichait royalement. Elle ne s'agenouilla même pas devant ses majestés qui la dévisagèrent, le roi Edgard semblait outré de son comportement, mais personne ne dit rien à la femme du Darmüs. Elle alla s'installer à la droite d'Irnivra, la femme lui avait manqué et un immense sentiment de joie la saisit au cœur en la voyant. La reine semblait avoir prédit son arrivée car il y avait justement une place entre elle et sa fille. Comment avait-elle pu deviner ? A moins que ce ne soit le Darmüs qui l'ait prévenu ? Ariette n'oubliait pas que le démon avait toujours eu le don de lire dans ses pensées et prévoyait toujours toutes ses actions à l'avance.

Le repas qu'on lui servit consistait en de la viande à peine cuite, Ariette ne se priva pas pour commencer à manger. Sans attendre la pseudo bénédiction que le roi allait lancer. Elle ne croyait pas en Dieu de toute façon, et ce fameux Dieu ne l'aurait jamais laissé tomber dans la déchéance ainsi.

« Quel appétit. »

Remarqua Irnivra en lui souriant. C'était le même rictus qu'elle faisait toujours, Ariette percevait de l'amusement provenant d'elle, mais aussi autre chose qu'elle ne saurait décrire. Elle répondit simplement que la journée avait été épuisante et qu'un bon repas était toujours le bienvenu.

« Où est Rose ? »

Demanda-t-elle. C'était sarcastique, ou un piège, Ariette ne parvenait pas à deviner cependant la question n'avait pas été posée par hasard. C'est comme si elle pouvait ressentir chaque intention de chaque personne présente. Ça lui semblait naturel.

« A traîner je ne sais où. »

Répondit-elle, la voix traînante. Elle vida son verre de vin d'un trait. Son escapade de plusieurs jours dans la forêt lui avait fait le plus grand bien, elle se sentait de nouveau connectée à elle-même mais des choses bien étranges lui arrivaient désormais.

C'est comme si sa compréhension du monde s'était affuté. Elle comprenait mieux les choses, tout lui semblait plus coloré, les gens ne pouvaient plus lui cacher leurs intentions. Elle les comprenait d'une toute nouvelle manière. Comment le faisait-elle ? Ariette ne le savait pas elle-même mais tout ce qui lui arrivait la rapprochait maintenant du Darmüs plus que de l'humain. Que lui avait-il fait ? C'était forcément lui ... comment expliquer tout cela sinon ? Un meurtre vous souillait l'âme et vous pervertissait à vie, mais cela ne vous donnait pas accès à la magie. Ça coulait dans ses veines comme le sang. C'était une part d'elle. Elle en avait besoin pour vivre. Certes, elle n'arrivait pas à s'en servir, mais ça grouillait inconsciemment tout autour d'elle, dans elle.

Elle se resservit un plat, elle mourrait de faim, d'habitude, elle n'aurait pas mangé autant mais son corps ordonnait à ce qu'elle le remplisse.

« Votre femme n'est toujours pas grosse, ou ça ne se voit pas. »

Déclara le roi, moqueur à son propos. Ariette sentait que ça cachait de la jalousie, il aurait préféré que ce soit sa fille, à sa place. Peut-être sentait-il à présent qu'elle était différente ? La comtesse se sentait toute puissante avec ce qui coulait dans ses veines. C'était peut-être une bénédiction du Darmüs ? Cela valait-il un meurtre ... ? Se demanda Ariette. Non, nul pouvoir sur Terre n'équivalait une vie humaine. Le remord la rattrapa soudain, elle s'amusait ici lorsque Rose était morte par sa faute ! Elle se leva dans le but de rejoindre sa chambre. Edgard eut un rire narquois, nul doute, il croyait que ses propos avaient blessés la jeune femme. Ce n'était pas du tout le cas, Ariette ne souhaitait pas vraiment tomber enceinte. Peut-être qu'effectivement un désir se propageait dans son ventre lorsqu'elle voyait le démon, mais cela n'avait rien à voir avec son devoir conjugal. Elle n'arrivait pas à voir cet acte comme ce qu'elle devrait faire, mais comme quelque chose qu'elle avait envie de faire. Imaginer le corps du démon contre ou sur le sien ... elle se l'imaginait avec précision et une certaine honte l'envahit alors.

Coeur d'or (Première Version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant