Chapitre 4 : L'Ouroboros funeste

5 1 0
                                    


Voici que la Négativité entre en scène. De nature complexe, elle est encore plus diluée et présente que la Haine. Là où cette dernière a besoin d'être constamment régénérée par la confirmation des appréhensions qu'elle pourrit, la Négativité, elle, se nourrie de sa propre présence. On la retrouve en conséquence de la Haine et de la Tristesse, amplifiant leurs effets à moyen terme, ainsi que dans sa forme exacerbée en tant que spirale infernale. Elle nous maintient la tête sous l'eau, amplifiant les sentiments inquiets et défaitistes qui viennent renforcer sa poigne, qui affaiblit à son tour davantage nos espoirs et notre volonté ... et bis repetita ! En outre, elle est membre de la Trinité régnant sur l'abysse avec les deux forces précitées qui tirent profits de ses traquenards.

Son coup de maître est d'être partout et nulle part à la fois : nous buvons ses paroles sans même les entendre, nous dansons de ses fils sans même les sentir. J'ai moi-même longtemps été son jouet. Elle s'est insinuée en moi après une déception quelconque, et me l'a fait ressentir comme perpétuelle. La confiance baisse et l'appréhension devient de facto négative, ce qui diminue considérablement les dispositions à réussir la fois suivante. Dans une moindre mesure, nous attirons bel et bien ce que nous redoutons : comment pourrions-nous parvenir à nos fins si la Négativité nous fait saborder nos capacités lorsque nous ressayions quelque chose ? Voilà la clé de son processus que j'ai surnommé « la spirale de Négativité générale », pour expliciter son auto-renforcement prodigieux.

En soi, c'est une sorte de plafond de verre ; elle s'assure que le brisé n'entreprenne jamais de remonter à la surface. La clé qui me permit de sortir de la spirale est bêtement la réalisation d'y sombrer : je me sabordais. Je voyais en chaque situation la réminiscence d'un échec passé, et en chaque rencontre le clone de quelqu'un m'ayant blessé. Mais chaque expérience et personne doivent être considérées comme nouvelles, car elles le sont bel et bien. Si la Négativité est dirigée contre une situation impliquant l'Humain, comme les relations amicales ou amoureuses, il faut être conscient qu'aucune ne sera jamais semblable. Chacun est différent dans son caractère et sa personnalité, aussi les conditions extérieures ne seront pas les mêmes et l'alchimie entre deux personnes reste aléatoire.
L'étape suivant la réalisation de l'emprise de la Négativité est son détachement des a priori. Si l'appréhension concerne des capacités personnelles, il y a des facteurs concrets qui peuvent être travaillés pour fragiliser la prémonition négative : l'optimisation, par exemple. Dans le cas d'un examen, optimiser ses révisions permet de détacher la Négativité des appréhensions plus facilement, via le soulignement de son non-sens. Lorsqu'il n'y a pas de facteur concret par lequel empoigner la situation, je conseillerais, par expérience, de se poser le moins de question possible. La crainte poindra certainement, mais vivre l'action sans se préoccuper ni de la façon, ni des résultats possibles est la méthode la plus efficace que j'ai trouvé pour ne pas me saborder. En éprouvant sans crainte paralysante d'autres alternatives que l'échec pur et dur, le non-sens de la Négativité se fera de plus en plus explicite, jusqu'au moment où son détachement sera total !

Pour synthétiser, le pressentiment quant à une expérience future doit redevenir neutre, et ce même si une précédente du même genre s'est mal déroulée. Bien sûr, des éléments comme l'optimisation de ses capacités propres, ses forces et faiblesses et la situation impacteront positivement ou négativement l'appréhension. Mais libéré de la Négativité générale, le pressentiment sera épargné de toute automutilation.

Guide pour Âme briséeWhere stories live. Discover now