Chapitre 3 - Le match

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Les deux joueurs étaient à peine entrés sur le terrain que le stade entier de Bazouges-la-Pérouse fut submergé par l'incroyable aura que dégageait cette rencontre, si bien certains spectateurs durent être évacués après avoir fait un malaise.

Mais cette aura exceptionnelle n'était pas seulement celle de Kilian et Alan. En vérité, elle était soutenue par la colère que nourrissaient Jonas et Nicolas l'un envers l'autre. Quiconque aurait osé rentrer sur le ring sans être suffisamment préparé aurait été immédiatement pétrifié sur place. L'arbitre lui-même se tenait à une distance raisonnable de l'épicentre de la partie.

Le match était intense. Régulièrement, les deux maîtres Magic devaient intervenir pour éponger le front de leurs élèves ou leur faire boire de l'eau. Pendant des heures, les deux joueurs étaient à égalité, et chacun se demandait comment allait finir cette partie qui était déjà entrée dans l'histoire par sa longueur incroyable de quatre heures et dix-sept minutes.

Tout à coup, un mouvement fut décisif dans la partie. Alan piocha une carte et regarda Kilian avec un drôle d'air.

« Tu sens ta fin arrivée, Alan ? lui lança son adversaire moqueur. Peut-être que ton deck atteint enfin ses limites. 

 — Non, dit Alan avec un ton grave et en soutenant le regard de Kilian. Je pourrais mettre fin au match dès maintenant. Seulement... 

 — Seulement quoi ? répondit Kilian, agacé. 

 — Seulement, je ne suis pas sûr que tu y survivrais. » 

Jonas fit un pas en avant, mais se stoppa net. Il lança un regard à un son élève et il vit dans son visage qu'il était sérieux. Nicolas réfléchit aux coups qu'il était possible de faire avec la configuration actuelle. « Non... c'est impossible, pensa-t-il. »

« Jonas, arrête-le enfin ! cria soudainement Nicolas. Ce ne sont que des régionales, ils ne sont pas prêts pour... »

Mais la voix de Nicolas s'étrangla devant l'air impassible de son frère. Jonas restait de marbre face à la situation. Il était figé dans l'élan qu'il avait amorcé quelques secondes plus tôt, les yeux rivés sur la partie de cartes. Impossible de savoir si son regard traduisait la confiance qu'il plaçait en son élève, ou bien la peur du geste de ce dernier.

« Qu'attends-tu ? s'impatienta Kilian.

— Non, mon ami ! l'interrompit Nicolas. Tu ne sais pas encore ce qu'il va arriver !

— Tu m'as suffisamment entraîné, ce bon boule en est la preuve ! dit Kilian en se levant de sa chaise pour agiter son magnifique derrière. Aller, c'est maintenant entre toi et moi que tout se joue, ajouta-t-il à l'adresse de Alan. »

Alors, d'un geste assuré, Alan se saisit de la carte entre ses mains et la posa au centre de la table. L'onde de choc qui en emmena fut plus tard classée de magnitude 3,6 sur l'Échelle de Richter. Le stade entier tressaillit, et les quelques spectateurs qui avaient tenu jusque là se réfugièrent immédiatement dans les zones prévues à cet effet dans l'arène. L'arbitre siffla la mi-temps.

Nicolas se tenait toujours sur le côté du ring, abasourdi par ce qu'il venait de se passer. Jonas était lui aussi resté immobile. Jamais il n'aurait pensé trouver une telle puissance à un si bas niveau, non seulement chez Alan pour pouvoir placé cette carte, mais aussi chez Kilian qui avait encaissé le coup. La dernière fois qu'il avait vu une chose pareille, c'était quand lui et Nicolas étaient à ces mêmes places quelques années plus tôt. Il lança un regard à son frère, qui s'était précipité vers son ami. Kilian avait été projeté en arrière contre les cordages. Alan avait lui aussi vacillé de sa chaise. Nicolas arriva sur le ring et prit la main inerte de Kilian. L'apprenti releva les yeux vers son maître.

« J'ai échoué... Je l'ai sous-estimé, dit-il dans un soupir.

— ̶ ̶M̶a̶i̶s̶ ̶K̶i̶l̶i̶a̶n̶ ̶c̶'̶e̶s̶t̶ ̶p̶a̶s̶ ̶l̶o̶g̶i̶q̶u̶e̶.̶ ̶C̶o̶m̶m̶e̶n̶t̶ ̶u̶n̶e̶ ̶p̶a̶r̶t̶i̶e̶ ̶d̶e̶ ̶c̶a̶r̶t̶e̶ ̶a̶ ̶p̶u̶ ̶t̶e̶ ̶b̶l̶e̶s̶s̶ ̶ 

— Tu as encaissé le coup, lui dit admirativement Nicolas. Ne t'en fais pas mon ami, je vais remettre ce prétentieux à sa place ! »

Nicolas retourna sa casquette et se leva en direction de Alan. C'était l'heure du duel.

Mais à cet instant, Joseph intervint dans l'arène pour vérifier les règles auprès de l'arbitre, afin de savoir si Nicolas avait bel et bien le droit de prendre la place de son élève. Après une vérification méticuleuse de deux heures et quarante-trois minutes, il s'avéra que rien n'interdisait que quelqu'un prenne la suite d'un joueur inapte à se battre selon la notice que l'on trouvait dans les paquets boosters. L'arbitre siffla donc la fin de la mi-temps.

« Tu pensais être fort, Alan ? Laisse-moi te montrer quelle est la véritable aura d'un champion de cartes Magic !

— C'est un honneur, lui répondit-il. J'espère être à la hauteur. »

Nicolas jeta un œil à Jonas, qui avait l'air d'analyser chaque mouvement qui se passait sur le terrain. Nicolas n'avait qu'une hâte, c'était de terminer la partie contre cet amateur pour aller enfin affronter le seul vrai danger de cette arène : son frère, qui avait eu l'affront d'apprendre cette technique dévastatrice à son jeune élève.

Le sommet est une place trop étroiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant