Coeur d'or (Première Version)

Chapitre 8

Ariette aimait tant cette forêt qu'elle considérait comme la sienne désormais. Son attachement aux pins, aux animaux, à tous les sons qui l'entouraient ... c'était un doux repaire pour son cœur. Ici, elle parvenait à tout oublier, son mari, ses terribles émotions. Avec la distance qu'il y avait entre eux, elle ne ressentait que très peu les sentiments qui pouvaient habiter dans le cœur de son époux, ça la rassurait. Ariette se sentait plus tranquille et plus calme, comme si elle pouvait enfin penser sans être espionner par le Darmüs. Elle essayait de réfléchir tout en marchant, pieds nus. Malgré les pierres qui pouvaient la blesser, elle ne fit pas attention à la douleur qu'elle pouvait s'infliger. Seul comptait son isolement, sa tranquillité.

Des questions se posaient par milliers dans sa tête, elle se demandait si effectivement, elle devait offrir son cœur au démon. Il semblait posséder tout pouvoir sur elle mais lui laissait tout de même le choix. Il lui avait déjà offert son cœur sombre et noir et ce n'était pas un acte anodin. C'était la plus belle offrande qu'il pouvait lui faire. Ça mettait la jeune femme mal à l'aise, le Darmüs semblait convaincu d'avoir fait le bon choix, comme si leurs destinées étaient reliées depuis toujours ...

Ariette prit place contre un arbre et ferma les yeux, son chat s'installant à ses côtés. La main posée sur la poitrine, elle se disait qu'elle devait sûrement le faire. Malgré tout ce qui l'entourait, tout ce qu'il avait fait, elle lui faisait étrangement confiance. Jusqu'à présent, son instinct ne l'avait pas trompé. Elle essaya de calmer les battements de son cœur effréné. Faire offrande de son âme, ce n'était pas rassurant, elle avait si peur de ce qui allait se passer si elle le faisait ... son cœur deviendrait-il aussi noir que la suie si elle le donnait au démon ? Des visions d'un passé lointain lui parvinrent, ce n'était pas ses souvenirs, mais ceux du démon. Elle essaya de tout décrypter, c'était vague, flou, néanmoins, elle percevait plusieurs choses. Sa naissance, ses parents, son frère, elle voyait les petites mains du Darmüs plonger dans la chair d'une proie ramenée par son paternel. Ariette avait conscience que c'était son mari lui-même qui lui faisait passer ces moments immuables du passé. Devait-elle l'ignorer ? La curiosité la poussait à être attentive quand la prudence souhaitait l'ignorance de ces instants qui l'amènerait à s'attacher à lui. Pourtant, la vision d'un œuf qui se fissure pour laisser passer des raies de lumière la hantait. C'était la première chose qu'avait vu son époux et elle pouvait aussi ressentir tout ce qu'il avait ressenti. Elle revoyait aussi la guerre, le marché avec le roi. Elle pouvait aussi sentir que le démon lui cachait des choses pour son propre bien ou parce qu'il n'était pas prêt pour les partager avec elle. A présent, elle voulait en savoir plus de lui, voir les événements qui l'avaient forgé ne lui suffisait pas. Ariette souhaitait lui parler pour le comprendre, elle avait cette volonté de le rendre heureux, lui qui avait été émerveillé par les premiers rayons de soleil à sa naissance.

Ariette avait la peur secrète qu'il se serve de ces souvenirs pour qu'elle ait pitié de lui, mais à part un sentiment sincère de vouloir se rapprocher d'elle, il n'y avait rien qui habitait le cœur noir du démon.

Un prénom lui vint en tête. Un prénom donné par une mère anciennement humaine. Un prénom aussi beau que le démon. Ariette le garda en tête et se le répéta plusieurs fois pour se faire à cette sonorité. C'était un magnifique prénom.

La jeune femme se figea un moment en y repensant, une mère humaine ? Si son mari avait eu une mère humaine, alors il comprenait sûrement les sentiments qui la traversaient et cela expliquait sa douceur première à son égard. Pourtant, ça restait difficile de le comprendre, de l'appréhender. Tout son silence, son indifférence semblaient se fondre sous son amour qu'elle ressentait désormais. Etait-ce un amour sincère ? Depuis le début de leur relation, Ariette n'avait jamais fait de pas dans sa direction, elle aurait souhaité pouvoir s'enfuir cependant ... elle sentait que maintenant, son sort et son destin était lié à celui du démon. Un étrange pressentiment venu d'ailleurs le lui dictait. Le Darmüs lui fit passer une émotion pour lui faire comprendre. C'était les étoiles qui s'amusaient à lier les âmes ensemble pour leur garantir l'amour de toute une vie. Ariette n'était pas sûre d'avoir la pleine conscience de ce que cela voulait dire, mais ça l'effrayait. Comme des guides veillant sur eux, c'était les étoiles qui avaient saisi son âme pour la lier d'un fil à celle du démon. Ainsi, était-elle condamnée à vivre à ses côtés ? Une volonté de le voir naquit en elle, elle avait prit sa décision. De part leur lien unique, elle se rendait à présent compte de la chance qu'elle possédait. La reine était jalouse d'elle, la jeune paysanne qui pouvait vivre sans crainte son amour avec son âme-sœur. Irnivra la jalousait autant qu'elle avait de l'affection pour elle. Son époux l'avait aimé dès le premier jour et elle, elle n'avait pas comprit la vérité. Coincée dans une conception humaine des choses, elle n'avait jamais entendu parler d'âmes destinées à vivre ensemble. Ariette voulait accomplir cette prophétie qui lui apparaissait maintenant en pleine figure.