Chapitre 4

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Au soleil couchant, Ariette et Rose se tenaient debout, comme des statues face au carrosse qui les attendait. C'était un beau véhicule, grand, en bois sombre. Le Darmüs les attendait, impassible, silencieux. La cour leur fit ses adieux, la reine promit des lettres à Ariette. Mais les deux jeunes femmes ne bougèrent pas. Ariette avait le regard fixé vers les créatures qui allaient les transporter. Ils avaient des plumes noires comme la nuit, un bec pointu, des petits yeux noirs brillants. Mais ... ce n'était pas de simples corbeaux. Ils avaient quatre pattes, avaient la taille d'un cheval. Comment pourraient-ils les transporter ? Comptaient-ils s'envoler ?

La comtesse offrit un regard au Darmüs qui ne bougeait toujours pas. Les deux grandes ailes dans son dos ouvertes, prêtes à s'envoler dès qu'elles seraient montées à bord. Elle n'en n'était pas rassurée. Les paillettes d'or dans les yeux de son vis-à-vis semblaient lui donner l'ordre. Cette fois, il n'usa pas de sa magie sur elle. Rose lui attrapa la main pour l'attirer dans le véhicule, pour ne pas s'attirer la colère des gens présents. Leurs mains s'enlacèrent pour affronter leur peur et le valet ferma la porte derrière eux, les séparant définitivement du monde, prêtes pour rejoindre leur destin au château d'Ebène. Ariette poussa un petit cri quand les corbeaux commencèrent à s'envoler. Sa main serra plus intensément celle de sa femme de chambre. Le carrosse s'éleva néanmoins sans soucis dans les airs et bien vite, le paysage défila sous leurs yeux.

C'était beau, grisant, effrayant. Ariette sentait son cœur tournoyer sous toutes ses émotions. Il n'y avait personne pour guider les volatiles et pourtant, ils se dirigeaient sans une once d'hésitation en direction du nord. Grâce au petit hublot qui permettait normalement de contacter le conducteur, Ariette jeta un œil aux créatures. Ils semblaient courir en même temps que voler, comme sur une route aérienne invisible. Le véhicule aurait dû être chamboulé dans tous les sens avec ce vent, au contraire, c'était très calme. Si la comtesse n'avait pas vu l'extérieur ou n'avait pas vu les créatures, elle jurerait être dans un carrosse à même le sol.

« Que voyez-vous ? Lui demanda Rose.

-Rien, c'est ... comme des chevaux, rien de plus. Ou ... des hippogriffes, comme dans la religion.

-L'hippogriffe de Saint-Thomas ! Ils existent alors réellement, ou est-ce une création de ce monstre ? »

Ariette ne lui répondit pas, elle n'avait, de toute manière, pas de réponse à cette question. D'ailleurs, c'était une question assez simple. S'ils existent réellement alors le Darmüs les avait dompté sans crainte, s'il les avait crées, ça prouvait une nouvelle fois l'étendue de sa puissance.

La comtesse se rassit correctement, face à Rose. Le roi ne possédait pas ces créatures, si la princesse avait épousé le Darmüs, il en aurait peut-être posséder pour son armée. Ariette imaginait de fiers lanciers chevaucher ces créatures, prêts à fondre sur les adversaires et ce sans pitié. Elle laissa voguer son imagination quelque temps et le soleil eut le temps d'aller se coucher qu'elles n'arrivèrent toujours pas.

Rose sortit d'un panier une soupe froide :

« La reine m'a prévenu que nous arriverions demain, ainsi, elle nous a prévu un repas. Le démon ne compte pas s'arrêter. »

Elles mangèrent en silence, concentrées à ne rien renverser. Pour la première fois depuis longtemps, Ariette put admirer une nuit à la grosse lune blanche. En contrebas, des milliers de nuages cachaient les terres des humains. Pendant un moment, un court instant, Ariette eut la folie de s'imaginer ouvrit la porte du carrosse et sauter pour pouvoir s'enivrer de la sensation unique et incroyable que de tomber.

Elle imaginait très bien pour le Darmüs aimait tant voler, ce n'était pas seulement parce qu'il en était capable mais aussi, parce que de là-haut, le monde semblait insignifiant. Pendant un moment, Ariette aima voler et aurait tout donné pour avoir ses propres ailes et voler par elle-même.

Coeur d'or (Première Version)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant