Tout d'abord, il est important de distinguer les deux concepts susceptibles de jaillir des profondeurs. Le premier, généralement très cantonné dans son essence, est de l'ordre de la conséquence : sentiment navrant, situation embarrassante ou autre conjoncture. Quant au second, plus dilué, il se rapproche de la cause par son statut de force immanente constituant l'abysse-même : sentiment pilier, mécanisme autodestructeur et anticipation négative. Ces derniers, Dieux du Malheur, ont un ascendant spirituel sur leurs petits frères. La Haine est donc de ces prêcheurs dont il faut matérialiser le prestige pour comprendre leurs fidèles. Un premier chapitre lourd de notions, mais il est nécessaire de réaliser l'emprise qu'exercent les grands frères sur leurs cadets. Et entre la facilité et la difficulté, j'ai personnellement toujours préféré abattre cette dernière en premier.
Après la Tristesse, la Haine est le constituant le plus abondant de la fosse, et surtout le plus nourricier : jamais je n'ai bénéficié d'une énergie plus efficace ! Et pour cause, son intensité a de lourds tributs. Dieu jaloux, il ne tolérera aucun autre culte. Les sèves usuelles seront drainées, les labours gangrenés de fiel, les valeurs engourdies. Bientôt, sa domination s'étendra à l'hôte tout entier, qui sera exhorté à contaminer d'autres âmes. Car en bon parasite, sa finalité est de pérenniser sa nature, et le processus qu'il articule est bien rodé : les valeurs, assiégées, ne s'imposent plus à l'infecté qui fait abstraction des moyens. En s'élevant par l'aigreur, il sème des graines de vice en chaque lésé, espérant trouver matrice concrète. Et sans mise en garde, l'apparence enjôleuse de la Haine gagnera aisément leurs faveurs.
Une fois devenue parfaite marionnette, l'hôte fera de son essence sienne. Chaque nouvelle pensée ou opinion sera grimée de cette violente répugnance. Néanmoins, son emprise peut être abolie. En l'appréhendant dûment, il est même possible de profiter de sa vitalité saine. Comme contre beaucoup de pièges de la fosse, notre allié principal est le recul, car il permet l'introspection, et avec elle la prise de conscience de notre asservissement volontaire et de ses conséquences. En réalité, j'utilise ce processus d'abolition pour beaucoup de concepts néfastes, car sa finalité est de portée générale. Il déconstruit les concepts. La Haine, dans le cas présent, mais également ses conséquences ; les pensées et a priori qu'elle enfante et nourrit. Le cœur de cette prise de conscience est le questionnement. Un questionnement pertinent qui trouvera plusieurs réponses potentielles qui pourront être approfondies pour en déceler la meilleure, et non l'unique, car ce que l'on vit n'est pas mathématique, il n'y a jamais de « juste ». En analysant nos souvenirs sur la Haine que l'on a reçue et donnée, nous parviendrons, une fois les sentiments éprouvés et les actions provoquées en réponse décortiqués, à concevoir sa nature. Dès lors, un tri devra s'effectuer. Car la Haine n'est pas entièrement contre-productive. Par exemple, le mépris qui lui est lié fait de l'ascension et de la réussite des priorités. En comprenant ce qu'il induit, on peut l'accepter sans le laisser nous dominer. Ainsi, chacun choisira en son âme et conscience les apports qu'il souhaite conserver.
Et par la percée de nos valeurs hors de leur prison, enfin bannirons-nous la Haine de nos terres ! Toute corruption est réversible si l'on applique le bon remède. Mais attention à ne pas gracier de germe. Comme évoqué plus haut, à chaque Dieu ses fidèles : la Haine peut se fondre dans des a priori, des idées, des buts, des pensées et autres. La plupart des concepts que l'on rencontrera s'en nourrissent, et il est primordial d'avoir ce recul sur elle. De longues ruminations en perspective, mais l'élévation vaut bien ce labeur.
YOU ARE READING
Guide pour Âme brisée
Teen FictionLes engrenages de la vie en viennent parfois à briser certains malheureux. Dans cet état, la motivation générale disparaît, les sentiments s'essoufflent et les projets deviennent de lointains idéaux. Mais le vide ne peut le rester, et l'Âme du margi...