Chapitre 3 Jace

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J'ai bien cru que je n'arriverais jamais chez moi. Les rues avançaient mais j'avais l'impression que le chemin s'allongeait. En pleine forme, j'ai besoin d'une vingtaine de minutes à pieds pour rentrer du lycée. Si j'avais une putain de bagnole, il m'en faudrait à peine cinq. Sauf que je n'ai pas les thunes pour m'en prendre une et je refuse de me foutre dans un trafic. Une fois dedans... on est foutu !

J'ai un mal de crâne carabiné. Le retour du musée en bus a été éprouvant, une vraie torture ! J'ai eu des envies de meurtre à plusieurs reprises sur mes camarades, surtout les filles.

Bordel, qu'est-ce que ça peut piailler !

Bam et Deaclan me regardaient puis soufflaient. Nos pensées ne sont pas bien différentes. Avec elles, il ne peut y avoir que d'la baise!

Les mains enfoncées dans les poches de mon jean, le rappeur gueule dans mes oreilles. J'ai les cuisses en feu. Les entraînements sont tellement puissants que, même vingt-quatre heures ne sont pas suffisantes pour m'en remettre. Tous mes membres sont douloureux, ils se contractent pour me faire endurer des crampes monstrueuses. Mon organisme me fait tant souffrir que j'ai l'impression d'avoir de nouveaux muscles, apparus uniquement pour m'en faire baver. Le constat que mon physique est peut-être trop faible pour arriver à m'amener en ligue pro me fait souffler. Il faut que je bosse, que je m'entraîne, encore et encore. J'ai toujours cru qu'il serait mon allié le plus précieux. Aujourd'hui, j'ai trop mal !

Quel con, ce Vince !

J'arrive dans ma rue, enfin ! Ça pue... L'odeur pestilentielle du bronx me dégoute.
Je n'habite pourtant pas dans un de ces immeubles pourris où les mecs pissent et dealent dans la cage d'escalier ou le hall, mais ça n'empêche rien, ça pue ! Bon, j'habite pas non plus dans un beau quartier... Je crèche dans le pire District des Etats-Unis ! Je continue d'avancer. Toutes les maisons sont collées les unes aux autres. Pas de jardins, aucun carré d'herbe. Tout se ressemble, l'architecture est semblable, identique. Que ce soit à gauche ou à droite, la vue est la même.

C'est déprimant ! Personne ne cherche à rendre son « chez soi » différent, le transformer à son image.

Non c'est faux, les graffs sont différents. Ils représentent tout et n'importe quoi. La plupart des gens ignore leur signification. S'ils y prêtaient un peu plus attention, ils comprendraient que leur maison, leur rues ne sont pas réellement leur propriété. Ce sont des dessins d'appartenance. Les boss des différentes bandes s'approprient les avenues et ils le revendiquent en graffant. Aussi simple que ça ! Pourtant, ce constat est déprimant !

Je continue d'avancer, fidèle à moi même, capuche sur la tête, mains dans les poches. Jouant avec la chaîne qui pend à mon jean, les écouteurs enfoncés dans les oreilles, ces manies me permettent de me fondre dans le paysage ainsi que de ne pas entendre les gens gueuler. L'odeur m'agresse le nez en me tirant une grimace.

Je presse le pas.

J'entre chez moi en forçant sur la porte d'entrée qui a gonflé à cause de l'humidité. Pour parvenir à l'ouvrir, un bon coup d'épaule est nécessaire.

Mes parents sont là, assis sur le canapé. Ils se sont retournés à la seconde où le bois a commencé à émettre du bruit. Je n'aime pas du tout ces regards, qu'est-ce que j'ai bien pu faire encore ?

— Alors cette sortie ? demandent-t-ils en choeur.

Ce n'est que ça ?

— C'était naze !

Ils s'attendaient à quoi, sérieux ?

Oui, alors papa maman ! J'ai eu une révélation... les métiers artistiques, c'est notre avenir !

À travers mon refletOù les histoires vivent. Découvrez maintenant