Chapitre final - Le pardon

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Au centre du Bazouges-la-Pérouze Arena, Nicolas ouvrit les yeux. Il se hissa avec douleur sur ses jambes. Une ambiance lourde avait envahi le stade. On n'entendait même plus le larsen du micro du commentateur sportif, qui était resté mué devant un tel déchaînement de violence. Les quelques spectateurs restants retenaient tous leur souffle sous leurs équipements de protections.

Imperturbable, Jonas se tenait debout face à Nicolas. Son visage n'exprimait aucune émotion, il se contentait de fixer son frère.

« Comment as-tu osé brandir cette carte contre moi ? lança Nicolas. 

— Apprécies-tu à ton tour le gout de la trahison, petit frère ? rétorqua Jonas. 

— Je vois... continua Nicolas. Tu t'es laissé envahir par les ténèbres. » 

Pour la première fois, une expression de tristesse semblait avoir déchiré le visage d'ordinaire si stoïque de Jonas. Il recula d'un pas et amorça un mouvement vers sa poche intérieure. Nicolas se mit immédiatement en garde avec son deck. Il venait de subir cette carte, il savait désormais comment la contrer. Mais Jonas se contenta d'observer la carte. Les deux hommes étaient immobiles. Ils se faisaient face au milieu du stade qui tombait désormais en ruine.

Cet alors que Nicolas comprit son erreur. Son impardonnable erreur.

« Non... reprit-il. Ce n'est pas ça. Cette carte que tu tiens entre tes mains a protégé ton cœur. Tout comme cette nuit du 14 octobre 2008. Et cette carte que j'ai utilisée contre toi, je pensais te l'avoir dérobé, mais en réalité il s'agit... 

— Oui, compléta Jonas. Il s'agit de la première carte interdite du dojo de la Chapelle-aux-Filtzméens. »

Nicolas s'écroula soudainement en un sanglot.

« Par Seth Manfield, qu'ai-je fait ? Comment ai-je pu utiliser cette carte après tout ce que nous avons traversé ? »

Lui qui avait pensé être si fort, les années passées aux côtés de la première carte interdite avaient finalement eu raison de son mental d'acier. Cette carte avait corrompu son cœur, lui faisant croire que le véritable ennemi était son frère, alors qu'en vérité le mal se cache dans la soif de pouvoir. Nicolas frappa son poing sur le sol de rage.  

Jonas se précipita alors vers son frère. Il lui saisit les épaules et le regarda droit dans les yeux.

« Je t'avais pensé assez fort pour endosser la responsabilité d'être le porteur de la carte, lui dit doucement Jonas. Mais en réalité je t'ai envoyé vers les ténèbres. 

— Non, mon frère, répondit Nicolas. Je me suis laissé corrompre à cause de ma soif de pouvoir. J'ai tant voulu te dépasser que j'ai cédé moi aussi, tout comme toi il y a quelques années. J'ai oublié d'où nous venions, j'ai oublié notre histoire. »

Inès se leva alors dans le public pour entamer un morceau de violoncelle.

« Nicolas, tu viens de te le libéré des griffes des ténèbres, poursuivit Jonas en regardant sa carte. Serait-ce un nouveau miracle de la seconde carte interdite ?

— Non mon frère, c'est grâce au pouvoir de l'amour. Notre lien de sang viendrait à bout de toutes les malédictions.

— Et oui maître Jonas, les interrompit soudainement une voix. »

C'était Alan. Il était sorti de service de traumatologie d'urgence du Bazouges-la-Pérouze Arena, soutenu par Kilian qui l'aidait à marcher.

« N'oubliez pas la première leçon que vous m'avez apprise : la puissance des cartes n'est rien si l'on ne met guère son âme dedans. »

Les deux frères semblaient réaliser soudainement l'environnement qui les entourait, les décombres, le public, et leurs élèves qui les avaient rejoints après avoir affronté des forces titanesques. Ils se regardèrent tout les deux. Sans un mot, Jonas serra Nicolas dans ses bras d'un câlin viril et fraternel (bien évidemment). Nicolas lui rendit son étreinte.

« Jonas, pourras-tu me pardonner d'avoir utilisé la première carte interdite contre toi ?

— Seulement si tu me pardonnes de t'avoir laissé, la nuit du 14 octobre 2008, mon frère. »

Le public, Alan, Kilian et le commentateur sportif poussèrent un «Ohw...» d'émotion. L'arbitre, qui avait eu les deux jambes brisées par la bataille, essuya une petite larme causée par le frisson de la scène, mais aussi parce que deux fractures ouvertes, ça fait quand même sacrément mal.

Sous les acclamations du public et accompagné par le doux morceau de violoncelle, les deux frères se promirent de ne plus s'abandonner. Car c'était dans leur union que leur force était la plus puissante. La fraternité ne s'arrête pas aux liens du sang, mais s'étend jusque dans nos amitiés. Le pouvoir de l'amour est la plus puissante des forces qui régissent notre monde. Alors les quatre amis se prirent la main et partirent ensemble vers le soleil couchant.


FIN

Le sommet est une place trop étroiteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant