Chapitre 7 : Ostracisme inconscient

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La prolifération des concepts négatifs ne détériore pas uniquement la santé physique et psychique du brisé. En espèces invasives, ils se rient du jardinier dépassé par la corruption de son verger, et altèrent ce que bon leur semble. Devant un tel spectacle, nous nous replions instinctivement sur nous-même, d'abord par la stupeur que cause cette irruption de grande ampleur, mais aussi par la honte de l'allure de notre jardin. Et comme aucun malheur ne vient seul, de la retenue que les maux précédents ont invitée, voilà que naît la Marginalité forcée. Car si la plongée dans l'abîme n'est pas nécessairement une conséquence de l'entourage, la perte de confiance qui lui est liée a malgré tout de grandes chances de dégrader la situation sociale. Généralement, si des émotions néfastes ou des névroses nous assaillent déjà lorsque nous sommes seuls, nous serons bien moins enclins à faire des activités en public. Ce qui est logique, car l'énergie dépensée est bien plus grande en période de fragilité, d'autant que des doutes et appréhensions quant à nos capacités de socialisation peuvent émerger. Il n'y a aucun mal à opérer une introspection solitaire pour adoucir ses maux avant de se remettre à fréquenter normalement, mais la Marginalité prolongée comporte des risques. Si vous ne confiez pas votre situation à votre entourage, à force de vous montrer plus distant, plus timoré, moins enjoué et/ou moins disposé pour des activités, vous recevrez des interrogations. Libre à vous de vous dévoiler ou de protéger les vôtres de votre fardeau, bien que la première option soit sans doute la plus constructive dans la plupart des situations. Car sans connaître votre désarroi et sans réponse précise, vos proches déduiront de votre nouveau comportement qu'il fait dorénavant partie de votre personne. Alors de ce constat et face à la distance prise à leur égard, ils feront progressivement de même. Vous n'oserez plus les contacter, et eux non plus. Puis de cette Marginalité continue naîtra la Solitude. Mais comme tout concept négatif, plusieurs actions peuvent être entreprises dans le but de briser la spirale du repli. Elles se séparent en deux axes : l'axe de la fermeture, et l'axe de l'ouverture. Comme leur nom l'indique, le premier axe exclu le dévoilement de ses difficultés à l'entourage, tandis que le deuxième l'inclus.

Sans surprise, la première option est la plus ardue, car le champ des possibles se restreint sensiblement, et le repli a tendance à affaiblir l'assurance. Mais lorsque l'entourage est trop distant ou que la timidité est maladive, l'on a des fois guère le choix que de rester muet. Comme souvent, il est important de s'introspecter en premier lieu. Cela permet d'avoir du recul sur sa situation, ses envies et ses objectifs. Il est possible que la solitude soit volontaire, et ce serait dès lors un non-sens que de vouloir s'en extirper pour satisfaire une norme sociale, ou pour tout autre raison. Mais dans le cas où la volonté est de retrouver une sociabilité normale, la clé sera de recouvrer confiance et assurance dans la foule et les rapports sociaux en général. Comme pour de nombreux concepts de l'abîme, cela implique de sortir progressivement de sa zone de confort, le cas échéant en sortant tout court : se balader, s'imprégner de la foule en allant boire un café, observer les passants en s'asseyant sur un banc, etc. L'objectif est de ne pas se brusquer et d'écouter sa tolérance personnelle, en commençant par de courtes activités qui peuvent facilement être écourtées davantage en cas de sentiment de mal-être sur les lieux. Il sera aussi important de reprendre part à des discussions, par exemple en revoyant à dose progressive un ou plusieurs proches, ce qui évitera par la même occasion de nourrir le cercle de la Solitude.

L'axe de l'ouverture est quant à lui plus riche de possibilités. Tout d'abord, ce qui peut être entrepris dans la fermeture peut naturellement aussi l'être dans l'ouverture, et je conseille d'ailleurs vivement de jouer sur les deux axes. En confiant à vos proches les difficultés que vous traversez, vous en ferez des alliés dans votre combat intérieur. Dévoiler ce que l'on a sur le cœur est déjà curatif en soi, aussi vous débarrasserez-vous par la même occasion de la crainte de perdre la face devant eux. Vous n'aurez plus à gaspiller de l'énergie pour faire bonne figure ou pour sauver les apparences. Ils enrayeront si besoin la lassitude qui menace votre assiduité à guérir, proposeront leur soutien et leur écoute, et vous pourrez naturellement les solliciter pour des activités sociales qui vous enthousiasment. Aussi, il est important de réaliser pleinement chaque petite victoire et de se répéter au besoin que vous en avez été capable, et que vous l'êtes toujours !

Ainsi, de fil en aiguille pourrez-vous à nouveau sortir des ténèbres en toute confiance. Que vous adoptiez l'une ou l'autre option, gardez toujours à l'esprit que l'assurance est avant tout une question d'habitude et d'acclimatation.

Guide pour Âme briséeWhere stories live. Discover now