Patins aux pieds, j'avance d'une démarche grotesque, jusqu'à la porte vitrée, Deaclan sur mes talons. Une petite boule de nerfs se forme au plus profond de mon ventre. Je suis stressé, je ne connais pas cette sensation.
L'angoisse d'un match, oui ! C'est une décharge d'adrénaline pure et dure, toutefois aujourd'hui, c'est bien différent.
Une rencontre... voilà, ce qui me met dans cet état. C'est étrange, dérangeant... Prendre conscience que l'on n'est maître de rien, prendre conscience que les dés sont jetés, quoi qu'il arrive.
Je freine.
— Yo, bouge mec.
Je grogne, le reptile est de retour... putain ! J'ai une furieuse envie de me barrer, ou de prendre mon pote à l'écart afin de tout lui expliquer. Je me sens perdu. Un grand coup m'est donné dans le dos, ça a le mérite de me réveiller, de me sortir de mes pensées, ou pas...
Et si elle n'était pas là ? Si ce n'était pas elle ?
Ma gorge s'assèche. La panique monte, faisant trembler mon corps, ma vue se brouille. Je ne pige décidément pas mon attitude, elle ne me connaît pas. Je peux donc être qui je veux ! Alors pourquoi avoir la trouille ?
Ralentissant toujours le pas, je recule l'échéance parce que si c'est elle... l'enjeu est énorme, et si ce n'est pas elle... la chute sera douloureuse.
— Bon, Jace, dit Deaclan en me tirant par le bras.
Le regard de mon ami percute le mien. Plus rien n'existe autour de nous, ni les lieux que je ne connais pas, ni la musique qui résonne, ni les paroles de Jess qui vont et viennent.
— Dis-moi, mec...
Je fronce les sourcils. Si seulement il n'y avait qu'un seul et unique problème ! Je pourrais lui répondre facilement. Il reprend donc, en tentant de garder son self-control :
— Des jours, des semaines que tu es comme ça. Ras-le-bol ! J'ai pas beaucoup de gens dans mon entourage, alors j'ai besoin de retrouver mon pote !
Soufflé, je ne pensais pas que mon attitude le pesait autant. Je ne suis pas complètement demeuré, j'avais pigé que le fait d'être distant le gavait, mais de là à penser que ça le touchait à ce point me fout encore plus les nerfs. J'adore Deaclan, c'est toujours avec lui que je partage tout, cependant nous savons également vivre l'un sans l'autre. Étant plus vieux que moi, parfois, j'ai la sensation qu'il se rend responsable.
Je refuse que mes failles l'atteignent !
— Excuse. Pas mal de choses me déraillent le cerveau. T'inquiète, je gère.
Il me sourit. Il comprend effectivement que quelque chose cloche, que j'en parlerai quand je le voudrai, mais surtout pas ici, pas maintenant.
— On est frères, dans les bons comme dans les mauvais jours. Ne l'oublie pas.
Il lâche cette bombe, me laissant là, seul avec mon esprit qui continue d'entendre ces mots en boucle. Je ne suis pas doué pour m'exprimer, pour parler.
Deaclan avance puis traverse la porte vitrée afin d'arriver dans l'espace où la glace prédomine. Cet endroit où je rêve d'aller mais que j'ai peur d'atteindre. Sans que je ne m'en rende compte, mes pieds décident de s'y rendre. Je dépasse les rangées de casiers, la musique est de plus en plus forte. Tout le monde est déjà là-bas. J'ai entraîné Deaclan, pourtant je suis le dernier à entrer en piste. L'angoisse. Ce sentiment qui devient omniprésent, prend possession de mon bide. Je suis l'ombre de celui que j'étais, il y a quelques semaines. Une nana, une gonzesse m'a retourné les sens et fait de moi quelqu'un que je ne suis pas, quelqu'un que je ne reconnais pas. Je me morfonds depuis des jours, je me ronge parce que je veux la voir et quand je suis près du but, je me dégonfle, comme une putain de tapette !
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À travers mon reflet
Roman d'amourPlus le sommet est haut, plus la chute est rude... Jace n'a qu'une idée en tête : se casser du Bronx, le quartier dans lequel il a grandi. Pour parvenir à ses fins, il doit obtenir une bourse pour la fac. Mais il est traqué par un gang qui ne souha...