Chapitre 6 Jace

44 5 5
                                    




J'ai réussi à poser le miroir ! Je ne sais pas comment mais j'ai réussi. La dernière fois, l'image avait fini par disparaître toute seule, comme par magie, il n'avait suffit que d'une seconde d'inattention. Hors de question de me faire avoir une nouvelle fois ! Alors, je ne l'ai pas quittée des yeux. La main serrée sur le manche, le regard braqué sur le verre poli, j'ai bavé sur elle comme un puceau.

Le temps. C'est bien la seule chose sur laquelle personne n'a aucune emprise... Ce salaud ne s'est pas mis sur pause. Donc, aucun autre choix ! J'aurais préféré continuer d'admirer cette petite brune, mais l'heure avançait et j'ai été obligé de le poser, à contre coeur. Dans quelques heures, je dois me rendre au lycée. Je vais être frais !

La présence en cours n'a pas d'importance. Ce qu'il faut, c'est qu'on soit dans l'établissement. Tous les étudiants ont une carte à valider, à l'entrée ainsi qu'à la sortie, un peu comme à l'usine. C'est grâce à celle-ci qu'on justifie notre assiduité.

Et je suis dans le meilleur bahut !

Le reste n'a aucune valeur. La parole des humains à notre époque n'est pas fiable et donc l'appel des professeurs n'est pas effectué lors des cours. Les enseignants ont trop peur des représailles. Les élèves pourraient les menacer ou utiliser d'autres subterfuges afin d'obtenir gain de cause. Pour les notes, c'est le même principe. Les profs ne nous rendent aucune copie. Tout est informatisé et directement lié à nos dossiers scolaires. C'est rare qu'ils nous communiquent nos résultats. D'ailleurs, tout le monde s'en tape ! Des jeunes comme moi, il y en a peu ... ceux qui se défoncent dans UNE matière - pas besoin d'un stylo rouge pour connaître nos notes - les autres étudiants sont là pour ne pas être ailleurs à trainer, point barre !

La douche après l'entrepôt se révèle obligatoire. Déjà en temps normal, je saute dans la salle de bain en arrivant mais cette connerie de miroir a retenu toute mon attention. Vu le déroulement de ma soirée, j'avais déjà attendu trop longtemps, beaucoup trop. J'arrivais à me dégoûter moi-même. L'odeur d'alcool, de clope... envahissait mon espace à chaque mouvement. Je n'avais même pas pris le temps de me laver les mains. Un fois devant la glace de cette pièce, je me suis attardé sur mon reflet. Il est moins agréable à regarder que celui de mon petit papillon.

Putain ! Voilà que je me mets à donner des surnoms !

J'ai examiné chacun de mes traits.Les hommes de Cameron n'ont pas eu le temps de trop me massacrer, j'ai été plus rapide ! Ils n'ont pas arraché mon piercing à l'arcade, c'est déjà ça. Le plus difficile a été de nettoyer ma chaîne, le sang avait déjà séché entre les maillons. Dégueu !

Appuyé contre un mur, à quelques rues de mon établissement, j'attends Deaclan. Je ne compte pas vraiment sur la présence de Bam en cours. Je ne l'ai même pas vu hier soir, va savoir s'il était là-bas. Cette brune occupe toutes mes pensées. Impossible de me concentrer sur autre chose plus de cinq minutes ! Mon seul moment de répit a été mon retour à pieds, hier soir ou plutôt ce matin. Deaclan a bien compris que j'avais la tête ailleurs, il n'a donc pas insisté pour me faire participer. Heureusement, j'aurais été d'une humeur massacrante. Il aurait fallu que je donne des explications... Mon pote aurait fini par me demander ce qui se passe et j'aurais du répondre à ses questions.

Même pas en rêve !

Cette idée me fait hérisser les poils, il me prendrait pour un dingue ! Je serre mes poings au fond de mes poches. C'EST UNE HISTOIRE DE CINGLÉ ! Je ne peux parler de ce qui m'arrive à personne. Je vais finir enfermé chez les oufs ! Le seul qui pourrait me filer un coup de main, c'est Deaclan. Il reste mon meilleur pote. On s'est toujours tout dit. Lorsque je me sentais seul parce que mon daron ne pensait qu'à sa putain de carrière. Lorsque ma mère était délaissée, que je l'entendais pleurer de détresse ou de solitude, j'en sais rien - le fait est que ses larmes ont coulé - la seule personne à qui je me suis confié, c'est lui. Parce que je sais que son opinion sur moi ne changera pas. Cependant aujourd'hui, la situation est différente. Je ne me vois pas lui balancer que je suis tombé sur un "miroir magique" qui me montre une nana et que ça me fout à l'envers. Bien qu'il soit mon meilleur ami, ce con se croit tout permis avec ses réflexions ! Sous prétexte qu'il est plus vieux, il pense que son avis ou que son point de vue est plus important, plus valable que le mien. Son histoire est également à prendre en compte. À chaque fois qu'il s'est retrouvé en galère, c'est vers moi qu'il s'est tourné, c'est chez moi qu'il est venu trouver refuge. Heureusement... on est là, l'un pour l'autre comme des frères, mais je ne supporte pas qu'il me dise quoi faire !

À travers mon refletOù les histoires vivent. Découvrez maintenant